Une première analyse sur les conséquences au niveau international de la victoire des Taliban en Afghanistan après 20 ans d’occupation impérialiste.
- Après 20 ans d’occupation impérialiste les Taliban reviennent au pouvoir en Afghanistan. Beaucoup d’images tournent sur les réseaux sociaux faisant une comparaison avec la défaite américaine au Vietnam. Même s’il y a certains points de comparaison, ce n’est pas la même chose, à commencer par le caractère réactionnaire et bourgeois des Taliban. En effet, malgré nos désaccords profonds avec les communistes vietnamiens, le caractère réactionnaire des Taliban est une différence centrale. Justement, pour cela, on peut s’attendre à ce que des contradictions sociales et politiques s’expriment assez rapidement : un gouvernement des Taliban sera incapable de répondre aux problèmes profonds de la population, malgré le rejet réel qui existe contre l’intervention impérialiste. Cela étant dit, il nous faut mentionner une vérité : l’échec et l’humiliation internationale sont indéniables pour les Etats-Unis. Washington après les attentats de septembre 2001 avait fait de l’intervention en Afghanistan (et plus tard en Irak) la vitrine de sa lutte internationale contre le terrorisme islamiste. C’est en ce sens que la situation est différente de la Syrie où Bachar al-Assad (avec l’aide de la Russie et de l’Iran) a infligé une défaite aux nord-américains et ses alliés.
- Même si cette politique d’intervention en Afghanistan a de fait été défendue par l’ensemble de l’échiquier politique nord-américain - républicains et démocrates (avec des nuances et des tentatives de « retrait ordonné ») - il s’agit d’un échec principalement pour l’aile « faucon » de l’establishment impérialiste. Cependant, comme lors de la défaite au Vietnam, il est probable qu’il y ait une radicalisation à droite face à l’humiliation impérialiste. Le Trumpisme, en tant que nationalisme impérialiste, va peut-être se renforcer, ce qui aurait des conséquences sur toute la situation politique et sociale au niveau planétaire. Cela sera d’autant plus facilité par le fait que cette percée des Taliban se produit après l’annonce de retrait par le président démocrate Joe Biden. Les prochains jours et semaines vont déterminer si l’administration Biden sera capable de tenir le coup ou s’il y laissera des plumes.
- L’échec nord-américain est aussi un nouveau coup à l’image et à la capacité de l’impérialisme US de se présenter comme le « gendarme du monde » et le garant de la sécurité de ses alliés en dernière instance. Cela aura très probablement pour conséquence que des puissances régionales, des puissances concurrentes (Chine, Russie) et même des pays mineurs de la périphérie capitaliste tentent de rebattre les cartes sur certains dossiers. Autrement dit, il faut s’attendre à un monde plus instable et plus imprévisible en termes de conflits armés entre Etats, et à l’intérieur des Etats. Des guerres comme celle qui a opposé en 2020 l’Azerbaïdjan et l’Arménie pourraient se multiplier. Et cela d’autant plus dans un contexte où les ventes d’armes ont explosé et que plusieurs Etats semi-coloniaux sont parvenus à se procurer des armements de haute technologie grâce à la baisse des coûts de certains de ces armements.
- La Chine apparaît comme la puissance qui sort la mieux positionnée de cette séquence étant donné qu’elle s’est réunie avec les Taliban en juillet dernier et a affirmé qu’elle reconnaîtrait un éventuel gouvernement taliban s’ils arrivaient à prendre le pouvoir à Kaboul. En échange les Taliban doivent s’engager à ne pas soutenir des « organisations extrémistes » agissant dans les provinces de l’ouest chinois, notamment dans le Xinjiang. Un autre des points sur lesquels Pékin a insisté c’est que les Taliban arrivent à un accord de paix pour une transition « pacifique ». C’est fait. Le gouvernement afghan a déclaré qu’ils étaient en train de passer le pouvoir aux Taliban. Cela veut dire que les Taliban vont vouloir gagner la reconnaissance internationale, organisant éventuellement même des élections que très probablement ils gagneront tellement les alliés des Etats-Unis sont discrédités. On ne peut pas exclure que les Etats-Unis et les autres puissances impérialistes tentent d’établir une certaine « normalisation » avec les Taliban, ce qui cependant sera plus difficile de faire passer au niveau national. Autrement dit, même s’il reste encore à voir l’évolution de la situation, la Chine pourrait gagner un nouvel allié en Asie centrale, ce qui est très important pour son projet des « nouvelles routes de la soie ». Finalement, on ne peut pas exclure un scénario contraire où la victoire des Taliban agisse comme un encouragement à la résistance des Musulmans de Chine, opprimés et réprimés par le régime réactionnaire du PCCh.
- Evidemment il y a une grande interrogation sur quel sera le sort de la population, de tous ceux et celles qui ont collaboré de près ou de loin avec les occidentaux, des opposants politiques et surtout des femmes. Des scènes de gens tentant de fuir la capitale afghane inondent les réseaux, faisant craindre à certains analystes une nouvelle vague de réfugiés vers l’Europe pouvant déstabiliser des pays comme la Turquie qui abritent déjà plus de 4 millions de réfugiés syriens. Le degré de répression et de possibles sursauts de guerre civile déterminera largement les rythmes des déplacements de population à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
- Tout cela impose d’ores et déjà des défis immenses pour le mouvement ouvrier et la classe ouvrière en général dans les pays impérialistes où les sirènes réactionnaires vont commencer à chanter leurs hymnes venimeux et réactionnaires. C’est plus que jamais l’heure de s’opposer à l’impérialisme, aux interventions militaires, notamment de notre propre impérialisme. La totale solidarité avec les réfugiés et toutes les victimes des bombes impérialistes et des Taliban sera fondamentale, à commencer par l’ouverture des frontières et l’accueil décent de toutes les personnes qui voudraient se réfugier sur le sol européen.
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