16.9.11

Vive la lutte des Fralib contre la fermeture de l’usine !


« On est installés, on est chez nous, il faudra qu’ils nous délogent par la force », déclarait sur le piquet Gérard Carzola, représentant syndical des travailleurs de l’usine Fralib qui produit du thé en sachet à Gémenos près de Marseille. En effet depuis le vendredi 2 septembre les travailleurs de Fralib occupent leur usine. Cette décision a été prise après que 134 salariés des 182 que compte le site ont reçu leur lettre de licenciement. Dans une assemblée de 100 travailleurs ils ont voté à l’unanimité moins deux l’occupation jour et nuit du site jusqu’à ce que leur « projet alternatif » soit pris en compte. De cette façon, ils veulent faire pression sur la direction et surtout éviter que le groupe Unilever, auquel appartient Fralib, déménage les machines vers son usine en Pologne.

Les travailleurs de Fralib sont en en fait en lutte depuis le 28 septembre 2010 quand la direction de l’entreprise révélait ses plans de fermeture du site de Gémenos considéré comme « trop coûteux ». Se basant sur un rapport qui indique que le site peut avoir une activité rentable, mais surement aussi sur l’expérience de certains de leurs collègues (54 travailleurs de Fralib Gémenos y ont été relocalisés après la fermeture de l’usine Fralib du Havre il y a 13 ans), les travailleurs exigent qu’Unilever leur cède les machines et la marque d’infusions « Eléphant » pour reprendre l’activité.

Cet aspect précis rend la lutte de Fralib exemplaire en ces temps de crise capitaliste où, patrons, banquiers et gouvernements, essayent d’en faire payer le coût aux travailleurs et aux classes populaires. En effet on a vu éclater depuis le début de la phase la plus aigüe de la crise économique en 2008 une série de luttes ouvrières très déterminées lors de fermetures d’usines, employant des méthodes radicales (séquestration de patrons, menaces de faire sauter l’usine, occupations, etc.) Malheureusement ces luttes avaient pour principale revendication de meilleures indemnités de départ et acceptaient d’emblée les pertes d’emploi. Les Fralib n’acceptent pas ce chantage et se battent pour le maintien de l’emploi. Comme le dit Olivier Leberquier, délégué syndical qui a lui-même vécu la fermeture du site Fralib du Havre : « ça peut être long, mais il ne faut pas commencer par jeter l’éponge. Nous devons d’abord étudier toutes les solutions qui permettent de maintenir les 182 emplois. L’argent d’un plan social est trop vite dépensé. On rembourse les dettes en premier. Ensuite on change de voiture et en quelques mois il n’en reste plus rien… » (Médiapart, « Unilever, passe-passe fiscal et plan social », 4/5/2011).

Des profits faramineux et fraude fiscale

 

La détermination des travailleuses et travailleurs de Fralib est d’autant plus compréhensible qu’Unilever a fait des bénéfices record en 2010 : +26% et un bénéfice net de 4,24 milliards d’euros ! Et cela fait des années que les actionnaires de ce géant multinational s’engraissent sur le dos des travailleurs : « Au niveau mondial, en 7 ans (2001-2007), 13,7 milliards d’euros de dividendes ont été versés aux actionnaires qui les ont empochés sans rien faire. Unilever France a fait remonter 750 millions d’euros de dividendes en 2008, après 300 millions en 2007, à sa maison mère’’, exposent les représentants du syndicat CGT » (Idem).
Les travailleurs dénoncent également le fait que Fralib déclare son siège social en Suisse où les impôts sont moins élevés qu’en France. Une pratique qu’évidemment les grandes multinationales impérialistes françaises pratiquent aussi dans d’autres pays, ce qui selon un calcul des syndicats du site de Gémenos de 2007 implique une fraude fiscale avoisinant les 67 millions d’euros par an. Il est évident que dans cette situation il y a de la complicité ou au moins de la complaisance de la part des pouvoirs publics, aussi bien au niveau national que régional.


La direction déboutée en justice

 

C’est notamment pour avoir dénoncé cette fraude dans un tract d’octobre 2010 que la direction de l’entreprise a poursuivi en justice trois syndicalistes pour « diffamation ». C’est dans ce cadre qu’une cinquantaine de Fralibs se sont déplacé au Tribunal Correctionnel de Nanterre le mardi 6 septembre. Des syndicalistes de plusieurs entreprises de l’agroalimentaire de différentes régions du pays se sont déplacés pour exprimer leur solidarité, ainsi que des personnalités politiques telles qu’Olivier Besancenot, Arlette Laguiller et Jean-Luc Mélenchon. Finalement, les trois syndicalistes ont été relaxés. « Ça ne fait que nous renforcer et légitimer notre action », disait Gérard Carzola, délégué syndical CGT, accusé par la direction, à la sortie de la salle d’audience. Effectivement, même si ce verdict n’est pas directement lié à l’occupation de l’usine, ni au plan alternatif des travailleurs, du point de vue du morale, pour que continue la lutte, c’est très important.

Les travailleurs n’ont pas besoin de patrons !

 

Quand les travailleurs de Fralib affirment que si l’entreprise veut partir qu’elle parte mais qu’elle doit leur laisser les outils de travail pour qu’ils puissent continuer à produire, ils rappellent un fait très important. Ce qu’ils sont en train de dire c’est qu’à la différence des patrons qui ont besoin d’exploiter les salariés pour faire des profits, les travailleurs n’ont pas besoin de patrons pour produire. L’histoire donne de grands exemples de ce que notre classe a été capable de réaliser sur ce terrain. Pour n’en mentionner qu’un seul, contemporain, et des plus importants, on peut évoquer l’usine de céramiques Zanon en Argentine. Lors de la crise de 2001-2002, face au plan du patron de fermer l’usine et laisser dans la rue plus de 200 salariés avec leurs familles, les travailleurs ont décidé d’occuper l’usine, de récupérer l’outil de travail et de produire sous contrôle des ouvriers. Tout cela en exigeant la nationalisation sous contrôle des travailleurs et un plan de construction de logements, d’hôpitaux et d’écoles pour satisfaire les besoins des classes populaires en la matière. Maintenant, cela fait dix ans que Zanon existe et même s’ils n’ont pas réussi à obtenir l’expropriation complète de l’usine, à savoir sa nationalisation sous contrôle ouvrier, même si Zanon est encore une coopérative, les Zanon sont devenus une référence de la lutte contre les fermetures d’usines, en Argentine, mais également au niveau mondial.

Et cela est un message hautement subversif, un message qui ébranle les « vérités » du capitalisme que l’on veut nous inculquer. Notamment celle qui dit que « les ouvriers ont besoin des patrons » ou celle sur « l’inviolabilité » de la propriété privée. Les Fralib avec leur lutte pour la préservation de l’outil de travail envoient un message dangereux pour les patrons, surtout en ces temps de crise. En ce sens, ce n’est pas par hasard que l’un de leurs « soutiens », l’administration PS de la région PACA insiste sur « le besoin » de trouver un repreneur, c’est-à-dire un autre patron : « il faut que nous arrivions dans ce bras de fer à faire céder Unilever pour qu’il puisse céder la marque. Ensuite, nous [la région] serons aux côtés des salariés, des repreneurs, quels qu’ils soient, pour faire en sorte que la démonstration économique de la pérennité de ce site soit faite. Nous serons partenaires de ces repreneurs… » (Christophe Castaner, vice-président de la région PACA sur la vidéo « Les Fralib maintiennent la pression »,.

Il est évident que la priorité pour les Fralib est le maintien de l’emploi. Mais justement, on pourra réellement le faire si ce sont les travailleurs qui prennent le contrôle de l’outil de travail ; rien ne garantit qu’un autre patron ne recommence tôt ou tard à licencier des salariés. Encore une fois, l’exemple de Zanon montre que les travailleurs non seulement ont réussi à conserver les postes mais en ont créé d’autres.

Par ailleurs, il n’y a aucun doute que si les travailleurs réussissent à arrêter le plan social d’Unilever en reprenant l’usine sous la forme d’une coopérative ce serait un grand pas en avant et un précédant important pour les luttes futures. Mais il est vrai aussi que ce que serait un précédent important pour les travailleurs qui créerait en même temps une hostilité proportionnelle de la part des capitalistes. Ce qui aurait des conséquences pour l’approvisionnement en matières premières, pour les ventes, etc. C’est pour cela que nous défendons la revendication de nationalisation sous contrôle des travailleurs pour que l’Etat assure les investissements nécessaires ainsi que les débouchés des produits en achetant, par exemple, la production pour les cantines des écoles, des administrations, etc.

La lutte déterminée des Fralib par les perspectives qu’elle ouvre pour lutter contre les exploiteurs qui veulent jeter dans la misère des dizaines de milliers de travailleurs et leurs familles en détruisant leur seule source de revenu mérite un soutien inconditionnel et toute notre solidarité. Face à la fermeture d’entreprises, il n’y a pas de place pour la résignation, il faut suivre l’exemple des Fralib et lutter pour le maintien de l’outil de travail ! Vive la lutte des Fralib ! 


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