L’offensive
raciste, proto-fasciste, de la droite a réveillé la résistance des
populations indigènes, paysannes et ouvrières. Evo Morales et son parti
tentent de concilier et freinent la lutte contre le coup d’État.
Les mobilisations de paysans, d’ouvriers et des populations
indigènes se poursuivent en Bolivie contre le coup d’État de la droite,
de la police et de l’armée bolivienne. Depuis mardi les manifestations
sont massives dans la capitale, La Paz, mais aussi dans plusieurs
régions du pays. La répression est énorme aussi. On parle déjà de dix
morts officiels, dont huit par balle. Les images des attaques de la
police envahissent les réseaux sociaux mais celles de la résistance
aussi. Une situation dont le dénouement reste incertain, pouvant
basculer vers une plus forte répression mais aussi vers une
radicalisation des actions des masses.
Au-delà du fait que beaucoup de travailleurs et de paysans voient Evo
Morales comme leur légitime président, ils ont une raison
supplémentaire et sans doute plus profonde pour s’opposer à cette droite
putschiste : la fierté indigène blessée. En effet, l’un des premiers
actes des forces réactionnaires a été de brûler le drapeau Wiphala ; le
drapeau qui représente les populations indigènes, devenu un symbole
national, aussi important que le drapeau national, durant les années de
gouvernement d’Evo Morales. Dans un pays où la majorité de la population
est indigène ou d’origine indigène, ces actes racistes n’ont fait
qu’éveiller une profonde indignation ; cela a été interprété comme « un
appel à la guerre ». Ce n’est pas un hasard si dans plusieurs
manifestations l’un des slogans les plus scandés ce soit « maintenant
oui, guerre civile ! ».
El Alto, dans le département de La Paz, a été le principal foyer de
résistance mais d’autres régions se sont jointes à la résistance comme
Potosí, important centre minier, ou encore Cochabamba, deuxième ville du
pays où l’armée a bloqué les manifestants pour les empêcher de pénétrer
dans la ville pour y manifester. Ce jeudi, ce sont les paysans de
Viacha qui ont rempli les rues de La Paz avec une manifestation
impressionnante.
Nouveau gouvernement putschiste et revanchard
C’est en effet au milieu de ce scénario politiquement et socialement
explosif que la présidente autoproclamée, Jeanine Áñez, a nommé un
nouveau gouvernement. Ce gouvernement putschiste, dont la fonction
serait d’organiser « le plus rapidement possible » de nouvelles
élections, inclut plusieurs figures de la droite réactionnaire et
raciste. C’est le cas notamment du ministre de l’intérieur, Arturo
Murillo, homme d’affaires du secteur hôtelier et ex-sénateur. Aussitôt
nommé ministre, celui-ci a déclaré menaçant : « je dis à tous ceux qui sont en sédition qu’ils vont aller en prison ».
Ces déclarations s’inscrivent dans la droite ligne du gouvernement
putschiste. En effet, bien que la présidente autoproclamée Áñez ait
déclaré respecter les populations indigènes et ait posé avec la Wiphala
pour tenter calmer la situation et légitimer une « issue
institutionnelle » au coup d’État, elle représente une aile
ultra-réactionnaire du régime. Elle-même avait déclaré en 2013 qu’elle
« rêvait d’une Bolivie débarrassée des rites sataniques indigènes ».
Ainsi, son gouvernement est marqué par un clair revanchisme et une
offensive réactionnaire. Pour blinder l’alliance entre la droite
blanche, catholique fondamentaliste et raciste et les forces
répressives, l’une des premières décisions de la présidente a été de
renouveler le haut commandement de l’armée (et cela malgré le fait que
l’ancien commandement de l’armée avait « invité » Morales à
démissionner) et d’octroyer quelques avantages à la police, pilier
central du coup d’État.
Aussi, concernant les nouvelles élections, Áñez a déclaré qu’elle
souhaitait que le Mouvement au Socialisme (MAS) d’Evo Morales se
présente mais que ni ce dernier ni son vice-président, Alvaro García
Linera, ne pourront se présenter. Sur un ton arrogant et revanchard elle
a dit : « je veux dire aux membres du MAS qu’ils ont le droit de se
présenter [aux élections] et [aussi] qu’ils se mettent à chercher un
nouveau candidat ».
Le nouveau gouvernement putschiste cherche à proscrire ainsi Evo
Morales et les membres de son parti plus ou moins influents, allant
peut-être même jusqu’à les emprisonner sous des prétextes fallacieux.
Une version un peu plus grotesque de la manœuvre mise en place au Brésil
qui a abouti au coup d’État institutionnel contre Dilma Rousseff et à
l’emprisonnement de Lula Da Silva qui a permis que Bolsonaro arrive au
pouvoir. Ce n’est pas un hasard que le président ultra-réactionnaire
brésilien soutienne le coup d’État en Bolivie.
Evo en appelle à la « négociation »
Dans ce contexte on pourrait croire que le président destitué
pourrait appeler à une quelconque forme de résistance. Mais rien de tout
cela. Evo Morales et son parti, le MAS, se sont au contraire montrés
ouverts au dialogue et à la négociation avec les putschistes. Les
députés du MAS ont appelé à « pacifier » la situation. Le sénateur Omar
Aguilar a même déclaré : « notre objectif est de pacifier le pays, ce n’est pas de bloquer la gestion de transition de Jeanine Áñez ».
Evo Morales, depuis son exile mexicain, s’est déclaré prêt à rentrer
en Bolivie pour « pacifier la situation ». Et dans un autre tweet, a
fait appel à l’ONU, aux « pays amis » d’Europe, à l’Église catholique et
au Pape, afin qu’ils interviennent dans la situation pour mettre fin à
la violence. Insolite vraiment. Alors que la droite revancharde ne jure
que de mettre en prison les membres du MAS, d’empêcher Morales de se
présenter à d’éventuelles élections, alors qu’elle humilie les
populations indigènes et réprime les manifestants, Evo Morales espère
dialoguer avec elle.
C’est exactement la même politique de recherche d’alliances avec des
secteurs de la droite qui a permis le renforcement des forces
réactionnaires, certaines proto-fascistes, au sein de la société
bolivienne tout au long des années de gouvernement du MAS.
Mobilisation ouvrière et paysanne et auto-organisation pour écraser la réaction
C’est pourtant tout le contraire qu’il faudrait faire en ce moment,
comme des milliers d’ouvriers, de paysans, d’indigènes et de femmes
mobilisés contre le coup d’État dans tout le pays sont en train de le
démontrer. Face à la réaction raciste, à la répression de la police, de
l’armée et des groupes proto-fascistes, les travailleurs et les paysans
doivent s’organiser ; mettre en place des cadres d’auto-organisation
dans les lieux de travail, dans les quartiers populaires, dans les lieux
d’étude. Ce n’est qu’un tel rapport de forces qui pourrait garantir la
résistance et la victoire face à la réaction.
Aux côtés de nos camarades de la Ligue Ouvrière Révolutionnaire (LOR-CI)
de Bolivie nous dénonçons le coup d’État de la droite contre Evo
Morales ainsi que la persécution contre les élus et militants du MAS et
d’autres organisations sociales et ouvrières. Cependant, cela ne nous
engage nullement dans un quelconque soutien politique au MAS et à sa
politique qui a permis le renforcement de la droite et qu’aujourd’hui
est en train de semer la confusion parmi tous ceux et toutes celles qui
se battent contre la réaction et de trahir la mobilisation populaire.
En ce sens l’auto-organisation des travailleurs, des paysans, des
indigènes, des étudiants, des femmes doit servir à décider de la
direction de leur mouvement mais aussi à lutter dans la perspective
d’une Assemblée Constituante Libre qui permette aux travailleurs, aux
paysans et aux classes populaires de décider de toutes les questions de
la vie politiques, économiques et sociales du pays.
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