Le
géant franco-hollandais entend supprimer entre 8 000 et 10 000 postes
d’ici 2022. L’entreprise a reçu 7 milliards grâce au soutien de l’État
et Bruno Le Maire soutient le plan.
Ils appellent cela « le plan de reconstruction d’Air France ». Avec
des milliers de licenciements à la clé, il s’agit de cynisme patronal à
l’état pur. En effet, on a appris de différentes sources que le groupe
Air France-KLM s’apprête à annoncer entre 8 000 et 10 000 suppressions
de postes d’ici 2022, soit entre 15% et 20% de l’effectif total du
groupe (55 292 salariés dont 49 000 chez Air France). L’annonce devrait
avoir lieu entre fin juin et début juillet.
Selon Les Echos,
le personnel au sol subira les plus importantes suppressions
d’emplois : entre 4 000 et 6 000 licenciements. Mais toutes les
catégories seront touchées. Parmi les hôtesses et stewards on parle de
2 000 à 2 500 licenciements ; parmi les pilotes il y aurait un peu plus
de 400 licenciements. Selon le même journal, « la filiale du groupe
la plus impactée serait toutefois Hop, où près d’un millier d’emplois
seraient menacés, sur un total de 2 751 salariés ».
Obscénité patronale
L’entreprise française justifie son choix dévastateur pour des
milliers de familles ouvrières en pointant les difficultés du secteur
liées à la pandémie de Covid-19. On parle d’une baisse d’activité de 20%
pour 2020 et de 10% pour 2021. Naturellement, pour le patronat, c’est
aux salariés de payer l’addition. Mais pas seulement pour le patronat.
Pour le gouvernement aussi. Afin de « sauver » ce « champion national »
le gouvernement a annoncé un plan de 7 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat.
Mais, Air France-KLM est-il vraiment un groupe au bord de la
faillite ? A en juger par la rémunération de ses hauts dirigeants on ne
dirait pas. Il y a quelques semaines seulement on apprenait que sont
PDG, Benjamin Smith, touchera 800 000 euros de bonus,
ce qui vient s’ajouter à sa rémunération fixe de 900 000 euros par an,
la rémunération du PDG pour 2019 s’élevant en réalité à 2 millions
d’euros.
Mais si M. Smith est aussi grassement payé c’est bien parce que le
groupe, au-delà de l’épisode pandémique, se porte plutôt très bien. Air
France-KLM a fait plusieurs milliards d’euros de profits ces dernières
années. Rien qu’en 2018 le groupe faisait 1,3 milliards de bénéfices
opérationnels (le résultat net avant impôt).
Les profits avant tout
Il faut rappeler que depuis longtemps Air France tente de
« rattraper » son retard en termes de profits par rapport à ses
concurrents européens et mondiaux. En novembre dernier son PDG déclarait
vouloir faire augmenter les profits de l’entreprise de 117%
d’ici 2024. Et les profits des patrons ne sont jamais l’œuvre de la
magie, mais le résultat de l’exploitation des travailleurs. C’est ainsi
que depuis dix ans Air France tente de restructurer le groupe en
basculant son personnel vers ses compagnies low-cost, comme Transavia,
où les salariés (toutes catégories confondues, y compris les pilotes)
ont des conditions de travail plus défavorables.
La pandémie et les difficultés économiques liées aux mesures prises
pour y faire face apparaissent ainsi comme un accélérateur de cette
tendance ainsi que comme un excellent prétexte. Et c’est une tendance
dans tout le secteur. Comme on peut le lire dans l’article des Échos
cité plus haut : « Lufthansa a indiqué qu’il comptait supprimer
22.000 postes, soit près de 16 % des effectifs du groupe (qui inclut
Swiss Austrian, et Brussels Airlines), dont la moitié en Allemagne.
British Airways prévoit de supprimer 12.000 emplois, soit près de 30 %
de ses effectifs, tout en imposant à ses salariés une révision à la
baisse de leurs contrats de travail. Easyjet veut également supprimer
30 % de ses effectifs, soit 4.500 emplois ».
Des licenciements déguisés
Ainsi, les licenciements massifs chez Air France sont devenus un
enjeu de concurrence capitaliste. Donc une concurrence qui se fait sur
le dos des vies ouvrières brisées par la perte du travail au milieu
d’une crise qui s’annonce très dure et qui rendra encore plus difficile
de retrouver un nouvel emploi pour des millions de personnes.
Mais attention, selon l’entreprise (et le gouvernement) il n’y aura
pas de licenciements secs, il n’y aurait que des « départs
volontaires ». En réalité les salariés connaissent très bien ce que cela
veut dire : des pressions, du harcèlement, des menaces, des sanctions,
entre autres. Car les licenciements ne sont jamais « volontaires », ou
en tout cas ils sont toujours dictés par les conditions imposées par le
patronat qui lui ne poursuit que le froid calcul du profit.
En effet, les capitalistes tentent de minimiser les coûts même
lorsqu’ils licencient. Et pour cela Air France (et les autres grands
groupes) comptent sur les dispositifs mis en place par les
contre-réformes du gouvernement Macron et par ses précédents. Ainsi,
l’entreprise s’apprête à recourir à une disposition introduite par la
« Loi Travail XXL » : la Rupture Conventionnelle Collective (RCC). Ce dispositif
permet au patronat de licencier à un moindre coût (moins d’indemnités,
entre autres) et avec moins de contraintes que les PSE classiques
(contrairement aux PSE avec les RCC les entreprises peuvent embaucher
dès la reprise de l’activité). Mettant l’accent sur le caractère
« volontaire » des départs il s’agit non seulement de faire baisser les
coûts économiques mais aussi les coûts pour le gouvernement
politiquement.
Complicité du gouvernement
Pour le moment nous n’avons pas les chiffres définitifs quant aux
licenciements car, comme pour Renault, il est possible que l’entreprise
ait laissé fuiter dans la presse des chiffres gonflés pour ensuite
présenter un plan revu à la baisse et créer une fausse impression de
« soulagement ». Ce qui est sûr en tout cas c’est que le plan de
licenciement massif chez Air France compte avec le soutient total et
indéfectible du gouvernement.
Ainsi, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, face à la question
de la position du gouvernement face aux licenciements dans une
entreprise où l’État est non seulement actionnaire mais à laquelle il
vient de faire bénéficier d’une aide milliardaire : « l’État doit
soutenir une entreprise qui demain renoue avec les bénéfices, qui est
une entreprise solide et qui fait la fierté industrielle de notre pays.
Je pense avoir toujours tenu le même langage depuis le début, je l’ai eu
sur Renault, je l’ai sur Air France, je l’aurai sur d’autres
entreprises. Quand les commandes s’écroulent, quand le trafic aérien
s’écroule, dire ‘je mets de l’argent mais on va absolument garder chaque
emploi’, à quoi ça conduit ? (…) à des risques de faillites, et c’était
ça qui menaçait Air France, et au bout du compte à perdre l’argent de
tous les Français (…) Si demain Air France fait faillite, ce sont 7
milliards qui partent en fumée et dont je suis responsable (…) il faut
que la compagnie renoue avec les bénéfices ».
Le message est clair. Le gouvernement paie pour « sauver » Air France
et non seulement qu’il ne s’oppose pas aux licenciements, il les
encourage si cela est nécessaire pour que « la compagnie renoue avec les
bénéfices ». Il s’agit d’un gouvernement pro-patronal qui tente de
naturaliser les licenciements au nom de la compétitivité des
entreprises.
Il faudra avoir cela en tête car au moment où le gouvernement Macron
fait un tournant à droite avec sa revendication de l’histoire
impérialiste française et sa rhétorique « nationaliste » parlant de
« relocalisations », les travailleurs doivent savoir que tout cela ne se
fait nullement pour les favoriser, ni pour créer des emplois. Le tout
se fera selon les conditions imposées par le patronat et si celui-ci
exige des « sacrifices » de la part du monde du travail, le gouvernement
ne fera qu’obéir.
Un plan de bataille ouvrier contre tous les licenciements
Les syndicats de pilotes et des hôtesses et stewards sont déjà en
train de négocier les ruptures conventionnelles collectives. Ces
directions syndicales tentent d’aider le patronat à trouver la meilleure
façon de concurrencer les autres capitalistes du secteur sur le dos des
salariés. Autrement dit, ils sont déjà en train de capituler avant même
de préparer un plan de bataille qui parte du principe élémentaire de
« zéro licenciement ».
Un tel plan de bataille est fondamental car accepter les
licenciements massifs dans une entreprise comme Air France (qui plus est
a fait de gros bénéfices ces dernières années) serait un très mauvais
message pour tous les salariés des autres secteurs. Au contraire, les
salariés d’Air France trouveront des alliés directs parmi les
travailleurs et travailleuses des entreprises du secteur aéro qui se
battent contre les licenciements actuellement mais aussi chez Renault.
Bruno Le Maire parle de renouer avec les profits. Mais les bilans
financiers publics de ces dernières années montrent que l’entreprise a
gagné beaucoup d’argent. Il faudrait ouvrir les livres de comptabilité
et vérifier quelle est la vérité des affaires, surtout quand la vie de
milliers de salariés est en jeu. Mais même en cas de difficultés, il est
inconcevable que ce soient les salariés qui payent une crise dont ils
ne sont pas les responsables. Il faudra toucher aux profits des
actionnaires et poser la question de la nationalisation sous contrôle
des travailleurs et travailleuses. Dans la crise qui s’annonce et dans
le cas des licenciements massifs, la question se pose à nouveau dans les
termes suivants : c’est eux ou c’est nous !
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