9.4.20

Covid-19. Aux Etats-Unis, la population noire sacrifiée


La surcontamination et la surmortalité de la population noire face au Covi-19 aux États-Unis est le résultat direct de son oppression et d’un système profondément inégalitaire.
Philippe Alcoy

Au cours de la pandémie de Coronavirus et au milieu de l’irresponsabilité des gouvernants, s’est construit un mythe selon lequel le virus ne faisait pas de différence entre les classes, entre les genres, entre les races. Et pourtant, aux États-Unis, il semble s’acharner sur la population noire, dont une grande partie est parmi les secteurs les plus précaires et exploités de la société nord-américaine.

Les chiffres sont partiels mais limpides. A Chicago où les Afro-américains représentent un tiers de la population, la moitié des contaminés du Covid-19 sont noirs et ils représentent 70% des morts ; à Milwaukee où les Noirs sont 26% de la population, ils représentent 50% des contaminés et 81% des morts ; au Michigan où les Noirs ne sont que 14% de la population, ils représentent 35% du nombre total de cas et 40% des morts ; et même dans les États où des chiffres basés sur des statistiques raciales n’ont pas été publiés on sait que les zones les plus touchées sont celles où habitent majoritairement les population afro-américaines.

Le président Donald Trump lui-même a dû se prononcer sur cette réalité catastrophique, affirmant tout faire pour venir en aide à ce secteur de la population. Il n’y a pas besoin de dire que ces paroles venant d’un milliardaire qui a construit sa récente carrière politique sur les pires préjugés racistes, résonnent comme une hypocrisie totale. Cette hypocrisie s’alimente aussi du fait que Trump a pendant longtemps sous-estimé la dangerosité du virus alors qu’il faisait déjà des ravages dans plusieurs pays asiatiques et commençait à toucher durement l’Europe.

Mais cette situation de la population noire aux États-Unis ne tombe pas du ciel. Elle n’est pas non plus le résultat de la seule politique de Trump. Elle est le résultat direct de plusieurs siècles d’oppression et d’exploitation. C’est ce funeste héritage historique qui explique que les Noirs nord-américains soient parmi les secteurs les plus pauvres de la société, parmi les plus précaires et exploités, parmi les segments de la population qui souffre le plus de maladies chroniques telles que l’hypertension, le diabète, l’obésité, entre autres. Les Afro-américains sont aussi ceux qui ont un accès à la santé le plus précaire et de mauvaise qualité dans un pays où le système sanitaire est pratiquement totalement privatisé.

Un autre dérivé direct de l’oppression raciste et de la marginalité sociale des Noirs aux États-Unis, est la plus forte répression contre ce secteur de la population. Cela explique l’énorme nombre de cas de violences policières contre les Afro-américains mais aussi la surreprésentation des Noirs dans les prisons du pays ; des prisons qui sont devenues aujourd’hui des foyers de contamination et de mort dues au Covid-19. Comme on peut le lire dans Left Voice, qui fait partie du même réseaux international que Révolution Permanente : « dans le système carcéral américain, où la surpopulation et les conditions d’insalubrité rendent les prisons des possibles pièges mortels pour les détenus, les Noirs étant surreprésentés dans la population carcérale à un taux plus de 5 fois supérieur à celui des Blancs ».

Tout cela rend le mythe sur « l’égalité » face au virus particulièrement insupportable. Car ce beau discours est non seulement faux mais il sert à cacher, derrière un égalitarisme hypocrite, la réalité de la pandémie : les pauvres sont ceux qui en souffrent le plus. Car une autre raison pour laquelle les Afro-américains sont surreprésentés dans les taux de contamination et de morts dues au Coronavirus c’est qu’ils sont aussi surreprésentés dans les emplois précaires devenus essentiels pendant la crise : employés de supermarchés et dans la livraison d’aliments, aide à domicile, travailleurs du transport, employés dans le secteur de la santé.

Ainsi, les travailleurs et les secteurs les plus opprimés de la société sont mille fois plus exposés au virus que n’importe quel grand patron, banquier, actionnaire ou politicien car ce sont eux qui sont réellement en « première ligne » et souvent sans même avoir le matériel nécessaire pour se protéger eux-mêmes. Mais ce n’est pas tout car les travailleurs, les migrants, les femmes, les Latinos et les Afro-américains ne sont pas seulement plus exposés au virus mais également aux conséquences économiques de la crise comme le chômage de masse.

Donc, non. Le Covid-19 ne met pas tout le monde à égalité, au contraire, il accentue les inégalités de classe, de genre et de race. C’est en ce sens que beaucoup d’analystes et politiciens commencent à s’alarmer et à exiger des politiques sociales dans les pays les plus riches, ils voient qu’il y a un risque très important d’explosion sociale face aux inégalités criantes que cette pandémie accentue. Les Afro-américains sont l’un des secteurs les plus exploités et opprimés aux États-Unis, ils pourraient devenir l’un des secteurs les plus déterminés et à la tête de la lutte contre ce système inégalitaire et oppressif.

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