Après
tant d’années d’humiliations, les enseignants montrent la voie à
l’ensemble de la classe ouvrière à travers leur grève illimitée. La
solidarité populaire se met en place.
C’est déjà une lutte historique pour la Pologne mais même
au-delà en Europe. 600 000 enseignants en grève illimitée depuis plus
d’une semaine pour leurs salaires mais avant tout pour leur dignité. Et
la grève ne semble pas près de s’arrêter. Le gouvernement déclare
n’avoir plus d’argent pour satisfaire les revendications des
enseignants. Parallèlement, les ministres mènent une campagne dans les
médias pour « diaboliser » les grévistes utilisant les élèves et les
examens qui doivent avoir lieu ces jours-ci dans les écoles primaires et
dans les collèges comme « boucliers argumentatifs ».
La question des salaires
En effet, alors que les salaires des enseignants polonais se trouvent
entre les plus faibles de toute l’Union Européenne (UE) - entre 500€ et
un peu plus de 800€ par mois en moyenne -, le gouvernement essaye de
les faire passer pour des « privilégiés » et des « profiteurs » (les
longues vacances d’été) et exige qu’ils soient « raisonnables » et
acceptent son offre. Comme l’explique une enseignante au Courrier d’Europe Centrale : « La
vérité, c’est que pour pouvoir partir en vacances, je dois prendre un
job d’assistante en colonie de vacances pour pouvoir y emmener ma fille
gratuitement. Je travaille donc bénévolement pour que ma fille parte en
vacances. Mais ce ne sont pas des vacances pour moi ! (…) N’est-ce pas
Lénine qui a dit qu’un pays où un policier gagne plus qu’un instituteur
est un régime policier ? ».
Les syndicats d’enseignants au début de la grève exigeaient une
hausse de 1000 zlotys (233 euros) par mois mais ils ont décidé de
rabaisser leurs exigences à une augmentation de 30% par mois. Cependant,
le gouvernement insiste et persiste : il propose une hausse de 15%,
échelonnée et en échange d’une augmentation du temps de travail des
enseignants. La grève se poursuit donc.
La grève et les examens de fin d’étude
La semaine dernière ont eu lieu les examens de fin d’études des
collégiens, un examen nécessaire pour accéder au lycée. Selon la
ministre de l’éducation, les examens se sont déroulés en toute normalité
malgré la grève et grâce à la participation de « volontaires »
(notamment des prêtres et des sœurs catholiques). Cependant, ces
affirmations sont démenties par la presse et les syndicats.
Cette semaine, ce sont les élèves de primaire qui doivent passer
leurs examens de fin d’étude et se posent les mêmes doutes. Les
syndicats ont d’ailleurs affirmé que les examens de fin d’année au
lycée, qui auront lieu en mai, pourraient eux-aussi être en danger si
d’ici là le gouvernement ne répondait pas aux revendications des
grévistes.
Soutien populaire
Malgré la campagne de « diabolisation » du gouvernement et le
calendrier sensible de la grève (examens), les enseignants ont encore un
assez large soutien au sein de la population. Parents et élèves ont
exprimé la semaine dernière leur soutien à la lutte des professeurs en
participant ou en organisant des rassemblements et manifestations en
faveur des revendications des grévistes dans plusieurs villes.
Mais l’une des plus importantes démonstrations de solidarité avec les
enseignants a eu lieu au cours de la semaine dernière quand a été mise
en place une cagnotte en ligne pour alimenter le fond de grève pour les
enseignants non syndiqués (les syndicats mettent en place des fonds de
grève pour leurs adhérents) : en quelques jours ce sont près de 530 000
euros qui ont été récoltés !
En effet, cette grève massive d’enseignants non seulement va au-delà
des revendications salariales, les professeurs mettant aussi en avant la
question de la dignité, mais elle va au-delà même des enseignants. Elle
symbolise la lutte contre toutes les humiliations que la classe
ouvrière et les classes populaires ont subies depuis les années 1990 et
la brutale réintroduction du capitalisme en Pologne ; contre l’avancée
des idées ultraconservatrices et rétrogrades (homophobie, machisme) ;
contre l’avancée d’un régime de plus en plus répressif.
Et effectivement, pour éviter de rester isolés les enseignants
grévistes devront se lier à d’autres secteurs des travailleurs et de la
population, à commencer par les élèves et les parents d’élèves.
En effet, si le gouvernement se montre aussi « intransigeant » ce
n’est pas seulement parce qu’il « n’a pas les fonds » mais parce qu’une
victoire des enseignants pourrait réveiller d’autres secteurs des
travailleurs. Une convergence entre ces différents secteurs serait non
seulement un grand problème pour le gouvernement actuel, mais pour
l’ensemble de la classe capitaliste polonaise et ses « sponsors »
impérialistes (à commencer par l’Allemagne).
Mais pour cela les enseignants grévistes doivent éviter que leur
lutte soit déviée ou récupérée par l’opposition libérale qui de façon
démagogique dit soutenir la lutte, alors même que quand ils étaient au
pouvoir ils ont contribué à dégrader les conditions de travail des
professeurs.
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