La
mobilisation historique des enseignants polonais met sous pression le
gouvernement ultraconservateur et montre la voie à l’ensemble des
travailleurs.
C’est la première fois depuis 1993 que les enseignants, du
primaire au secondaire, lancent un mouvement de grève au niveau national
en Pologne. Et c’est sans aucun doute la grève la plus massive et
importante depuis la restauration du capitalisme dans les années 1990.
En effet, depuis lundi, autour de 600 000 enseignants sont en grève dans
tout le pays et selon le Syndicat des Enseignants Polonais (ZNP pour
ses sigles en polonais) près de 80% des établissements scolaires sont
touchés. Leur revendication ? Une hausse des salaires de 30% et des
améliorations des conditions de travail.
Les salaires des enseignants polonais sont parmi les plus bas de tout
l’Union Européenne : entre 700 et 1200 euros par mois selon
l’ancienneté. Initialement, le ZNP avait exigé une hausse de 230€
cependant, après un mois de négociations avec le gouvernement, celui-ci a
baissé ses exigences demandant une hausse de 30%. Le gouvernement a
ignoré les revendications des enseignants et a offert une augmentation
15% mais graduelle. Ainsi, une grève illimitée commençait lundi dernier.
Cette grève est en train de toucher gravement le syndicat historique
Solidarité dont la branche dans l’enseignement a été le seul syndicat à
signer la proposition du gouvernement (le syndicat est proche du parti
ultraconservateur au pouvoir, la Parti de la Loi et la Justice - PiS).
Cela a déclenché une avalanche de critiques non seulement de la part des
enseignants mais d’une grande partie de la société et notamment des
adhérents du syndicat qui, malgré les consignes de la direction de ne
pas participer à la grève, ont rejoint le mouvement de contestation.
La grève, pour le moment, compte un grand soutien de la population et
des parents d’élèves. Et cela malgré le fait que des examens de fin
d’année doivent avoir lieu dès mercredi dans tous les collèges du pays
et que lundi ce sera le tour des écoles primaires. Le gouvernement
accuse évidemment les grévistes de « prendre en otage les enfants » et
essaye de mener un chantage contre les enseignants grévistes.
Une réunion avait lieu entre les syndicats et la ministre de
l’éducation pour tenter d’arriver à un accord, mais elle s’est soldée
par un échec complet. Le gouvernement a annoncé que malgré la grève les
examens auraient lieu et que des « volontaires » (briseurs de grève)
viendraient surveiller les épreuves.
La gronde des enseignants, et de la société, vis-à-vis du
gouvernement dans le secteur de l’éducation dure depuis longtemps. Et
elle ne se limite pas seulement aux salaires. En effet, l’agenda ultra
réactionnaire du PiS impose des contenus complètement révisionnistes
(négation des crimes antisémites de la part des nationalistes polonais)
et conservateurs (rôle de la famille, religion) aux enseignants.
Cette mobilisation massive tombe très mal pour le gouvernement à
seulement quelques semaines des élections européennes et avec des
élections générales à l’automne prochain. L’opposition libérale de
droite tente de son côté à faire feu de tout bois et soutient
hypocritement les enseignants.
Mais il y a encore une autre raison pour laquelle le gouvernement est
inquiet. En effet, pour consolider sa base sociale (les retraités et
les populations rurales et des petites villes) le PiS a lancé récemment
un programme de dépenses sociales visant ces secteurs. C’est en grande
partie ces concessions sociales qui ont poussé les enseignants à lutter
pour leurs salaires, se considérant lésés dans cette petite
« redistribution ». Le syndicat des enseignants n’hésite d’ailleurs pas à
demander des coupes budgétaires dans d’autres secteurs pour financer la
hausse de salaires des enseignants. Quoi qu’il en soit, dans ce
contexte, le gouvernement craint que la grève de l’éducation n’éveille
des velléités d’hausses de salaires dans d’autres secteurs de la classe
ouvrière.
Effectivement, ce n’est pas en opposant les revendications dans
l’éducation avec d’autres secteurs de la classe ouvrière et des classes
populaires que les enseignants pourront imposer une défaite à ce
gouvernement réactionnaire. Au contraire, c’est dans la solidarité et
l’union avec l’ensemble des secteurs populaires de la société, à
commencer par les parents d’élèves, que non seulement les enseignants
obtiendront satisfaction mais aussi que d’autres secteurs de la classe
ouvrière pourraient rentrer dans la lutte.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire