20.5.19

Désespérée, LREM dénonce l’influence de Poutine à travers le RN


Devancé dans les sondages par le RN, le macronisme semble avoir la façon de regagner du terrain : dénoncer l’influence étrangère à travers l’extrême-droite en profitant du scandale de corruption qui touche un ministre d'extrême-droite en Autriche. Plus c’est gros plus ça passe ?
Philippe Alcoy

Tous les sondages indiquent, à moins d’une semaine du jour J, que le parti du président Emmanuel Macron arrivera en seconde position derrière le Rassemblement National (ex FN) de Marine Le Pen. Le gouvernement tente alors de regagner du terrain pour arriver devant la formation d’extrême-droite et éviter l’approfondissement de sa crise. Et pour cela tous les moyens semblent permis.

Ce weekend en effet une occasion en or s’est présentée : une vidéo datant de 2017 a été rendue publique où l’on voit le principal dirigeant de l’extrême-droite autrichienne (et vice-chancelier jusque là) en train de négocier un soutien financier avec une soi-disant proche d’un oligarque russe en échange de marchés publics.

L’extrême-droite autrichienne étant une alliée de poids du RN de Marine Le Pen, le gouvernement a profité pour passer à l’offensive. Et pour cela il a décidé de sortir une arme qu’il avait déjà utilisée sans aucun succès contre le mouvement des Gilets Jaunes : l’argent russe, la main cachée de Vladimir Poutine derrière la montée des partis « populistes de droite » en Europe et notamment en France. Une sorte de « complotisme à la sauce néolibérale ». Des accusation de représenter le « parti de l’étranger » qui évoquent largement la propre rhétorique du RN, comme le note l’éditorialiste de l’Opinion Jean-Dominique Merchet, spécialiste de questions internationales et de défense.

Ainsi, Pascal Canfin, numéro 2 de la liste LREM, déclarait dimanche dernier : « La nouvelle internationale de l’extrême droite (…) est en train de se concrétiser pour détruire l’Union européenne. Le Rassemblement national, c’est l’idiot utile de ce projet politique, le cheval de Troie de Trump et de Poutine ». D’autres déclarations de ce type ont eu lieu tout au long du weekend de la part de la tête de liste LREM, Nathalie Loiseau, mais aussi du premier ministre Edouard Philippe.

L’éditorialiste Cécile Cornudet du journal pro-patronal (et en général très favorable à Macron) Les Echos décrit cette manœuvre ainsi : « Devancé dans les sondages, Emmanuel Macron tente donc une ultime prise du judo. Son implication dans la campagne a jusqu’ici plutôt profité au Rassemblement national ? Il tente de susciter l’inverse : les appuis de Marine Le Pen à l’international doivent désormais favoriser sa campagne à lui. Si elle ne prône plus la sortie de l’euro, elle fait pire : elle brade l’Europe à des puissances étrangères. L’anti-France, c’est donc elle ; la mondialiste aussi ».

En effet, « l’affaire autrichienne » révèle au grand jour la vraie nature corrompue et réactionnaire des dits « populistes de droite » une fois qu’ils arrivent au pouvoir, elle révèle aussi que, derrière les beaux sourires et le semblant politiquement correct, les libéraux savent bien utiliser le nationalisme réactionnaire à leur sauce. Car si l’on suit la logique gouvernementale, si une partie de l’électorat tombe dans les « chants de sirène » des courants d’extrême-droite ce serait le résultat d’une sorte de « complot » mené depuis l’étranger et non le dégoût envers les politiques appliquées par les différents partis de « l’establishment » depuis des décennies.

Les liens du parti de Marine Le Pen avec les banques russes et le régime de Poutine sont connus effectivement. On pourrait même dire que ce sont les régimes bonapartistes comme celui de Poutine ou d’Erdogan en Turquie qui servent, en grande partie, de « modèle » pour le projet politique du RN/FN. Les liens de ce parti avec l’idéologue réactionnaire nord-américain Steeve Banon sont également connus. Cependant, brandir la « menace russe », la « menace étrangère », à quelques jours de l’élection montre que le gouvernement est prêt à faire feu de tout bois pour éviter la débâcle, quitte à tomber dans le ridicule, voire dans le pathétique.

Dans un contexte de crise du gouvernement et de crise sociale aiguë ouverte par le mouvement des Gilets Jaunes, le gouvernement s’est fixé comme objectif d’arriver en tête des élections européennes. En ce faisant, il ouvre la possibilité d’une crise encore plus profonde en cas d’échec. Comme l’explique Bernard Sananès de l’institut Elabe au journal libéral L’Opinion : « On dit que la mobilisation sociale a perdu en intensité (…) mais une défaite d’Emmanuel Macron (…) pourrait permettre à celle-ci de rejoindre une forme d’opposition plus politique et de redémarrer. C’est sans doute à mon avis un des plus grands risques de l’échec pour le président de la République ».

Cette manœuvre grossière du gouvernement participe à alimenter le « match » réactionnaire qui consiste à présenter l’élection européenne comme une sorte de répétition du second tour de la présidentielle de 2017. Evidemment, cette situation arrange aussi bien Macron que le parti de Le Pen. Il permet de polariser le débat politique autour de ces deux option réactionnaires en faisant oublier que ces élections s’annoncent comme celles qui vont battre le record d’abstentionnisme avec probablement moins de 40% de participation.

C’est dans ce contexte électoral très défavorable pour les travailleurs, la jeunesse et les classes populaires que Révolution Permanente s’est prononcé en faveur du vote pour la liste de Lutte Ouvrière, seule, face à l’absence du NPA, à défendre une voix de la classe ouvrière ce dimanche 26 mai.

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