Source: Courant Communiste Révolutionnaire du NPA
Le 14 novembre passé était une journée de grève
générale et de mobilisations dans de nombreux pays en Europe, une
première depuis le début de la crise capitaliste en 2007. L’Etat
Espagnol et le Portugal ont été à la tête du mouvement avec des grèves
générales très suivies. En Grèce et en Italie les syndicats avaient
appelé à faire grève pendant 3 et 4 heures respectivement, alors même
que la Grèce avait été paralysée les 6 et 7 novembre par une grève
générale de 48h contre les nouvelles mesures d’austérité que le
gouvernement vient de voter au Parlement. Au total, il y a eu des grèves
et des manifestations dans 15 pays européens. Le tout dans un contexte
d’approfondissement de la crise, des attaques des gouvernements et de la
Troïka (UE, FMI et BCE) mais aussi des mobilisations et résistances.
La péninsule Ibérique à la tête de la mobilisation
Sans aucun doute l’Etat Espagnol et le Portugal ont
été au cœur de cette journée européenne. La péninsule ibérique était
pratiquement à l’arrêt ce 14 novembre. Au Portugal c’était peut-être la
grève la plus suivie depuis celle du 25 avril 1974 lors de la Révolution
des Œillets. Plusieurs secteurs étaient touchés : ports, aéroports,
hôpitaux, les travailleurs de la télévision publique, les fonctionnaires
et les différents services de l’Etat, entre autres. A la fin de la
journée il y a eu des affrontements entre des manifestants et la police
devant le Parlement.
Dans l’Etat Espagnol la grève a été pratiquement
totale dans l’industrie, notamment dans le secteur automobile. A cette
mobilisation massive de l’industrie s’ajoute celle, et cela mérite
d’être souligné, d’autres secteurs de salariés comme ceux des services,
du public (santé, éducation). Comme les médecins, les infirmier-ère-s ou
encore les enseignants, ces travailleurs se sont mobilisés ces denriers
mois contre les tentatives de privatisation et les coupes budgétaires.
Les parents d’élèves ont aussi apporté leur concours via leurs
associations, et en n’amenant pas leurs enfants à l’école. Le 14N a
aussi mis en branle les travailleurs de la culture, avec le soutien
apporté par l’Union des acteurs, par des intellectuels, etc. Enfin,
cette grande grève a aussi vu se développer une tendance nouvelle à
l’appui de la mobilisation par les petits commerçants, qui ont décidé de
fermer leurs commerces en solidarité. Au total, la paralysie a été
complète dans certains centres urbains, ce qui représente une importante
démonstration de force [1].
A Malte et à Chypre il y a eu aussi des appels à la
grève générale et aux mobilisations ; en Grèce et en Italie la grève a
été décrétée mais pour quelques heures seulement (en Italie il y a eu
quelques échauffourées entre manifestants et forces de répression). En
France, les directions syndicales ont appelé à des manifestations mais
sans appeler à la grève, ce qui n’a pas permis aux salariés de
participer pleinement, et a provoqué l’échec de la journée.
La misère et le chômage se répandent en Europe
Cette journée européenne de grèves et de
manifestations a dû être convoquée par les bureaucraties syndicales des
différents pays ainsi que par la Confédération Européenne des Syndicats,
pour essayer de faire baisser la pression et le mécontentement parmi
les travailleurs. En effet, la situation économique en Europe ne fait
que s’aggraver et les conditions de vie des couches populaires se
dégradent au rythme des attaques successives de la part du capital et de
ses gouvernements. Et cela non seulement dans les pays où la Troïka
impose ses politiques comme condition pour débourser les « aides »
internationales, comme en Grèce ou au Portugal, mais aussi dans des pays
comme l’Etat Espagnol, l’Italie et même la France ou les gouvernements
nationaux appliquent eux-mêmes des « ajustements structurels » et des
coupes budgétaires dans les services fondamentaux pour les masses comme
la santé ou l’éducation.
Dans l’Etat Espagnol le taux de chômage a dépassé ces
derniers jours le seuil de 25% (six millions de personnes), près de 50%
pour les jeunes de moins de 25 ans. Dans ce pays les licenciements
massifs et les fermetures d’entreprises se poursuivent, comme chez
Iberia, la plus grande compagnie aérienne du pays, qui a annoncé la
semaine dernière le licenciement de plus de quatre mille salariés ! En
Grèce, le Parlement vient de voter un plan de « réduction de dépenses »
de 18 milliards d’euros d’ici 2016 et un « budget de rigueur » pour 2013
estimé à 9 milliards d’euros d’économies. Le tout alors que le pays vit
sa cinquième année de récession et qu’un cinquième des familles vit
dans la pauvreté (familles de quatre personnes vivant avec moins de
13.842 euros par an). Au Portugal, où le gouvernement veut imposer un
« plan d’ajustement » de 4 milliards d’euros, le chômage officiel
atteint près de 16%.
Des mobilisations de plus en plus fréquentes
C’est en Grèce que la crise économique, sociale et
politique est la plus profonde. Et c’est dans ce pays aussi qu’il y a eu
le plus grand nombre de mobilisations. Rien que depuis septembre il y a
eu 3 journées de grève générale ! Au Portugal aussi il y a eu des
manifestations massives contre les attaques du gouvernement et de la
Troïka qui ont même fait reculer partiellement la bourgeoisie [2].
D’autres mobilisations massives contre « l’austérité » se sont
développées dans plusieurs pays d’Europe comme en Italie, en Belgique et
en Grande-Bretagne mais aussi dans des pays d’Europe centrale et de
l’Est comme en République Tchèque, en Slovénie, en Croatie, ou encore en
Roumanie.
Dans l’Etat Espagnol où il y a seulement quelques
années on constatait un certain « calme » sur le plan de la lutte de
classes, on commence peu à peu à s’habituer à des mobilisations, de
luttes et des grèves de plus en plus fréquentes et dures, qui plus d’une
fois arrivent à des chocs avec les forces répressives. Depuis que le
gouvernement de Rajoy a été élu en novembre 2011 il a dû faire face à
deux grèves générales, une première depuis plusieurs décennies. Il y a
eu également la lutte très dure et avec des méthodes radicales des
mineurs d’Asturies [3].
Le 25 septembre dernier le mouvement des « indignés » a réapparu avec
son appel à entourer le Parlement à Madrid et dans plusieurs villes du
pays. Là aussi la répression de la police a été très forte. Enfin, plus
récemment on a vu se développer un mouvement contre les expulsions de
leur logement des familles qui ne peuvent plus rembourser leurs crédits,
suite au suicide de 3 personnes lors de l’expulsion de leur maison.
Limites et potentialité du 14N
Malheureusement, dans l’écrasante majorité des cas,
ces mobilisations et ces grèves restent espacées dans le temps, sans
vraies perspectives de victoire. Le rôle des bureaucraties syndicales
est évident dans cette situation. En effet, elles adoptent une tactique
de pression sur les gouvernements pour négocier des miettes, acceptant
le fond des attaques comme une fatalité, et participant en cela au
matraquage idéologique du patronat. L’appel de la CES pour la journée du
14N l’indique clairement : « Tout en soutenant l’objectif
d’assainissement des budgets, le Comité exécutif [de la CES] considère
qu’on ne pourra mettre fin à la récession que par un assouplissement des
contraintes budgétaires et la suppression des déséquilibres. Ceci afin
d’aboutir à une croissance économique durable, à la cohésion sociale et
au respect des valeurs garanties par la Charte des droits fondamentaux ».
En ce sens, leurs appels à des journées de grève générale isolées
répondent au moins à deux objectifs : mieux se positionner face aux
dirigeants gouvernementaux et, surtout, faire baisser la pression de la
base qui pourrait les déborder et rompre leur politique de conciliation
de classes.
Le 14N n’a pas pu constituer une exception à cette
orientation générale des bureaucrates syndicaux. Cependant, les
travailleurs, la jeunesse précarisée et même certains secteurs de la
petite bourgeoisie écrasée par la crise ont profité de cette date pour
exprimer leur ras-le-bol… et cela dans plusieurs pays d’Europe
simultanément. En ce sens, cette journée d’action coordonnée au niveau
du continent montre la possibilité d’une réponse unifiée et coordonnée
du prolétariat à l’austérité et aux attaques du capital.
Cependant, il est évident que ce type d’actions,
isolées dans le temps, sont complètement incapables de transformer cette
colère réelle en une révolte capable de stopper les attaques de la
Troïka et des gouvernements nationaux. Pour cela il faut aller plus loin
et préparer une grève générale illimitée basée sur l’auto-organisation
et la coordination des travailleurs dans les lieux de travail, de la
jeunesse précarisée dans les lieux d’étude et les quartiers populaires,
pour dépasser ainsi le cadre imposée par la bureaucratie syndicale. Un
processus de ce type dans les pays les plus touchés par la crise comme
la Grèce ou l’Etat Espagnol pourrait provoquer une vraie contagion à
travers le continent, ce que les bourgeoisies impérialistes craignent
profondément. L’intervention de la classe ouvrière avec ses méthodes
pourrait justement ouvrir une perspective révolutionnaire pour l’Europe
et pour toute la planète.
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NOTES
[2] Voir : « Le gouvernement de Passos Coelho contraint à faire machine arrière » (http://www.ccr4.org/Le-gouvernement-de-Passos-Coelho-contraint-a-faire-machine-arriere).
[3] Voir : « Dans l’Etat espagnol, la marche des mineurs nous montre la voie pour jeter à bas l’austérité ! » (http://www.ccr4.org/Dans-l-Etat-espagnol-la-marche-des-mineurs-nous-montre-la-voie-pour-jeter-a-bas-l-austerite) ; « Les mineurs espagnols sont de retour ! » (http://www.ccr4.org/Les-mineurs-espagnols-sont-de-retour) ; « Les mineurs se radicalisent face aux attaques du gouvernement » (http://www.ccr4.org/Les-mineurs-se-radicalisent-face-aux-attaques-du-gouvernement).
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