21.5.12

Grèce: Effondrement du régime, radicalisation électorale à gauche et menace fasciste croissante





 
Philippe Alcoy

Source: Courant Communiste Révolutionnaire du NPA

 

Un choc politique majeur qui fait trembler l’Europe


En Grèce, le courant conservateur Nouvelle Démocratie (ND) et le PASOK social-démocrate, qui se sont alternés à la tête du pays depuis la fin de la dictature militaire, il y a 37 ans, et qui ont imposé ensemble les diktats d’austérité de l’UE, se sont effondrés.


Par rapport à la dernière élection, il y a trois ans, ND est tombé de 2,3 millions à 1,2 million de voix, de 33% en 2009 à autour de 20%. Les votes pour le PASOK ont chuté de 3.000.000 à… 800.000, passant de près de 43% en 2009 à un peu plus de 13% dimanche dernier. Ensemble, les deux partis bourgeois traditionnels ont reçu moins d’un tiers des suffrages exprimés. Bien que ND ait la plus grande représentation au parlement en raison d’une clause électorale antidémocratique qui décerne à celui qui arrive en tête un supplément de 50 sièges, il n’a toujours pas assez de soutien pour former un gouvernement dans le cadre d’un parlement de 300 sièges. Avec le PASOK, ND n’atteindrait que 149 sièges.

La Coalition de la gauche radicale (SYRIZA) a émergé comme le véritable vainqueur de l’élection en triplant le nombre de ses électeurs, en passant de 315.000 voix à plus de 1,1 millions. Le Parti Communiste (KKE) progresse très légèrement. Il passe de 7,5 à 8,5% et il gagne quelques sièges de députés, avec un groupe parlementaire de 26 contre 21 lors de la législature précédente. Gauche démocratique -DIMAR- (rupture à droite de SYRIZA en 2010-2011) obtient 6% des voix et 19 députés. Antarsya (coalition de l’extrême gauche) semble stagner à 1,1%. C’est le résultat le plus important des formations à la gauche de la social-démocratie depuis 1958, quoique inférieur aux 50% à 54% des intentions de vote que ces formations recueillaient dans les sondages cet hiver.

Cet effondrement du régiment politique existant a ouvert une situation de panique. C’est un moment dangereux pour l’Europe et pour les marchés mondiaux. La Grèce n’a pas de gouvernement en fonctionnement alors qu’elle devrait se prononcer sur une série de remboursements obligataires dès cette semaine. Il s’agit de choix sans concession qui ne sauraient attendre jusqu’à des nouvelles élections en juin, si elles ont lieu. Plus sérieusement, le « plan d’aide à la Grèce », fruit de plusieurs mois de négociations, est en piteux état. Selon le journal grec Kathimerini, le dirigeant de SYRIZA Alexis Tsipras aurait envoyé une lettre à José Manuel Barroso, Herman Van Rompuy et Mario Draghi pour leur annoncer que le fait que le PASOK et la Nouvelle Démocratie aient seulement recueilli 32% des voix implique que les termes du plan de sauvetage ne ​​peuvent plus être appliqués. Tsipras veut maintenant que le PASOK et la Nouvelle Démocratie envoient à leur tour une lettre dans le même sens au FMI et à l’UE. Cette situation a poussé Antonis Samaras, chef de ND, à accuser Tsipras de mettre en risque la participation de la Grèce à la zone euro.

 

SYRIZA et les limites d’une stratégie réformiste


Tsipras a proposé mardi 8 mai un plan en cinq points : annulation immédiate du programme d’austérité, annulation de la loi mettant fin aux conventions collectives, représentation proportionnelle au sein du Parlement, nationalisation des banques et formation d’un comité d’audit de la dette grecque. Au final cependant, ce programme sème l’illusion qu’il serait possible de négocier l’austérité, sans rompre avec l’UE et sans remettre en question la propriété privée des grandes entreprises et les oligarques grecs qui, en collaboration avec la Troïka, ont conduit le pays à la ruine.

SYRIZA est une formation politique qui travaille en étroite collaboration sur le plan international avec le Front de Gauche de Mélenchon et avec Die Linke en Allemagne. Cette formation a pu canaliser le vote d’une bonne partie des secteurs populaires qui cherchent une alternative « radicale » face à la crise qui met en danger leurs conditions de vie et, dans certains cas, leur vie tout court. Cependant, malgré une rhétorique radicale, elle soutient et défend les institutions existantes, y compris l’Union Européenne. Pendant toute la campagne, les candidats de SYRIZA ont très souvent souligné combien « [ils n’étaient] pas contre l’euro, mais (…) opposés à la politique qui est faite au nom de l’euro ». Les propositions de Tsipras sont des chimères néo-rooseveltiennes mêlant des appels ridicules à des réformes symboliques à l’usage inflationniste de la planche à billets. Elle s’opposent à une lutte pour le pouvoir et pour la perspective de gouvernements ouvriers en Europe et dans le monde qui appliqueraient une politique socialiste.

Par son orientation réformiste, SYRIZA sème des illusions vis-à-vis des institutions bourgeoises parmi les travailleurs et secteurs des classes moyennes ; des illusions sur un possible « changement radical » de la situation, mais pacifique, sans grands bouleversements et en respectant les mécanismes de la démocratie bourgeoise. Mais le plus dramatique de cette situation et de ses conséquences, c’est que cela se produit au moment où cette démocratie bourgeoise même est en pleine décomposition et où il y a une progression de courants ouvertement fascistes et réactionnaires. Ainsi, au lieu de préparer les masses à des luttes décisives face à la contre-révolution, SYRIZA les endort et les mène dans une impasse, ce qui ne manquera de se révéler néfaste dans un futur très proche.

 

La montée rapide des courants d’extrême droite et des fascistes


À l’extrême droite, les Grecs Indépendants (Droite populiste) recueillent 11 % des suffrages sur la base de la démagogie nationaliste contre la politique d’austérité de la coalition ND-PASOK. Et, plus inquiétant encore, Aube Dorée (Chryssi Avy en grec) , groupuscule néo nazi, disposant de groupes de nervis, fait son entrée au parlement. D’un score insignifiant (0,29% en 2009) Aube Dorée passe à près de 7% des voix et disposera de 21 députés dans le prochain parlement.

Voyons les grandes lignes de son programme : nationalisation des banques ayant reçu une aide de l’Etat, réexamen de la dette, arrestation immédiate et expulsion de tous les immigrés illégaux, surveillance spéciale des frontières grecques avec des forces spéciales de l’armée et mise en place de mines antipersonnel. Bref : une idéologie confuse et inquiétante qui mêle démagogie anticapitaliste et xénophobie autour d’une mystique nationaliste et antidémocratique faisant office de programme, sans oublier le culte du chef (en l’occurrence Nikolaos Michaloliakos) et son organisation paramilitaire très poussée. « C’est un parti fascisant qui exprime les tendances les plus extrêmes » [1], résume Georges Prevelakis, professeur de géopolitique spécialiste de la Grèce.

Cette rapide montée est l’expression de « l’énorme poids de la petite et moyenne bourgeoisie dans la société grecque et l’influence déterminante qu’elle est appelée à exercer sur les événements à venir. Mais attention, il ne s’agit plus seulement de ça. L’extrême paupérisation de cette « société de boutiquiers » à laquelle a conduit l’application de plans d’austérité successifs, radicalise à l’extrême cette petite et moyenne bourgeoisie grecque désormais en haillons, la pousse loin de ses représentants politiques traditionnels, la transforme en auditoire bienveillant de tous ceux qui professent des solutions radicales à sa déchéance sociale. En somme, déracinée et désespérée, ruinée et aux abois, cette petite bourgeoisie grecque en colère est désormais disponible pour soutenir activement tout projet politique qui lui semblerait offrir des solutions radicales à son problème existentiel” [2].

En l’absence d’un discours radical et d’une attitude véritablement alternative à gauche, ainsi que d’un programme offensif contre la Troika et le capitalisme grec, qui puissent attirer les couches petites bourgeoises, la démagogie et la pratique radicales des fascistes peuvent les séduire. Comme le souligne Prévelakis, « c’est une stratégie d’encadrement assez classique des populations fragiles. Dans les quartiers où il y a des nombreux immigrés et une perception de criminalité, ils proposent leurs services aux personnes âgées, les accompagnant à la banque par exemple. Dans les quartiers populaires d’Athènes, Aube Dorée s’est doucement construit l’image d’un groupe chaleureux, sur lequel on peut compter parmi les Grecs durement touchés par la crise que le gouvernement n’a pas aidés » [3].

Un autre facteur qui explique cette poussée d’Aube Dorée est à chercher du côté de la participation au « gouvernement technocratique » de Papadémos de l’extrême-droite conservatrice du LAOS. En effet, une bonne partie de sa base électorale « traditionnelle » est passée tout droit au vote pour Aube Dorée. C’est ce qui explique que le LAOS n’ait même pas recueilli assez de voix pour conserver son groupe parlementaire à l’Assemblée, obtenant 2,9% des voix alors qu’il en faut 3% pour y faire son entrée.

Mais au-delà de ces raisons conjoncturelles et du score électoral de ce groupuscule en soi, le fait est que la Grèce devient l’exemple le plus clair de comment la crise capitaliste et le désespoir des masses créent un terrain favorable à des alternatives politiques d’extrême droite qui ressemblent de plus en plus à celles des années 1930, avec une combinaison de démagogie sociale, de « radicalité » et de chauvinisme réactionnaire et xénophobe. Cependant, ce qui est plus grave dans le cas grec (et ceci a évidemment un rapport avec le degré plus avancé des conséquences de la crise) c’est qu’à la différence du Front National en France, Aube Dorée se pose d’ores et déjà en tant qu’organisation parlementaire et extra-parlementaire. Elle agit en milice fascisante, promeut des pogroms dans les quartiers d’immigrés, attaque physiquement les militants d’extrême gauche, etc. En ce sens, et c’est extrêmement inquiétant, nous sommes peut-être face au premier phénomène fasciste véritable en Europe occidentale dans le contexte de la crise actuelle.

 

La nécessité d’un programme offensif contre l’UE, le FMI et les grands capitalistes grecs


Néanmoins, si les variantes fascisantes trouvent un certain écho, c’est également parce que les mobilisations qui traversent la Grèce depuis des nombreux mois et dans lesquelles on peut voir une tendance à la radicalisation [4] se heurtent à des limites, dans le sens où ce sont des actions de masses, mais canalisées par les directions syndicales. Afin de pouvoir surmonter cette impasse et passer véritablement à une bataille qui oblige l’adversaire à reculer, il est indispensable d’avoir un programme offensif contre le capital. Les bureaucraties syndicales ne veulent pas politiser le conflit, ce qui bloque la possibilité d’y faire participer toutes les couches du prolétariat dont l’avenir immédiat est bouché. Comme disait Trotsky : « Afin de voir à quel point les masses sont prêtes à aller à la grève générale, et en même temps renforcer leur état d’esprit combatif, il est nécessaire de leur proposer un programme d’action révolutionnaire », qui parte des consignes partielles et épisodiques (par exemple, « A bas les plans d’austérité ! » ou « Stoppons les réformes du travail » !, etc.) pour aller vers un système de revendications transitoires qui amène à la conclusion de quelle est la tâche centrale de notre époque, posant le problème du pouvoir. Autrement dit, il n’y a que l’existence d’une alternative crédible face à l’offensive capitaliste qui peut convaincre les travailleurs et leurs organisations de faire un pas supplémentaire dans l’action et ouvrir le chemin à la grève générale politique ou révolutionnaire.

En Grèce ce problème est devenu central. Au long des dernières années, des centaines de milliers de grecs sont descendus dans les rues et ont montré une détermination et une combativité impressionnantes en participant à plusieurs grèves générales d’un ou deux jours organisées par les syndicats. Mais aucune de ces actions n’a empêché la succession ininterrompue de mesures d’austérité. Les travailleurs n’ont pas besoin d’une nouvelle grève générale limitée et sans perspective. En revanche, le prochain pas objectivement nécessaire est une grève politique reconductible qui mette à bas le gouvernement technocratique de Papademos imposé par la Troika. Toute autre stratégie risque de faire que les tendances à la radicalisation qui commencent à émerger ouvrent la voie à la démoralisation et la défaite. « Il ne faut pourtant pas croire que la radicalisation des masses continuera d’elle-même, automatiquement. La classe ouvrière attend une initiative de ses organisations. Quand elle en sera venue à la conclusion que ses attentes sont trompées -et cette heure n’est, peut-être, pas si loin- le processus de radicalisation se brisera, se transformera en manifestations de découragement, de prostration, en des explosions isolées de désespoir. A la périphérie du prolétariat, des tendances anarchistes côtoieront des tendances fascistes. Le vin tournera au vinaigre » (Trotsky).

Il est fondamental de défendre un programme et une stratégie alternative pour éviter que des grèves impuissantes et sans aucune perspective conduisent à l’échec et, dans le pire des cas, finissent par affaiblir et épuiser le prolétariat.

 

Pour un front unique contre le danger fasciste, seule voie vers un contre-pouvoir ouvrier et populaire !


La Grèce montre de façon extrême et urgente la nécessité de rétablir le rapport indissociable entre programme et stratégie comme tâche préparatoire fondamentale que les organisations d’extrême-gauche ont devant elles avant que les évènements décisifs n’aient lieu. Il s’agit de forger un projet contre-hégémonique à celui de la Troïka et à la bourgeoisie impérialiste grecque, qui soit capable de se poser la question du pouvoir, non pas comme une question abstraite, mais en tant que problème concret afin de faire un saut révolutionnaire dans l’action et l’organisation des classes exploitées.

Face à un probable approfondissement de la lutte de classes, les tendances contre-révolutionnaires vont se renforcer et compter plus ouvertement avec le soutien de secteurs de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie, comme la montée de l’Aube Dorée le montre déjà. La préparation à des évènements déterminants, à l’image de la lutte antifasciste, exige l’unité d’action et l’organisation la plus large des couches exploitées de la société grecque, principalement des organisations de la classe ouvrière. Evidemment, il s’agit d’unifier toutes les catégories de travailleurs, y compris les centaines de milliers de travailleurs immigrés, qui sont les premières victimes des bandes fascistes, et le million de chômeurs qui, comme la plupart des travailleurs immigrés, sont exclus du « circuit normal d’exploitation ». 

Cependant, la gauche radicale en Grèce ne semble pas avoir pensé à cette question centrale pour le développement, dans un sens révolutionnaire, du processus de radicalisation des masses. D’une part, le KKE et son mélange de troisième période stalinienne et de réformisme électoraliste opposé à la moindre unité d’action, constitue un obstacle absolu à la possibilité de développement d’organismes d’auto-organisation des masses, qu’ils s’appellent soviets, comités révolutionnaires ou autre. Comme le soulignait Trotsky, « la création des Soviets présuppose l’accord des différents partis et organisations de la classe ouvrière, en commençant par les usines ; cet accord doit porter autant sur la nécessité des Soviets que sur le moment et le mode de leur formation. Cela signifie : les Soviets sont la forme achevée du front unique à l’époque révolutionnaire et leur apparition doit être précédée par la politique de front unique dans la période préparatoire ». Et d’autre part, le reste des organisations de la gauche radicale, y compris l’extrême-gauche, n’a aucune homogénéité stratégique, y compris en son sein. Comme le souligne Stathis Kouvélakis, « SYRIZA est en fait une coalition composée d’une dizaine de formations, qui sont loin de converger sur tout ; d’ailleurs, la principale d’entre elles, la Coalition de gauche (Synaspismos), est divisée entre des courants très distincts, qui s’opposent sur la plupart des questions stratégiques de l’heure. Sans même parler de l’extrême-gauche, créditée d’environ 1% des voix, pour l’essentiel regroupée dans la coalition Antarsya, mais qui se divise elle aussi sur la perspective stratégique ». 

Cependant, même si cette description montre bien le drame et le risque que signifie le fait d’arriver à un processus aigu de la lutte de classes sans une certaine homogénéité en ce qui concerne les « hypothèses stratégiques » mais aussi le rapport de celles-ci avec le programme, Kouvélakis propose une « solution » qui manque de substance révolutionnaire face aux problèmes qui se posent en Grèce. De façon surprenante, il défend une « solution de type Kirchner » [5] . Il présente comme une alternative l’issue qui, en Argentine, a amené à clore le processus ouvert à partir de la chute révolutionnaire de De la Rua. Le kirchnérisme a énormément contribué à recomposer l’autorité de l’Etat capitaliste, complètement délégitimée, ainsi quà rétablir les bases pour une accumulation capitaliste nationale. Voilà qui révèle bien la misère stratégique de la gauche radicale ou de l’extrême-gauche. Ce n’est pas un hasard si Kouvélakis soutient Mélenchon en France, un politicien qui se prépare stratégiquement pour sauver l’Etat et le capitalisme français à la façon d’un Blum en cas de besoin, face à une éventuelle montée de la lutte de classes dans la prochaine période. C’est pourquoi, aussi bien face aux dérives fascisantes que face à la perspective d’un gouvernement aux traits front-populistes dirigé par SYRIZA qui pourrait sortir de nouvelles élections en juin, les marxistes révolutionnaires doivent défendre un programme qui, tout en commençant par la nécessité de l’annulation du payement de la dette, comme un premier pas dans le sens de la récupération de la souveraineté du pays, fasse le lien avec les problèmes les plus urgents des travailleurs et des masses grecques. Ce programme devrait inclure également la nationalisation de la banque sous contrôle des travailleurs, le monopole du commerce extérieur et l’expropriation des magnats grecs liés à la banque, à la construction, au tourisme, au transport maritime, à l’énergie, dans la perspective d’un gouvernement ouvrier et populaire. Ce devrait être un gouvernement qui pose les premières pierres de la construction socialiste et, surtout, qui puisse donner un élan à la révolution européenne, seule façon de résoudre de manière progressiste le drame grec et la crise dans laquelle la bourgeoisie impérialiste a soumis l’Europe entière.

10/05/12

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[1] « Grèce : qui sont les néonazis du parti « Aube dorée » ? » Le Monde.fr | 05.05.2012
[2] « Soixante sept ans après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale et le procès de Nuremberg, nous voici donc en en pleine République de Weimar à la grecque… », Yorgos Mitralias 3/5/2012
[3] « Grèce : qui sont les néonazis du parti « Aube dorée » ? » Le Monde.fr | 05.05.2012
[4] Voir : « L’offensive semi-colonisatrice de l’Union Européenne… et les raisons de la résistance des travailleurs et de la jeunesse en Grèce » Philippe Alcoy 2/4/2012
[5] “Aussi incroyable que cela puisse paraître, aucune formation ne propose une solution de type Kirchner, car cela suppose une rupture avec le consensus européiste, qui traverse l’ensemble de la classe politique, y compris, d’une certaine façon, la gauche radicale. Une telle proposition, à mon sens la seule alternative concrète possible, est défendue par divers courants et sensibilités au sein la gauche radicale, et par une fraction croissante de l’opinion publique, sans être, jusqu’à présent, parvenue à s’imposer au sein des formations politiques en tant que telles, à l’exception d’Antarsya. Son fondement est la cessation de paiement à l’initiative du pays débiteur, et non imposé à celui-ci par ses créditeurs avec des conditions draconiennes, mais qui suppose aussi de retrouver la souveraineté monétaire, donc de sortir de l’euro, dont j’ai montré tout à l’heure qu’il se trouvait au cœur de la stratégie du désastre actuel (la « dévaluation interne ») non seulement pour la Grèce, mais pour l’UE tout entière. Ces mesures ne sont bien entendu qu’un point de départ, elles demandent à être complétées, notamment par la nationalisation du secteur bancaire, le contrôle des capitaux et l’imposition du capital et des couches les plus aisées. Ce n’est sans doute pas le socialisme, mais c’est un programme transitoire réaliste et pourtant radical, qui frappe au cœur la stratégie poursuivie avec un acharnement destructeur par les groupes dirigeants nationaux et européens”.

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