Le
Hezbollah obtient une victoire électorale importante mais qui changera
peu au rapport de forces politiques en raison du système confessionnel.
Cependant, cette victoire sera utilisée par les alliés de l’Iran pour
valider leur politique régionale en même temps qu’elle annonce un risque
encore plus grand de conflit avec Israël. Le premier ministre, Saad
Hariri, est le grand perdant.
Après neuf ans le Liban a de nouveau organisé des élections
législatives. Il était attendu que ces élections et le nouveau mode
d’élection proportionnel attirerait les électeurs. Or la participation a
été encore plus faible qu’en 2009 lors des dernières élections
législatives générales (49,2 % contre 54 % de l’électorat).
Les résultats ont révélé une progression très importante du mouvement
chiite Hezbollah. Un « plébiscite » pour certains. En effet, le parti
de Hassan Nasrallah et ses alliés ont obtenu 26 des 27 sièges réservés
aux chiites au parlement dans le réactionnaire système confessionnel qui
règne sur le Liban depuis son indépendance en 1943.
Mais le Hezbollah a également réussi à gagner des sièges réservés à
d’autres confessions à travers des alliés parmi les sunnites, les Druze
et les chrétiens. Sans compter les sièges de son allié de la droite
chrétienne, à laquelle appartient l’actuel président maronite Miche
Aoun, le Hezbollah et ses proches alliés ont obtenu 42 sièges sur les
128 sièges que compte le parlement.
Le grand perdant de cette élection est sans aucun doute Saad Hariri,
actuel premier ministre. Son parti, le Courant du Futur, passe de 34 à
22 sièges au parlement. Hariri est en train de payer sa démission
éphémère en novembre dernier, imposée par l’Arabie Saoudite avant qu’il
ne revienne sur « sa » décision. D’ailleurs, l’Arabie Saoudite a
complètement abandonné son allié, ce qui pourrait expliquer aussi la
chute de celui-ci.
Cependant, étant donné le système politique confessionnel qui établit
que le président du Liban doit être un chrétien maronite, le premier
ministre issu de la communauté sunnite et le président du parlement
chiite, il est très probable que Hariri conserve son poste de premier
ministre. Il en va de même pour Michel Aoun au poste de président.
Enfin, l’autre force politique gagnante de ces élections c’est le
parti chrétien de droite des Forces Libanaises. Ce parti qui pendant la
guerre civile de 1975-1990 agissait comme une milice criminelle, a
obtenu 15 députés, doublant presque le nombre de sièges au parlement. Ce
résultat est peut-être l’autre élément polarisant de la situation
politique dans le pays à côté de la victoire du Hezbollah.
Des contradictions sociales explosives
Il n’y a aucun doute que ces résultats électoraux sont un bol d’air
frais et une légitimation politique pour le Hezbollah. Peut-être un
soutien de la part de la population chiite, malgré sa politique
intérieure et régionale.
En effet, après sa résistance face à l’agression sioniste en 2006 le
Hezbollah avait gagné une grande popularité parmi les classes
populaires, non seulement au Liban mais aussi dans la région. Cependant,
ces dernières années sa politique de soutien à Assad en Syrie, sa
participation active aux sièges de villes entières condamnant à la faim
des centaines de milliers de civils, mais aussi la perte de près de 2000
combattants faisaient craindre une perte de popularité importante pour
le mouvement chiite. Parallèlement, les travailleurs et les classes
populaires libanaises font face à une crise économique qui affecte
fortement leurs conditions de vie.
Bien que les résultats électoraux pour le moment montrent que le
Hezbollah reste populaire parmi les chiites, la dégradation des
conditions de vie des travailleurs et de la population chiite pourrait
être explosif. Comme pointe Lydia Assouad dans l’Orient le Jour concernant les inégalités : « en
moyenne, entre 2005 et 2014, les 10 % des Libanais les plus riches ont
perçu plus de 55 % du revenu national total tandis que les 1 % les plus
riches en ont capté près du quart. Cette extrême concentration est
encore plus visible lorsque l’on compare l’évolution des 0,1 % des
adultes les plus riches (environ 4 000 individus), qui ont un revenu
équivalent à celui des 50 % les plus pauvres (soit près de 2 millions
d’individus). Si l’on se penche sur les chiffres en dollars réels de
2016, en 2014 les 50 % des plus pauvres ont gagné en moyenne 330 dollars
par mois, contre 8 900 dollars pour le top 10 %, 40 000 dollars pour le
top 1 %, 917 000 dollars pour le top 0,1 % et enfin plus de 5 millions
de dollars par mois pour le top 0,001 % (40 individus) ».
Le risque d’un conflit avec Israël
« L’État d’Israël ne fera pas de différence entre l’État souverain
du Liban et le Hezbollah et considérera le Liban comme responsable de
toute action en provenance de son territoire ». Voilà ce que
déclarait, après les résultats des élections, Naftali Bennett, membre du
cabinet israélien de sécurité, ministre de l’éducation et président du
parti d’extrême droite Le Foyer Juif.
En effet, la victoire du Hezbollah est une expression supplémentaire
de la progression de l’Iran dans la région. Une avancée qu’Israël et ses
alliés régionaux et internationaux ne tolèrent pas. Dans ce cadre, des
analystes n’hésitent plus à parler d’une prochaine guerre entre Israël
et le Hezbollah, il ne serait plus qu’une question de temps.
Israël voit dans le Hezbollah un angle par lequel attaquer l’Iran et
sa politique dans la région. Mais Israël voit également le Hezbollah
comme un réel danger, ayant acquis une certaine expérience dans la
guerre civile syrienne. Le Hezbollah d’aujourd’hui n’est pas le même que
celui de 2006, alors qu’à l’époque celui-ci avait déjà réussi à
repousser l’offensive sioniste. Il il est devenu un ennemi encore plus
redoutable. Ainsi, même si Israël se prépare pour un conflit avec le
Hezbollah, il a intérêt à retarder le moment de la déflagration.
Du côté du Hezbollah, même si son « parton » iranien aimerait le
pousser au conflit avec l’État sioniste, l’organisation chiite n’a pas
intérêt à s’engager tout de suite dans un autre conflit. Celle-ci, même
en ayant acquis une grande expérience de combat, a perdu beaucoup de ses
combattants pendant la guerre syrienne. L’organisation a besoin d’une
pause pour se réorganiser.
Cependant, il est évident que les évènements peuvent parfois dépasser
la volonté des acteurs, notamment dans une région aussi volatile. Tous
les dangers restent présents, notamment avec le retrait des États-Unis
de l’Accord sur le nucléaire iranien, une victoire des secteurs les plus
belliqueux de l’establishment nord-américain et des classes dominantes
sionistes, qui risque d’attiser les frictions régionales.
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