Alors
que toute l’attention est focalisée sur la libération des otages et la
mort de deux militaires d’élite français, avec une énorme
instrumentalisation de l'évènement, la question que personne ne pose
c’est : que fait l’armée française en Afrique ?
Dans la nuit du jeudi 9 au vendredi 10 mai, quatre otages ont
été libérés de leurs ravisseurs au Burkina Faso. Au cours de cette
opération, deux militaires d’élite du commando « Hubert » ont été
abattus. Auparavant, le guide de deux des otages français avait été
retrouvé mort près du lieu où ils s’étaient fait enlever au Bénin.
Le président français Emmanuel Macron a lui-même donné le feu vert à
cette opération qui comportait beaucoup de risques. En effet, enlevés au
Bénin, selon des sources militaires, les otages étaient en cours de
« transfert » vers le Mali où ils allaient être rendus à un groupe armé
islamiste. Ainsi, cette affaire serait liée à la guerre au Mali où la
France intervient depuis 2013.
Cependant, il reste encore beaucoup de zones d’ombres dans cette
affaire. En effet, alors que les militaires français se préparaient à
libérer deux otages, ils se sont trouvés avec la « surprise » que
finalement les otages n’étaient pas deux mais quatre (en plus des deux
français il y avait une ressortissante sud-coréenne et une autre
états-unienne). Selon les autorités françaises et celles des pays
concernés, personne n’était au courant de la présence de ces deux autres
otages avant l’opération.
Ce qui est certain c’est que l’opération de libération des otages a
impliqué l’utilisation de grands moyens : au moins 20 militaires d’élite
français et des drones et hélicoptères nord-américains. Et les coûts
ont été très élevés pour la France : la perte de deux militaires
d’élite, pour une opération qui d’un point de vue militaire était
« secondaire ».
Des frictions entre l’exécutif et l’armée
C’est en ce sens que le mécontentement parmi les militaires envers le président s’est fait entendre dans la presse. Ainsi, dans Le Monde
un militaire commente la participation du chef de l’état-major des
armées, François Lecointre, à la réception des otages libérés à
Villacoublay : « Il n’était pas obligé d’y aller. Pour les militaires, cela aurait montré qu’il n’était pas content d’avoir perdu deux mecs ».
Certains, vont même jusqu’à remettre en cause le peu de clarté des
objectifs de la « guerre contre le terrorisme » en affirmant que cela
« ne veut rien dire ».
Pendant le week-end c’est le ministre des affaires étrangères,
Jean-Yves Le Drian, qui, essayant de répondre à ce malaise militaire,
faisait des déclarations qui visaient, en fin de comptes, à rendre
responsables les otages de la perte des deux militaires : « La plus
grande précaution doit être prise dans ces régions pour éviter que de
tels enlèvements n’aient lieu et pour éviter des sacrifices de nos
soldats ».
Tout cela montre que, depuis la crise avec le général De Villiers
au début du mandat d’Emmanuel Macron, il existe toujours des tensions
entre les corps de l’armée et l’exécutif. Et pour l’exprimer, des
militaires (sous couvert d’anonymat) n’hésitent pas à dénoncer les
opérations de libération d’otages… Très loin des « jamais nous n’abandonnons nos concitoyens » lancés par la ministre de la Défense, Florence Parly.
L’armée française en Afrique : la solution ou le problème ?
Comme déclarait l’un des otages français, alors que cette région de
l’Afrique est une merveille, les guerres et les conflits l’ont
transformée en une zone très dangereuse et en un scénario d’horreurs
indénombrables. En effet, sur la base d’inégalités insupportables, de
misère et d’oppressions multiples, plusieurs conflits ont éclaté dans la
région ; des groupes armés ont surgi dans beaucoup de pays, prenant
parfois les formes les plus réactionnaires.
Dans ces conflits le rôle des puissances occidentales, notamment la
France, est néfaste. Rien que sous la présidence de François Hollande,
l’impérialisme français a lancé plusieurs opérations militaires
d’envergure dans le continent. Parmi elles celle du Mali en 2013. Dans
ce pays les groupes islamistes armés sont plus forts qu’au début de
conflit (qui n’était nullement lié à une question religieuse). Pire,
beaucoup de ces groupes ont su « coopérer » avec la France avant de se
retourner ou que la France décide de les mettre sur la liste de groupes à
combattre.
D’ailleurs, il existe une très grande opacité concernant
l’intervention de la France au Mali et un contrôle très serré de
l’information de la part de l’État français. C’est ce que des chercheurs
de la revue Afrique Contemporaine
ont pu expérimenter récemment quand leur dossier spécial sur la guerre
au Mali a été censuré. Comme l’explique Bruno Charbonneau, qui a dirigé
le dossier : « Le cas malien est devenu un tabou en France et garantit beaucoup de pressions de la part du pouvoir politique et militaire ».
En effet, malgré les déclarations officielles, l’armée française
n’agit en Afrique nullement pour « combattre le terrorisme », pour
« promouvoir la démocratie » ou pour le « développement économique ».
L’impérialisme français intervient dans ses ex-colonies pour préserver
et garantir les intérêts économiques et géopolitiques des capitalistes
français. Et son intervention ne fait qu’empirer le quotidien des
populations locales. De plus, l’armée française se rend coupable
d’atrocités partout où elle est déployée. Il ne faut pas oublier que ce
sont des membres de l’armée française qui ont abattu un enfant de 10 ans au Mali et qui l’ont enterré pour cacher leur crime, et c’est bien des membres de l’armée française qui ont abusé des enfants en Centrafrique.
Et de fait, face à l’absence d’alternatives progressistes, cela prépare
le terrain pour que le mécontentement soit capitalisé par des courants
réactionnaires islamistes ou d’autre type.
En ce sens, la présence de plus en plus importante de l’armée
française en Afrique ne va aucunement empêcher que d’autres prises
d’otages, d’autres attentats, conflits ou tueries aient lieu. Bien au
contraire. En ce sens, ici en France il est fondamental que le mouvement
ouvrier et les différents mouvements sociaux progressistes exigent le
retrait immédiat de l’armée française de l’Afrique et des différents
terrains d’opération dans le monde. Ce serait la principale contribution
que nous pourrions faire pour mettre fin à la barbarie qui s’abat en
Afrique.
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