Podemos
perd un tiers de ses députés et espère « sauver son âme » en concluant
une coalition gouvernementale avec les libéraux du PSOE. Très Loin du
discours « anti-caste » de jadis.
Il semble très loin le temps où la formation de Pablo Iglesias,
Podemos, séduisait les masses avec son discours « anti-caste », en
dénonçant ceux, à droite comme à gauche, qui avaient ruiné le pays et
soumis dans la misère des millions d’espagnols. Il semble loin le temps
où Podemos songeait à dépasser la social-démocratie du PSOE en
s’imposant comme la « vraie gauche ». Ce temps est révolu en effet.
A l’issu des élections générales en Espagne ce dimanche, la formation
« morada », comme on connait aussi Podemos, a connu un vrai camouflet
électoral. Même si elle a obtenu un peu plus de voix que ce que les
sondages prédisaient, la formation de Pablo Iglesias (qui se présentait
en coalition avec Izquierda Unida et les écologistes sous le nom
d’Unidas Podemos) a perdu un tiers de ses élus passant de 71 à 42
députés. En termes de voix, la coalition perd 1,3 millions d’électeurs
par rapport aux élections de 2016.
Face à cette débâcle électorale la direction de Podemos tente de
faire pression sur les sociaux-démocrates du PSOE pour former un
« gouvernement de gauche ». Ce serait une façon pour Pablo Iglesias de
« nuancer » le recul de son parti. Bien que l’on s’attendait à une
baisse de la performance électorale de Podemos, le parti ne s’attendait
pas à un recul aussi important. Comme on peut lire dans le journal
espagnol El País : « bien
qu’Iglesias avait déjà désisté de la prétention de dépasser les
socialistes et a mené une campagne humble et réaliste, assumant un rôle
secondaire dans une éventuelle majorité de gauche, ce à quoi il ne
s’attendait surement pas c’est que le vote utile catapulte le parti de
Pedro Sanchez jusqu’au point de tripler son nombre de sièges. Ce
qu’aggrave les effets de la chute c’est la possibilité que le PSOE
puisse former une majorité alternative avec Ciudadanos [centre-droit],
ce qui réduit la valeur d’échange des voix de Podemos ».
Le résultat favorable aux sociaux-libéraux du PSOE s’explique dans
une large mesure par la conjoncture où, bien que divisées, la
polarisation politique, et la crise de la droite traditionnelle, ont
fait surgir avec force les tendances plus réactionnaires au travers de
VOX, de Ciudadanos mais aussi du Parti Populaire qui a droitisé
davantage son discours. Ainsi, le « vote utile » contre la droite n’est
pas pour rien.
Cependant, c’est aussi dans la politique de Podemos qu’il faut
chercher des explications à sa chute. En effet, depuis dix mois le parti
soutien le gouvernement minoritaire dirigé par le PSOE de Pedro
Sanchez. A cela il faut aussi ajouter sa politique lors du processus
d’auto-détermination de la catalogne où il a refusé de soutenir ce droit
démocratique élémentaire, ce qui a sans doute affaiblit son influence
parmi son électorat plus radical et dans les régions autonomes,
notamment en Catalogne où la formation recule fortement.
Dans ce contexte, l’obtention de postes ministériels dans le prochain
gouvernement dévient vital pour Pablo Iglesias. C’est en ce sens qu’à
la suite des résultats il déclarait : « nous aurions aimé obtenir un
meilleur résultat, mais il est suffisant pour atteindre nos deux
objectifs : freiner la droite et l’extrême-droite, et former un
gouvernement de coalition de gauche ». Et Podemos redouble la mise
pour espérer peser sur la décision du PSOE en proposant des alliances
non seulement au niveau du gouvernement centrale mais aussi au niveau
des communes et des régions autonomes pour les élections du 26 mai
prochain. Il n’est pas un hasard non plus qu’Iglesias ait affirmé que
pour lui l’Espagne est « multinationale ». Il cherche à attirer le
soutien des formations régionalistes basques et catalanes à un éventuel
gouvernement commun avec le PSOE.
Ainsi, nous sommes devant l’adaptation ouverte de Podemos au régime
politique de la transition de 1978 en Espagne. Alors qu’il n’y a pas si
longtemps Podemos dénonçait « la caste » politicienne garante des
intérêts des oligarques, des capitalistes et de la monarchie,
aujourd’hui Pablo Iglesias est en train de demander, presque d’implorer,
à l’un des principaux partis du régime, le néolibéral PSOE, de former
un gouvernement ensemble. Le modèle de Podemos semble être le Portugal
où le gouvernement de la social-démocratie libérale est soutenu par le
Parti Communiste et par le Bloc de Gauche (formation néo-réformiste,
comme Podemos). Mais à la différence du Portugal, Iglesias prétend avoir
des ministres.
Cependant, le PSOE ne semble pas trop pressé d’avancer en ce sens et
laisse ouverte la possibilité d’une coalition avec le centre-droit comme
le souhaite le grand patronat option pour le moment très peu probable).
En réalité le PSOE chercherait à prolonger l’équation politique
actuelle : un soutien parlementaire de la part de Podemos mais sans
former un gouvernement commun.
Ainsi, la débâcle de Podemos n’est pas seulement électorale, elle est
politique aussi. Car même avec toutes les limites d’un politique
réformiste, Podemos dénonçait au moins dans les discours, les partis du
régime dont fait partie le PSOE. Aujourd’hui tout cela relève du passé.
Le parti est de plus en plus intégré au régime et en devient une
béquille de gauche qui aide à la régénération de la social-démocratie et
du régime politique espagnol.
Encore une fois cet exemple montre que les politiques qui prétendent
réformer le capitalisme mènent tôt ou tard à une impasse qui peut se
révéler tragique pour les travailleurs et les classes populaires.
Aujourd’hui comme hier ce qui se pose pour les travailleurs, la
jeunesse, le mouvement des femmes et l’ensemble des exploités et
opprimés en Espagne c’est la formation d’une organisation de classe,
profondément anticapitaliste et révolutionnaire.
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