Le
Covid-19 est en train de modifier profondément la situation
internationale dans un sens pluridimensionnel. Plusieurs dangers
menacent la classe ouvrière mais aussi plusieurs opportunités s’ouvrent
pour une remise en cause radicale de ce système qui nous amène à la
barbarie.
Nous revenons ci-dessous sur plusieurs aspects de la crise
actuelle au niveau international. Il ne s’agit pas d’une analyse
exhaustive de la situation mondiale mais de tenter d’avancer quelques
éléments qui peuvent nous permettre de prévoir l’évolution de certaines
dynamiques de la crise.
La crise sanitaire continue de se répandre
La crise sanitaire continue de se répandre dans le monde. Malgré des
signaux d’une certaine maîtrise précaire de la situation en Italie,
l’épidémie semble loin d’être sur la fin. Et la mauvaise nouvelle de ces
derniers jours c’est que des pays d’Asie,
qui apparaissaient comme ayant maîtrisé la propagation du virus,
certains apparaissant même comme un « modèle » pour les autres pays,
commencent à avoir de nouveaux cas. Ces nouveaux cas semblent être la
conséquence du retour de certains citoyens et l’arrivée de visiteurs
depuis l’étranger. Singapour est l’un des exemples les plus importants
en ce moment. Dans ce pays, les autorités avaient réussi à éviter
d’appliquer des mesures de confinement massif et ainsi de mettre à
l’arrêt l’économie ; cependant, elles viennent de décréter la fermeture
des écoles après un nouveau pic de contaminations.
De ce point de vue, il est très probable que les mesures de
confinement se prolongent là où elles sont déjà appliquées. En même
temps dans d’autres pays où l’on n’avait jusqu’à présent pas imposé ce
type de mesures, on commence à les mettre en place, au moins
partiellement. Cela veut dire que le « déconfinement » dans les pays les
plus touchés est remis en question, ou tout du moins les perspectives
les plus optimistes de déconfinement. Et cela même dans le cas de le
faire en appliquant des « politiques agressives », comme les tests
massifs, car à moins de fermer complètement les frontières ou
d’appliquer des mesures de confinement très strictes à l’égard de toutes
les personnes voyageant depuis des régions touchées durement par la le
virus, un retour de nouveaux cas semble presque inévitable (comme le cas
de l’Asie semble l’indiquer).
Même dans le cas d’une hypothétique accalmie de l’épidémie dans
l’hémisphère nord grâce à l’arrivée de l’été, rien ne peut garantir
qu’il ne reviendra l’hiver suivant. Parallèlement, le Covid-19 pourrait
se propager fortement dans les pays plus pauvres de l’hémisphère sud, ce
qui en soit pourrait être une catastrophe (plus que ce que la pandémie
est en train de faire encore dans certains pays comme l’Equateur) mais aussi une source d’entretien de la pandémie.
Bouleversements de l’économie
Cette situation va approfondir les bouleversements économiques. Il
est complètement illusoire de penser qu’avec la moitié de la population
mondiale confinée, avec des entreprises fermées ou tournant au ralenti,
avec des récoltes mises en danger par manque de main d’œuvre,
entre autres, l’économie sortira indemne de cette crise sanitaire. En
réalité, on est juste devant une crise qui va être très dure. Le chômage
est en train d’exploser
à travers le monde. Cela est en grande partie dû aux mesures prises par
les gouvernements, mais après le retour de l’activité il est très
probable qu’une grande partie de ces chômeurs ne retrouve plus de
travail. Des entreprises et des banques vont sans aucun doute faire
faillite (probablement aussi parmi les plus grosses). L’économie
mondiale était en effet déjà en train de lutter contre plusieurs
problèmes.
Concernant la production, il va être difficile de la relancer très
rapidement étant donné que certaines chaînes d’approvisionnement sont
interrompues. Par exemple, même pour fabriquer des masques ou des tests
il commence à manquer des matières premières, à tel point que les
grandes puissances se livrent à des « méthodes de pirates » pour se
procurer des masques, des respirateurs et autres produits sanitaires
nécessaires à la lutte contre la propagation du Covid-19. En ce sens,
l’Allemagne et d’autres pays ont accusé les Etats-Unis de détourner
des cargaisons destinées à d’autres pays, soit à travers des formes de
réquisition, soit en offrant des sommes plus importantes pour les
cargaisons.
A cela il faut ajouter la crise autour de la « guerre du prix du
pétrole », qui a commencé indépendamment de la pandémie mais qui
aujourd’hui avec les mesures de confinement et une chute de 40% de la
demande de pétrole met en danger tous les producteurs. Ainsi, face au
risque de « tout perdre », aussi bien l’Arabie Saoudite que la Russie et
les Etats-Unis semblent être en train de mettre de l’eau dans leur vin.
Cependant, rien ne peut garantir la réussite des tractations en cours.
Risques sur l’approvisionnement d’aliments
Une autre question qu’il faut prendre au sérieux c’est l’approvisionnement d’aliments
et le risque qui se pose notamment pour les pays dépendants des
importations et les pays les plus pauvres. Dans la presse les analyses
sur le sujet ont commencé à se multiplier notamment après que l’OMS, la
FAO et l’OMC aient publié un communiqué commun alertant sur les dangers qui pesaient sur l’approvisionnement d’aliments au niveau international.
Même si la plupart des analystes estiment que pour le moment il ne
semble pas y avoir un risque très grand de pénurie, tous se posent la
question de savoir : a) si les mesures de confinement vont se prolonger,
b) si les Etats vont appliquer massivement des mesures
protectionnistes. Dans ce cas, il est plus que certain que l’on se
dirige vers une pénurie d’aliments, à commencer par les pays de la
périphérie capitaliste et dépendants des importations de denrées
alimentaires, mais le problème pourrait également se poser pour les pays
impérialistes. Ces craintes se sont renforcées notamment par le fait
que par exemple des pays producteurs de riz on déjà imposé des
restrictions aux exportations : Vietnam, Inde, Birmanie (des Etats parmi les six principaux exportateurs de riz mondiaux).
Du fait que le monde est aujourd’hui beaucoup plus urbain qu’il y a
50 ans ou que lors de la seconde guerre mondiale, la question du manque
d’aliments pourrait être fatale pour les pays tant du centre que de la
périphérie du capitalisme.
En ce sens, pour la classe ouvrière et pour les classes populaires à
une échelle planétaire se pose la question de l’expropriation sous
contrôle ouvrier des entreprises du secteur agro-industriel pour assurer
la production d’aliments pour toute la population. Mais pour éviter que
des logiques nationalistes et protectionnistes débouchent sur la faim
pour des millions de personnes à travers le monde, la production doit
être planifiée, les travailleurs doivent avoir le contrôle sur le
commerce extérieur et des comités de travailleurs et de consommateurs
doivent contrôler les prix pour éviter la spéculation.
Des puissances impérialistes plus agressives
On voit que toute cette situation est déjà en train d’accentuer
l’agressivité de l’impérialisme. Dans un moment où la pandémie Covid-19
exige des formes de coordination globale pour endiguer la propagation du
virus mais aussi pour éviter un immense bouleversement du
fonctionnement de l’économie mondiale, des chaines d’approvisionnement
et même de l’assistance aux pays les plus dévastés et plongés dans la
misère, les puissances impérialistes (elles-mêmes engluées dans la
crise) vont accentuer la pression sur les pays semi-coloniaux. Cette
accentuation de la domination impérialiste sur la périphérie capitaliste
répond en partie au besoin de résoudre les crises sociales, économiques
et même politiques à l’intérieur de leurs propres frontières.
Evidemment, cela va être combiné avec des attaques contre les acquis des
classes populaires dans les pays impérialistes, comme on est déjà en
train de le voir.
Dans ce contexte il est très probable que l’oppression impérialiste,
l’ingérence, et même l’intervention directe dans les pays semi-coloniaux
s’accentue. Le cas du Venezuela
est le plus clair : les Etats-Unis sont en train de menacer le régime
vénézuélien directement avec leur armée en envoyant des navires de
guerre et des troupes supplémentaires dans la région des Caraïbes. A
cela il faut ajouter qu’il y a quelques jours les Etats-Unis accusaient
le président vénézuélien Maduro et de hauts dirigeant du gouvernement de
trafic de drogues, offrant une récompense pour toute aide à le
capturer. Le tout dans un contexte de blocage et de pression économique
qui a forcé l’entreprise russe Rosneft à cesser ses activités dans le pays.
Du côté de l’impérialisme français, le gouvernement a annoncé le redéploiement de navires de guerre
dans ses possessions militaro-coloniales dans l’Océan indien et dans la
région Caraïbes-Amérique latine. Ce redéploiement militaire, notamment
dans les Caraïbes, répond sans doute à ces mouvements de l’armée
nord-américaine, il est possible que la France ait eu des informations
sur les plans de Washington. Ce qui est certain c’est que dans un
contexte international de plus en plus tendu, les puissances
impérialistes non seulement vont augmenter leur pression sur les pays
dominés mais vont protéger leurs positions contre les ambitions des
puissances concurrentes.
Et la concurrence entre les puissances mondiales ?
En effet, si l’on parle d’accentuation de l’agressivité de
l’impérialisme, on ne peut pas éluder la question de la concurrence
entre les puissances impérialistes et autres puissances mondiales telles
que la Chine. Même si tout le monde voit clairement la rivalité et les
frictions entre les Etats-Unis et la Chine, ce qui commence à se voir de
plus en plus clairement c’est la concurrence acharnée entre les
Etats-Unis et l’Allemagne. Si la crise économique, sanitaire et sociale
s’accentue au niveau mondial on risque de rentrer dans une période de
conflits inter-impérialistes toujours plus forts, ce que l’on n’avait
pas vu depuis très longtemps.
L’Union Européenne (UE) mérite une mention à part. Elle est en train
de montrer ses failles, de voir réapparaitre de façon aiguë les contradictions nationales
en son sein. La crise sanitaire est en train d’approfondir les
faiblesses économiques des pays du sud du continent, ce qui crispe les
tensions entre les différents gouvernements. Il est très probable
qu’après la crise du Covid-19 l’UE soit soumise à une forte pression,
pouvant aller jusqu’à la remise en cause de ses contours actuels, voire
son existence même.
Enfin, une autre caractéristique de la situation internationale
actuelle concernant les grandes puissances c’est que la crise du
Covid-19 est en train d’exposer devant les yeux de tout le monde l’une
des caractéristiques fondamentales de l’impérialisme : la lutte pour les
ressources naturelles et les matières premières. Ce n’est pas que cette
concurrence avait disparu, mais elle prenait des formes plus
« atténuées » (tout du moins sur la forme) et donc n’était pas exposée
aussi explicitement auprès du « grand public ». Aujourd’hui, les
puissances mondiales sont en train de se disputer des masques, des
respirateurs, des matériels sanitaires. Imaginez si ce qui arriverait si
on venait vraiment à manquer d’aliments !
De grands évènements de la lutte de classes à venir ?
Dans ce contexte il faut aussi se préparer à de grands évènements de
la lutte de classes. Les désastres sanitaires dans les pays
impérialistes, conjugués aux désastres économiques, sont en train d’exposer les inégalités, les divisions de classe, mais aussi l’importance des travailleurs précaires
pour le fonctionnement de la société. Les effets économiques de la
crise et notamment les conséquences des mesures pour lutter contre le
virus vont se faire sentir fortement parmi les travailleurs, précisément
les plus précaires. A cela il faut ajouter le mécontentement accumulé
dans les services hospitaliers et dans tout le secteur sanitaire, dans
pratiquement tous les pays. Tout cela laisse présager d’un niveau de
lutte de classes très important à l’issue des mesures de confinement.
La France qui a vu de fortes contestations sociales avec les Gilets
Jaunes et la lutte contre la réforme des retraites pourrait se trouver
parmi les pays impérialistes avec un fort niveau de lutte de classes et
de contestation sociale. Le gouvernement de Macron se trouve dans une
situation très délicate où de moins en moins de gens lui font confiance
pour gérer la crise, sans mentionner les contre-réformes dans le secteur
de la santé que son gouvernement a appliquées. L’Italie est l’autre
pays européen où l’on peut s’attendre à une très forte contestation
sociale, non seulement par l’ampleur de la crise mais aussi par le
manque de solidarité dont ses « partenaires » européens ont fait preuve.
Mais nous ne pouvons pas oublier que la crise sanitaire et économique
est en train de mettre à l’épreuve la principale puissance mondiale, les
Etats-Unis. Dans ce pays le Covid-19 est en train d’exposer violemment
les inégalités et la pauvreté dans laquelle vivent des millions de ses
citoyens. Les capitalistes et le gouvernement nord-américain sont
conscients de la possibilité de grands affrontements de classes dans la
nation la plus riche au monde. L’autre pays que l’on ne peut pas oublier
c’est la Chine qui, malgré une forte propagande autour de sa lutte
contre l’épidémie, doit encore montrer comment elle fera face au
ralentissement de son économie.
Mais si nous avons évoqué une plus grande agressivité de la part des
puissances impérialistes, nous devons pointer que les pays
semi-coloniaux et dépendants seront soumis à une forte pression de la
lutte de classes. Ces pays ont beaucoup moins de ressources pour
contenir la misère et les conséquences économiques et sociales des
mesures de confinement. A cela il faut ajouter que les impérialistes
vont faire pression sur les gouvernements pour augmenter exploitation
mais ils vont également très probablement délocaliser certaines
productions et rapatrier des capitaux, ce qui sera dévastateur pour les
économies sous-développées.
Un avant et un après le Covid-19
On est au début d’un changement (ou plutôt de plusieurs changements)
important dans le monde. Pour le moment on peut faire des pronostiques
sur la situation et son évolution en analysant les dynamiques
sous-jacentes. Peut-être que la pandémie pourra être maîtrisée dans
quelques mois et que la bourgeoisie réussira à éviter que la situation
lui échappe complètement des mains, réduisant en même temps les risques
les plus importants de grands affrontements. Cependant, ce qui est sûr
c’est que le monde d’avant-Covid est fini. On ne peut pas encore
s’aventurer et dire dans quelle mesure le monde va changer, mais il va
changer ; les rapports de forces internationaux vont se modifier ; les
rapports entre les classes aussi. La question sera également de savoir
quel sera le degré de violence de tous ces changements, car rien ne se
fera de façon pacifique.
C’est pour cela que la classe ouvrière, aux côtés de l’ensemble des
classes exploités et des opprimés, doit s’organiser en défendant une
politique de classe, non seulement au niveau national mais surtout au
niveau international, une organisation, une politique et un programme
profondément anti-impérialiste pour renverser tout ce système qui nous
mène aujourd’hui plus que jamais à la barbarie. Cela est d’autant plus
important pour le mouvement ouvrier dans les pays impérialistes dont les
capitalistes seront particulièrement violents et nocifs. La situation
de crise globale actuelle montre comme jamais le besoin de construire
une organisation internationale, communiste et révolutionnaire, des
travailleurs et des opprimés.
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