L’Argentine
vivait encore une journée dramatique ce mardi sur les marchés
financiers. La crise économique risque de devenir politique et sociale.
On a appelé ce mardi 15 mai en Argentine le « super mardi ». En
effet, ce jour des titres de la Banque Centrale argentine (dits Lebacs)
d’une valeur de près de 30 milliards de dollars arrivaient à échéance.
Au milieu d’une crise importante de la monnaie nationale qui a perdu 18%
de sa valeur face au dollar en seulement 12 jours, l’enjeu pour le
gouvernement était de convaincre les détenteurs de ces titres de les
renouveler pour une période de 38 jours et éviter ainsi que les
spéculateurs n’investissent plutôt dans le dollar faisant grimper encore
plus la monnaie nord-américaine face au peso argentin.
Pour ce faire la Banque Centrale a fait passer les taux d’intérêt
annuels à 40%. Lors du dernier renouvellement des Lebacs, il y a un
mois, la Banque Centrale payait 26,3% d’intérêts. Le gouvernement a
affirmé que 95% des titres Lebac ont été renouvelés. Selon la presse
argentine cela est dû à l’intervention massive de la Banque Centrale
(qui a mis à disposition 5 milliards de dollars en vendant 700 millions
de dollars pour faire baisser le taux de change face au peso) et les
promesses de taux d’intérêts exorbitants. Cette nouvelle fait baisser la
pression sur le peso mais seulement temporairement.
D’autres facteurs qui ont pu aider à « rassurer » les marchés. On peut nommer le recours au FMI décidé la semaine dernière
et dont une réunion informelle aura lieu vendredi pour examiner la
sollicitation argentine ; le message de la Maison Blanche affirmant
lundi soir que le président Trump soutenait l’action du président
argentin Macri, sachant le poids des États Unis au sein du FMI ; et dans
une moindre mesure le fait qu’une partie de l’opposition péroniste a
fait des « gestes de responsabilité » face à une situation difficile du
pays.
Cependant, les « solutions » que le gouvernement argentin est en
train de mettre en place, dans le meilleur des scénarios, ne font que
remettre à plus tard les problèmes. Tôt ou tard il faudra payer les
dettes. En outre, très rapidement se posera la question de la capacité
de soutenir des taux d’intérêts aussi élevés – certains affirment même
qu’il est probable qu’il faille encore les faire augmenter.
En ce sens le journal financier argentin El Cronista affirme : « comme
la mythologique Hydre de Lerne, à laquelle on coupe la tête et trois
autres poussent, il est très probable que l’un des premiers conseils que
le FMI donne au gouvernement de Mauricio Macri soit à l’image du
deuxième travail que l’on a confié à Héraclès : tuer l’Hydre des Lebac ».
Autrement dit, le gouvernement argentin devrait mettre fin à ce
mécanisme coûteux d’émission de titres de la Banque Centrale pour
empêcher la hausse du dollar et mettre en place d’autres mécanismes
moins coûteux et à plus long terme. Cependant, cet échange de titres
pourrait être considéré comme une impossibilité de paiement, donc d’une
sorte de défaut.
L’autre question qui se pose est celle de la valeur du peso argentin.
L’intervention de la Banque Centrale a été massive ces derniers jours
pour maintenir le prix du dollar en dessous de 25 pesos. Cependant,
personne ne peut exclure de nouvelles attaques contre le peso et que
cela commence à se traduire dans les prix à la consommation et dans
l’inflation.
Justement, c’est aussi lors de ce « super mardi » que les chiffres de
l’inflation d’avril étaient révélés : 2,7% et un total de près de 10%
depuis le début de l’année. Ce chiffre n’est pas seulement un indicateur
économique mais aussi une donnée politique importante. En effet, la
déstabilisation financière s’est accélérée notamment quand le
gouvernement a annoncé qu’il révisait à la hausse sa prévision
d’inflation de 10% à 15%. Aujourd’hui il est clair pour tout le monde
que le chiffre du gouvernement tablant sur 15% d’inflation annuelle est
une « illusion » et qu’elle sera bien plus élevée : si l’on compte
l’inflation sur une période de 12 mois elle est en réalité de 25%
aujourd’hui.
L’inflation est un sujet social très sensible en Amérique latine et
particulièrement en Argentine. Les grandes crises politiques et sociales
des 35 dernières années dans le pays ont été précédées d’un fort taux
d’inflation. Et c’est bien cela que le gouvernement et les investisseurs
craignent : la réaction populaire.
Le gouvernement de Macri a déjà été contraint de reculer dans ses
plans de contre-réformes face à la mobilisation populaire massive que la
réforme des retraites avait provoquée en décembre dernier. A cela il
faut ajouter que le coût politique de faire appel au FMI est très
important dans ce pays où la mémoire de la crise de la fin des années
1990 reste vive. Ainsi, si les attaques du gouvernement et du FMI contre
les travailleurs et les classes populaires s’annoncent très dures les
résistances le seront sans aucun doute aussi.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire