A propos de la lutte héroïque des mineurs d’Afrique du Sud
Source: http://www.ccr4.org/Du-sang-de-la-sueur-et-des-balles
Retour de l’Apartheid et haine de classe. Voilà ce
que l’on ressent en voyant et revoyant les images terribles du lâche et
sauvage massacre de 34 mineurs grévistes à Marikana en Afrique du Sud.
C’est un crime contre tous les mineurs, contre tou-te-s les
travailleur-euse-s d’Afrique du Sud. L’ensemble du mouvement ouvrier
mondial est concerné aussi. Mais alors que cette brutale attaque
cherchait à entamer le moral et la lutte de l’un des secteurs les plus
exploités et opprimés du prolétariat, elle n’a fait que renforcer leur
détermination en déclenchant même des grève similaires dans d’autres
mines.
Haine et mépris de classe, c’est aussi ce qu’exprime la direction de la multinationale britannique Lonmin, où travaillaient les grévistes assassinés, qui deux jours après le bain de sang envoyait des télégrammes sommant les ouvriers de reprendre le travail au risque d’être licenciés ! Le gouvernement sud-africain n’est pas en reste. En effet, même s’il a fait pression sur la direction de Lonmin, qui emploie 38000 salariés, pour qu’elle retire son « ultimatum », sa police n’a de fait pas arrêté d’intimider et de harceler les grévistes, aussi bien avant qu’après la tuerie. C’est ainsi que le 16 août dernier plus de 500 membres des forces de répression de l’Etat, équipés d’armes automatiques, avec des hélicoptères et des véhicules lance-eau à l’appui, ont été envoyés pour briser la grève de plus de 3000 mineurs, ce qui a débouché sur l’assassinat des 34 ouvriers [1].
La sinistre décision de justice qui a suivi constitue une preuve de plus de la servilité du gouvernement de l’African National Congress
(ANC) vis-à-vis du capital impérialiste. Appuyée sur une loi datant du
temps de l’Apartheid, elle inculpait les deux cent soixante-dix mineurs
arrêtés lors de la fusillade policière à Marikana du meurtre de leurs
trente-quatre camarades ! Finalement, face au scandale et aux réactions
d’indignation que cela a provoqué, l’inculpation a été « suspendue ».
Ce qui est certain c’est que malgré la fin officielle
de l’Apartheid en 1994, le régime de mépris, d’exploitation et de
violence contre les travailleurs et les masses, dans l’écrasante
majorité Noires, s’est maintenu tout au long de ces années de domination
de l’ANC. L’Afrique du Sud continue essentiellement à être une
semi-colonie dominée par le capital impérialiste associé à la
bourgeoisie Blanche et à une naissante mais toute aussi réactionnaire
bourgeoisie Noire. La lutte héroïque et déterminée des mineurs de
Marikana, qui s’est soldée par la mort de 43 ouvriers au total, en est
une preuve irréfutable.
Le travail dans les mines : un massacre permanent… organisé pour le profit des multinationales
Le secteur minier est stratégique pour l’économie
sud-africaine, dont il représente entre 5% et 8% du PIB. Dans la
dernière période, l’augmentation de la demande des matières premières au
niveau mondial, notamment dans les pays industrialisés, a accéléré
l’exploitation des ressources minières du pays. Ainsi, on compte autour
de six cent mille travailleurs dans le secteur, les principaux groupes
au niveau mondial étant implantés en Afrique du Sud. Le profit moyen des
neuf compagnies minières qui y sont présentes, après le payement des
salaires et des impôts et des coûts fixes, est estimé à 3,6 milliards
d’euros par an !
Dans le même temps, les travailleurs du secteur sont
parmi les plus exploités et ont les conditions de travail et de vie les
plus dures. En effet, « les mineurs travaillent dans des mines très
profondes, où la chaleur est souvent intenable, la poussière très
importante – qui se fixe aux poumons – et le sol glissant. Pour huit ou
neuf heures de travail par jour, ils touchent en moyenne 4 000 rands
(390 euros) par mois, ce qui est insuffisant par rapport à la dureté de
leur labeur. La plupart d’entre eux vivent dans des taudis, parfois sans
eau courante ni électricité » [2].
Cette situation ne constitue pas, en outre, une exclusivité sud-africaine, mais la norme du secteur au niveau mondial. Ainsi, « la
grande visibilité des morts à Marikana et une série d’accidents
industriels survenus récemment ont mis en évidence le coût humain de
l’extraction et jusqu’à quel point plusieurs secteurs de l’industrie
mondiale sont dépendants du travail des ouvriers des régions pauvres
du monde. (…) Par exemple, au moins 60 mineurs ont été tués après
l’effondrement d’un puits dans une mine d’or au nord-est de la
République Démocratique du Congo (…) Et bien sûr, les 33 mineurs
chiliens bloqués sous terre pendant 69 jours en 2010 qui ont attiré
l’attention au niveau mondial. (…) La géographie des endroits où ces
mines sont basées est en général à haut risque » [3].
En effet, les métaux extraits dans les pays pauvres sont fondamentaux
pour les pays industrialisés : par exemple le platine, dont l’Afrique du
Sud assure 80% de la production mondiale, est utilisé entre autres dans
l’industrie automobile et dans la production de matériel informatique.
Cependant, la crise mondiale qui est focalisée, pour
le moment, dans les pays impérialistes centraux, rend ce secteur très
vulnérable. Ainsi les multinationales exportatrices de platine, « avec
la chute des prix dans l’industrie automobile européenne, doivent
réduire la production et licencier des milliers de travailleurs pour
rendre rentable leur affaire -ce qui est tout simplement impossible dans
le climat politique actuel » [4].
Il s’agit sans doute de l’un des facteurs qui expliquent la ligne dure
adoptée par la direction de Lonmin face à la demande d’augmentation des
salaires de la part des mineurs.
Des fissures dans le régime de l’ANC
« La tension se répand dans toute l’Afrique du
Sud. Marikana n’est pas simplement un conflit local, ce n’est pas une
tragique aberration. On a ouvert une boîte de Pandore et ce qui est en
jeu n’est ni plus ni moins que la grande et indiscutable réussite depuis
la prise du pouvoir par Nelson Mandela en 1994 : la paix. Les héritiers
de Mandela dans le gouvernement de l’African National Congress (ANC)
perdent le contrôle et leur crédibilité ; le risque que les révoltes
sociales s’étendent dans tout le pays augmente » [5].
Autrement dit, les conditions misérables et humiliantes de vie et de
travail des masses d’Afrique du Sud, entretenues et approfondies depuis
18 ans par l’ANC, ces conditions mêmes qui ont poussé les mineurs à la
lutte, commencent à remettre en cause le « consensus social » imposé
durant la période de « transition négociée ».
En effet, vers la fin des années 1980 la lutte de la
population Noire contre le régime d’apartheid se développait et risquait
de devenir une révolution ouvrière et populaire. Pour désactiver cette
dynamique, l’impérialisme et la minorité Blanche au pouvoir ont mis en
route une transition ordonnée et négociée avec l’ANC. Celui-ci était à
la tête de la lutte anti-apartheid et, avec le Parti Communiste,
constituait la médiation réformiste entre les masses et le régime. C’est
l’alliance de ces deux forces, dont Mandela était la figure
emblématique, qui a garanti l’impunité des responsables des crimes
contre les masses Noires et surtout permis que les intérêts économiques
de la bourgeoisie Blanche et de l’impérialisme ne soient pas touchés. En
ce sens, la fin de l’apartheid et l’obtention des droits civiques pour
l’écrasante majorité Noire, c’est la forme qu’a pris la déviation de la
révolution prolétarienne en Afrique du Sud, une déviation en grande
partie mise en musique par l’ANC.
Cependant, après presque deux décennies de politiques
néolibérales et antipopulaires, de corruption, d’augmentation des
inégalités et d’espérances populaires déçues, le mécontentement parmi
les masses Noires commence à se faire sentir, ce qui montre le caractère
purement formel des concessions faites à l’époque par les classes
dominantes et l’impérialisme. Marikana n’est donc qu’un exemple
paradigmatique de cette situation. Et cette fois la rage n’est pas
seulement dirigée contre la bourgeoisie Blanche raciste, mais aussi
contre une certaine élite Noire, dans une grande mesure liée à
l’appareil d’Etat, qui a profité de la fin de l’apartheid pour
s’enrichir. Plusieurs journaux citent ainsi l’exemple de Cyril
Ramaphosa, fondateur du Syndicat National de Mineurs (NUM en anglais) en
1982 et principal négociateur de l’ANC « durant la période de
transition à la démocratie au début des années 1990, devenu un magnat
dont la fortune s’élève à des centaines de millions d’euros (…).
Ramaphosa continue d’être une figure emblématique non seulement au NUM,
mais un des barons les plus influents de l’ANC » [6].
Un autre exemple : le ministre de la Justice et haut dirigeant du Parti
Communiste, Jeff Radebe (qui a joué un rôle central dans la répression
des mineurs), est marié à Bridgette Radebe, la femme la plus riche
d’Afrique du Sud, et propriétaire de la compagnie minière Mmakau Mining.
Le beau-frère de Radebe est d’ailleurs l’homme le plus riche du pays.
Ce que l’on observe ici ne constitue évidemment
qu’une tendance, qui en se développant pourrait approfondir la crise
politique qui semble commencer à ébranler le régime « post-transition »
en Afrique du Sud. En effet, « l’ANC est encore de loin le parti le
plus puissant et populaire [du pays] (…) Aux dernières élections
générales, en 2009, il a obtenu 66% des voix (…) contre seulement 17%
pour le plus grand parti d’opposition, le libéral Democratic Alliance
(DA) qui est encore perçu par la plupart des Noirs comme une
organisation essentiellement dirigée par des Blancs. (…) Le DA est
encore à des [kilomètres] de distance d’avoir une chance réelle de
prendre le pouvoir. A long terme, l’ANC pourrait perdre le pouvoir s’il
subissait une importante scission » [7].
L’exclusion en avril de cette année de l’ancien leader de la jeunesse
de l’ANC, Julius Malema, est peut-être l’exemple le plus visible de ces
tensions qui traversent le parti au pouvoir. Malema d’ailleurs n’a pas
hésité à rendre visite aux mineurs de Marikana après le massacre en les
exhortant à déclencher une « révolution minière » et en demandant « la
nationalisation de la mine » ainsi que « la démission du président Jacob
Zuma » [8]. Cependant, « en
même temps qu’il dénonce Zuma et d’autres figures ponctuellement,
Malema se garde d’accuser l’ANC elle-même, cherchant à laisser la porte
ouverte à une possible réintégration dans l’organisation. Se référant à
l’agitation populaire, Malema a déclaré au Mail and Globe qu’« il y
avait un vide politique et nous avons occupé cet espace. Si nous
n’avions pas réussi à le faire, de mauvais élément auraient pris cet
espace » [9].
L’exemple des grévistes de Marikana fait tâche d’huile !
La principale revendication des mineurs de Marikana
consistait en la demande d’augmentation des salaires. Comme on l’a vu,
la rémunération moyenne actuelle des ouvriers et ouvrières de Lonmin se
situe autour de 4000 rands (environ 400 euros) et les grévistes exigent
un salaire de 12500 rands (1200 euros). Le courage et la détermination
de ces travailleurs qui, même après la sauvage répression, ont continué
et amplifié leur mouvement gréviste, ont servi d’exemple pour les
mineurs d’autres compagnies dans tout le pays, qui se sont mis en grève
aux cris de « nous aussi nous voulons 12500 rands » ! Ainsi, des mineurs
de la Gold Fields, de la Royal Bafokeng Platinum, de l’AngloGold
Ashanti et de l’Anglo American Platinium se sont mis en grève et ont
commencé à revendiquer des augmentations de salaire. La direction de
l’Anglo American Platinium a dû même faire un lockout pour soi-disant « protéger les salariés qui ne sont pas en grève des intimidations extérieures ».
La plupart de ces grèves sont menées contre l’avis de
la bureaucratie syndicale. Chez Lonmin comme dans d’autres mouvements
antérieurs similaires s’est en effet révélé un autre élément de crise
dans le régime : le discrédit de la bureaucratie syndicale parmi
certains secteurs du mouvement ouvrier. Ceci est un grave problème pour
le gouvernement et les classes dominantes sud-africaines car la
cooptation de l’appareil syndical est un élément fondamental du pouvoir
de l’ANC depuis 1994. L’alliance avec la puissante confédération
syndicale COSATU (Congress of South African Trade Unions) et le Parti
Communiste a ainsi été une façon de contenir, de contrôler et de dévier
le mouvement ouvrier sud-africain.
A Marikana la grève a été menée par un syndicat
parallèle issu d’une scission du NUM (le syndicat le plus important de
la COSATU), l’AMCU (Association of Mineworkers and Construction Union).
Ce n’est pas un hasard si la direction de la multinationale, le
gouvernement et la bureaucratie syndicale condamnaient à l’unisson cette
grève en la qualifiant « d’illégale », terme qui a été repris par tous
les médias impérialistes. En effet, « la rage des mineurs (…) trouve
sa source non seulement dans le fait qu’ils touchent des salaires de
misère mais aussi dans cette réalité que les leaders syndicaux vivent
(…) comme des rois. Le président du NUM gagne par mois 25 fois plus que
les mineurs qui ont rejoint l’AMCU. Lorsqu’il est allé à la mine de
Marikana après le massacre, il n’a pas pu sortir de la voiture de police
qui le transportait de peur qu’on le tue » [10].
Un accord qui mettra fin aux luttes et aux grèves ?
On apprenait finalement mercredi 19 septembre qu’un
accord avait été trouvé entre les grévistes et Lonmin. Celui-ci, loin de
satisfaire la demande de 12500 rands exigés par les mineurs et pour
laquelle 43 travailleurs ont donné leur vie, stipule une augmentation
d’entre 11% et 22% selon les catégories ainsi qu’une prime unique de
2000 rands. Toute une faune réactionnaire a participé aux négociations
pour faire plier les mineurs : du clergé regroupé dans le South African Council of Churches (SACC) à la bureaucratie syndicale de la NUM, en passant par les “chefs traditionnels” du Congress of Traditional Leaders (Controlesa).
Avant la grève, on l’a dit, un mineur gagnait environ
6 700 rands bruts, c’est-à-dire 4600 rands nets. Après l’augmentation
offerte par Lonmin, il faut compter 1800 rands de plus. Comme on le
voit, on est très loin des 12500 rands revendiqués ! En effet,
l’entreprise a essayé de tromper le monde et de discréditer la lutte des
salariés en présentant des chiffres en brut, qui effectivement avec
l’augmentation approchent des 11000 rands pour certaines catégories.
Mais il est très clair que quand les ouvriers exigent le triplement de
leur rémunération ils parlent du salaire net. Appuyés sur ces chiffres
magouillés de l’entreprise, les médias ont parlé de « victoire ». Le
comble du cynisme a été la déclaration d’Abey Kgotle, directeur exécutif
pour les affaires générales de Lonmin, qui a dédié l’accord à « tous les employés décédés qu’il a fallu enterrer » !
On pourrait alors se demander pourquoi les mineurs
ont accepté l’accord. Le fait est qu’ils ont subi beaucoup de pressions,
qui se sont ajoutées à un mois de grève qui commençait à peser
économiquement sur des travailleurs qui connaissent des conditions
d’existance très précaires. La bureaucratie syndicale a lourdement pesé
en ce sens. Un jeune mineur déclarait par exemple, qu’« il a accepté
l’offre, non parce que cela lui semblait satisfaisant mais parce que ses
dirigeants [syndicaux] lui avaient dit que la mine pourrait fermer » [11]. En effet, « dans
un caucus qui excluait l’AMCU, les syndicats officiels ont essayé
d’expliquer la facilité avec laquelle les travailleurs impliqués dans
une grève non protégée pourraient être licenciés, à quel point Lonmin
s’en sortait mal, comment une offre supérieure pourrait impliquer la
perte de postes de travail… » [12].
Un autre facteur important pour comprendre le retour
au travail à Marikana est la répression des forces de police qui depuis
le 14 septembre avaient imposé un couvre-feu non avoué : « un mineur
qui ne voulait pas être identifié a déclaré que la police avait imposé
un couvre-feu dans les campements d’Ikineng, de Marikana et de Wonderkop
samedi dernier et ‘qu’aucun homme n’avait le droit de sortir, seulement
les femmes’. Il a dit que la police avait empêché les travailleurs
d’organiser des meetings et les a prévenu que s’ils voyaient quatre ou
plus mineurs ensemble ils seraient battus (…) Brian Mongale, un autre
mineur, a déclaré que les mineurs avaient peur d’être réprimés par la
police et sont retournés au travail. A la question de pourquoi ils
avaient accepté l’offre de l’entreprise, Mongale répond sans hésiter : à
cause de l’Etat d’urgence. C’est évident… » [13].
Même si pour l’instant cet accord a réussi à faire
reprendre le travail aux mineurs de Marikana, d’autres mines à travers
le pays continuent leur lutte pour les augmentations de salaires. Le
jour même où les mineurs de Lonmin reprenaient le travail, ceux
d’AngloGold Ashanti se mettaient en grève, une propagation qui effraie
la bureaucratie syndicale : « notre plus grand souci c’est que si on
est rentrés dans une voie où l’on aura des demandes sporadiques dans
différents secteurs de l’industrie, les négociations collectives seront
sapées et ce sera le chaos » [14], déclarait Lesiba Seshoka, porte-paroles de la NUM.
Ce qui s’est passé à Marikana pose bien plus qu’une question salariale !
Il serait erroné de penser que la lutte des mineurs
de Marikana peut être réduite à la revendication salariale, et même à
celle concernant l’amélioration des conditions de travail. A travers la
demande de 12500 rands par mois s’exprimait un ras-le-bol des conditions
humiliantes de vie. A côté des sites d’extraction, de production ou des
chantiers s’entassent des millions de travailleuses et de travailleurs
avec leur famille, dans des bidonvilles sans eau potable ni électricité,
ni infrastructures de base comme le système d’évacuation des eaux
usées, entre autres. Marikana remet sur le tapis la question de la lutte
pour l’égalité, mais non simplement « l’égalité civique » mais aussi
l’égalité sociale. Les travailleurs et les masses populaires Noires
exigent des solutions à leur situation de misère structurelle. Ce n’est
pas un hasard si des centaines de mineurs reprenaient les paroles de
Malema quand il évoquait la question de la nationalisation des mines.
Le niveau de sauvagerie de la répression de l’Etat
est proportionnel à la peur que la bourgeoisie locale, Blanche et Noire,
et l’impérialisme ressentent face au mouvement ouvrier en lutte, même
lorsque celui-ci n’exige qu’une partie infime de ce à quoi les masses
ont droit. A présent que la crise entre dans une phase où les pays dits
« émergents » seront de plus en plus durement touchés, il faut
s’attendre à ce qu’il s’y développe une conflictualité sociale toujours
intense. Il faut donc que le mouvement ouvrier soit prêt à faire face à
de grandes luttes.
Dans le cas de l’Afrique du Sud il est clair qu’il
faudra aller au-delà des limites imposées par le régime de l’ANC pour
satisfaire les demandes fondamentales des travailleurs et des couches
populaires. Il faut que le mouvement ouvrier et populaire s’organise
indépendamment de la bourgeoisie nationale, de l’impérialisme et de la
bureaucratie syndicale, pour exiger la nationalisation des mines et des
richesses naturelles du pays ainsi que des secteurs stratégiques de
l’économie nationale, sous contrôle et gestion des travailleurs et des
masses populaires. Il faut également exproprier les grands propriétaires
fonciers et partager la terre entre les paysans pauvres qui n’en
possèdent pas. Cela permettrait de résoudre la question du chômage
structurel (plus de 30% aujourd’hui), du développement du pays et de
l’amélioration du niveau de vie de la population. Il est évident que
pour mener à bien ces mesures les travailleurs doivent poser la question
de la construction de leur propre pourvoir et de leur propre armement,
contre le terrorisme de classe de la bourgeoisie Blanche et de ses
laquais de l’ANC. Le changement bidon dirigé par l’ANC démontre que
seulement le prolétariat, à la tête des masses opprimées et à travers
son propre pouvoir, peut résoudre intégralement et effectivement les
énormes problèmes démocratiques structurels qui pèsent sur les masses
sud-africaines.
Dans l’immédiat, Il faut exiger la punition des
responsables matériels et politiques du massacre de Marikana, qui
jusqu’aujourd’hui jouissent d’une impunité totale, comme le montrent les
intimidations qu’ils continuent à exercer sur les grévistes. La lutte
des mineurs doit dépasser la sphère syndicale et prendre un caractère
plus ouvertement politique. Ce serait la meilleure façon de venger nos
frères de classe abattus pour avoir lutté pour leurs droits !
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Notes
[1] Voir : Yann Le Bras, « Assassins » (http://www.ccr4.org/Assassins).
[2] Le Monde, « Afrique du Sud : "D’autres mines de platine pourraient connaître des violences" », 20/8/2012.
[3] BBC News, « Mining investors take stock after Marikana deaths », 20/8/2012.
[4] Financial Times, « South Africa’s seam of discontent », 20/8/2012.
[5] El País, « Sudáfrica y el fantasma mexicano », 24/8/2012.
[6] Idem.
[7] The Economist, “The rainbow nation and its ruling party are failing to live up to their ideals”, 8/9/2012.
[8] A l’heure où nous écrivons un mandat d’arrestation a été lancé contre Julius Malema pour cause de corruption, détournement de fonds de l’Etat et blanchissement d’argent.
[9] WSWS.org, « South Africa : ANC orders security clampdown against miners’ revolt », 17/9/2012.
[10] Idem.
[11] Mail Guardian, “Lonmin miners crack under pressure”, 21/9/2012.
[12] Mail Guardian, “Marikana : How the wage war was won”, 21/9/2012.
[13] Mail Guardian, “Lonmin miners crack…”, article déjà cité.
[14] Financial Times, « Workers strike at S Africa AngloGold mine », 21/9/2012.
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