Face
 à la première résistance massive contre les coupes budgétaires dans 
l’éducation et la réforme des retraites, Bolsonaro a décidé de doubler 
la mise en traitant les manifestants « d’idiots utiles ». Est-on au 
début d’un mouvement d’ampleur ?
Mercredi dernier le Brésil s’est réveillé avec des milliers de 
personnes dans les rues, aux abords des universités et des écoles. 
C’était le premier test important, massif, de la lutte de classes pour 
le gouvernement de l’ultraréactionnaire Jair Bolsonaro depuis qu’il a 
pris ses fonctions le 1er janvier dernier. Et selon la presse dominante,
 la massivité de l’évènement en a pris plus d’un par surprise, à 
commencer par le président et le gouvernement qui avaient sous-estimé 
l’ampleur du rejet de leur politique.
En effet, l’annonce soudaine d’une coupure de 30% du budget de 
l’éducation a créé une contestation très large parmi les étudiants, les 
enseignants, les travailleurs du secteur, les parents d’élèves et bien 
au-delà.
Les images des grandes artères des principales villes du pays sont 
impressionnantes. Dans São Paulo on estime le nombre de manifestants à 
250 000 ; et selon les organisateurs il y a eu autour de 1,5 millions 
personnes dans les cortèges. Même les médias dominants, y compris les 
plus à droite, ont dû reconnaitre la massivité de la protestation.
Ce qui a dans une large mesure aidé à massifier la contestation dans 
les rues c’est le gouvernement lui-même, notamment Bolsonaro et le 
ministre de l’éducation Abraham Weintraub. En effet, le gouvernement, 
utilisant les mêmes méthodes provocatrices de la campagne 
présidentielle, a décidé de politiser à outrance cette coupure 
budgétaire catastrophique. Le ministre, face aux protestations des 
autorités universitaires et des enseignants et étudiants essayait de 
minimiser la contestation en déclarant que l’opposition dans les 
universités ce n’était que du « chahut ».
Mais la provocation la plus importante est venue de Bolsonaro le jour
 même de la manifestation. Alors que celui-ci était en déplacement aux 
Etats-Unis et que la manifestation commençait à peine, il a lancé : « la
 plupart [des manifestants] ce sont des militants. Ils n’ont rien dans 
la tête. (...) Ce sont des idiots utiles, des imbéciles qui sont 
utilisés comme masse de manœuvre d’une minorité rusée ».
Ainsi, Bolsonaro et son gouvernement, peut-être malgré eux, sont en 
train de polariser la situation sociale et politique autour de la 
question des coupes budgétaires dans l’éducation, ce qui commence à 
inquiéter certains cercles du pouvoir. En ce sens, l’un des principaux 
journaux de droite du pays, Estado de São Paulo, écrit inquiet : « la
 question ce n’est pas seulement de l’argent pour l’éducation, mais de 
choisir son côté politique dans le scénario actuel. Et, pour cette 
raison, les manifestations ont unifié les recteurs et les étudiants, 
d’habitude des rivaux dans les luttes dans l’enseignement supérieur. Les
 manifestations ont réuni des parents et des enseignants d’écoles 
privées. Tous scandant ‘nous ne sommes pas des idiots’ ».
Cela est d’autant plus inquiétant pour les classes dominantes 
brésiliennes que le gouvernement traverse une forte dispute interne 
entre les différentes ailes qui le composent (l’aile dite 
« idéologique » autour des fils de Bolsonaro et le président lui-même, 
et l’aile dite « militaire ») mais aussi que le gouvernement tente de 
faire adopter au parlement la réforme des retraites, une mesure centrale
 pour le projet du gouvernement et du patronat. Il y a une grande peur 
que la mobilisation sur les questions d’éducation ralentisse ou bloque 
la réforme des retraites.
Le gouvernement lui-même fait tout pour créer des liens entre les 
deux questions. En effet, il a déclaré que si la réforme des retraites 
était adoptée par les députés, il n’y aurait pas besoin de couper le 
budget de l’éducation. Ce chantage réactionnaire et dangereux, pourrait 
effectivement se retourner contre le gouvernement et alimenter 
l’opposition à l’ensemble de la politique du gouvernement.
Le spectre qui plane sur la tête du patronat et la presse nationale 
c’est le souvenir des massives manifestations de 2013. Ils craignent que
 la méthode du gouvernement déclenche un mouvement massif du même type. 
Ainsi, le journal O Globo, l’un des principaux défenseurs du coup
 d’Etat institutionnel contre Dilma Rousseff et l’emprisonnement 
arbitraire de Lula Da Silva qui a facilité la victoire de Bolsonaro, écrit : « les
 manifestations de juin 2013 ont commencé avec un petit groupe de gauche
 manifestant contre une hausse du prix des transports publics. 
L’agressivité de la Police Militaire de São Paulo a fait que le 
mouvement a pris de l’ampleur, et a donné ce qu’il a donné. Bolsonaro et
 son ministre n’ont pas besoin de la Police Militaire. Spécialement dans
 l’éducation, ce sont eux-mêmes qui jettent de l’huile sur le feu ».
C’est donc bien l’unité de la lutte contre les coupures budgétaires 
dans l’éducation et contre la réforme néolibérale des retraites, qui va 
enlever de fait le droit à la retraite à des millions de travailleurs, 
qui fait peur au gouvernement et au patronat. Et c’est pour cette raison
 que la politique des bureaucraties syndicales et des directions 
politiques réformistes de partis comme le PT de Lula ou le PCdoB (Parti 
Communiste du Brésil), est criminelle. En effet, ces partis et 
bureaucraties syndicales tout en se positionnant contre les réformes de 
Bolsonaro font tout le possible pour séparer les deux luttes. Et cela 
aussi bien dans le mouvement ouvrier que dans le mouvement étudiant où 
ils dirigent les principaux syndicats. Mais le comble ce sont les 
gouverneurs d’importants Etats du Nord-est brésilien, membres du PT, qui
 soutiennent l’essentiel de la réforme des retraites bolsonariste.
Comme l’affirment nos camarades du Mouvement Révolutionnaire des Travailleurs et d’Esquerda Diario, qui fait partie du même réseau international que Révolution Permanente : « la
 force de la lutte d’aujourd’hui montre qu’il est possible au travers de
 la coordination de la mobilisation dans tout le pays, avec l’élection 
de délégués dans chaque université et école, d’organiser les prochains 
pas de la lutte des étudiants et ainsi contribuer à ce que les 
travailleurs puissent aussi imposer des assemblées et des mobilisations 
aux bureaucraties installées dans la plupart des syndicats du pays ».
En effet, Bolsonaro est arrivé au pouvoir avec un discours 
d’extrême-droite violent et décomplexé, avec un programme ultra 
néolibéral et pro-impérialiste. Cependant, à la différence de ceux qui 
pensaient que tout était déjà plié, nous affirmions qu’il devait faire 
encore ses preuves dans la lutte de classes. Certes le mouvement ouvrier
 et populaire au Brésil avait pris un grand coup ces dernières années et
 les courants de droite dure avaient avancé. Mais il était trop 
prématuré, lors de l’élection de Bolsonaro, d’affirmer que le tour était
 déjà joué. Même si nous ne pouvons pas encore prédire qu’un mouvement 
massif contre Bolsonaro et sa politique est déjà en cours, il est 
évident que c’est le développement de cette contestation énorme qui 
constitue la clé pour assener une défaite décisive à ce gouvernement 
réactionnaire. Celui-là est notre pari fondamental.
 

 
 
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