Theresa
May est dans l’impasse et les représentants de différentes options
réactionnaires sont à l’affut. Cela n'annonce rien de bon pour les
travailleurs et les classes populaires.
C’est une crise historique. Quand le Brexit a été voté en 2016,
et après le choc initial, personne ne pouvait s’imaginer qu’à quelques
semaines seulement de la datte buttoir pour concrétiser la sortie de la
Grande-Bretagne de l’Union Européenne (UE), les négociations sur un
accord de sortie se trouveraient dans une telle impasse et encore moins
que le Brexit lui-même serait toujours remis en cause si puissamment au
sein de la « classe politique » mais aussi de la population, comme la
manifestation anti-Brexit d’un million de personnes (selon les
organisateurs) l’a démontré samedi dernier.
Alors que Theresa May avait réussi à décrocher un accord avec l’UE
concernant le Brexit c’est au niveau national qu’elle rencontre une très
grande opposition pour ratifier cet accord. Une opposition très variée,
et avec des points de vue contradictoires, mais suffisamment puissante
pour rendre la perspective d’une rupture sans accord de plus en plus
concrète.
C’est ainsi que, malgré le délai supplémentaire concédé la semaine
dernière par l’UE à la Grande-Bretagne pour ratifier l’accord
(initialement il devait être validé avant le 29 mars, maintenant elle a
jusqu’au 12 avril), Theresa May n’a toujours pas suffisamment de soutien
au parlement pour y soumettre au vote, une troisième fois, l’accord de
sortie.
En effet, parmi les opposants à l’accord de May et l’UE on trouve ceux qui veulent un deal encore plus soft
qui, par exemple, permettrait à la Grande-Bretagne de rester au sein du
marché commun européen, voire un nouveau référendum ou une annulation
pure et simple du Brexit. C’est essentiellement cela que des centaines
de milliers de manifestants ont demandé dans les rues de Londres samedi
dernier. L’UE et sa propagande sur les désastres qu’une éventuelle
sortie sans accord produirait alimentent effectivement cette tendance.
Mais ce serait trop réducteur de penser qu’il n’y aurait que ce dernier
facteur qui jouerait en faveur de créer cette dynamique pro-UE.
L’impasse politique que la ratification de l’accord a créée y est pour
quelque chose également. Et cela sans compter que le « camp » pro-UE a
toujours compté sur une base sociale assez large dans la population,
notamment parmi les jeunes et les habitants des grandes villes.
D’autre part on retrouve des représentants d’une soi-disant « ligne
dure », pro-Brexit, qui voudraient une sortie « dure », sans accord.
Cette option impliquerait une imposition immédiate d’impôts douaniers
sur les biens importés depuis la Grande-Bretagne vers l’UE ainsi que des
contrôles sur les citoyens britanniques se rendant dans les pays de
l’UE, et vice-versa.
Au sein du parlement britannique, et même au sein du gouvernement de
May, il y a des représentants de ces deux oppositions réactionnaires.
Cela rend très difficile qu’un accord soit possible à trouver. Certains
parlaient même d’une possible démission de Theresa May à la faveur d’un
gouvernement transitoire et consensuel chargé de mener au bout le Brexit
(ou pas, et c’est là toute la question). Mais cette option semble peu
probable (pour le moment) car même les éventuels candidats à remplacer
May considèrent que ce n’est pas le moment de changer de gouvernement
(et surtout qu’ils ne veulent pas assumer une telle responsabilité dans
une situation aussi catastrophique).
Une des tactiques de May ces derniers jours a été de s’appuyer sur
les contradictions de ses opposants. Ainsi, dimanche elle s’est réunie
avec l’aile plus « dure » de son parti d’autres pro-Brexit pour tenter
d’arriver à un accord (surement en offrant sa démission en échange de
leur soutien à son accord au parlement). Cependant, elle n’est pas
arrivée à les convaincre. Elle a ensuite contacté les leaders des partis
opposés à l’accord de May mais se prononçant également contre une
sortie de l’UE sans accord, notamment Jeremy Corbyn du Labour Party et
Arlene Foster du DUP (Democratic Unionist Party). Elle n’a pas réussi à
obtenir leur soutien non plus mais elle espère que le compte à rebours
les poussera à soutenir son plan comme « moindre mal » face à une
perspective de « no deal ».
May s’est d’ailleurs dite prête à tout faire pour éviter une sortie
de l’UE sans accord, ce qui peut laisser entendre qu’elle pourrait
convoquer des élections anticipées, ce qui impliquerait de demander une
prolongation du délai de sortie de l’UE, ou même d’annuler le Brexit.
Évidemment, ces deux options portent des contradictions et des coûts
politiques et économiques très importants. Mais la situation est à tel
point délicate pour les intérêts des capitalistes anglais (et européens)
qu’ils pourraient être prêts à tout tenter pour réduire les pertes.
Mais parallèlement, il y a des secteurs du monde des affaires qui
commencent à élever leur voix pour dire que même un Brexit sans accord
est préférable à un prolongement de la crise.
Il est très peu probable que May réussisse à présenter l’accord à
nouveau devant le parlement cette semaine, mais pas impossible. Les
parlementaires, d’un bord comme de l’autre, essayeront de « prendre le
contrôle » du processus de Brexit au détriment de l’exécutif après avoir
voté la motion Letwin qui permettra modifier l’ordre du jour de la
session parlementaire de mercredi. Lors de celle-ci les députés
pourraient voter, de façon consultative, des orientations pour le Brexit
(prolongement du délai pour sortir de l’UE, annulation du Brexit,
organisation d’un nouvel référendum, etc.).
Quoiqu’il en soit, il est clair que les différentes options
(pro-Brexit « dur » ou pro-UE) cherchent à préserver les intérêts des
grosses fortunes britanniques et aucunement les intérêts des
travailleurs et des classes populaires. Le référendum sur le Brexit
lui-même était une manœuvre du parti conservateur qui, voulant endiguer
la progression électorale des populistes réactionnaires de l’UKIP, a
proposé de voter sur l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’UE (sans
jamais imaginer que le « Leave » (partir) allait l’importer). Des
politiciens nationalistes d’extrême-droite en ont fait leur fonds de
commerce électoral ; et regrettablement certaines organisations de
gauche ont présenté leur soutien au Brexit sur un l’hypothèse d’un
illusoire « Lexit » (rupture avec l’UE par la gauche), alors que la
campagne pour le Brexit était clairement une campagne réactionnaire et
xénophobe.
D’autre part, on avait les partisans du « Remain » (rester), pro-UE,
qui présentaient l’Union Européenne comme la panacée de la
« démocratie » et de « l’ouverture d’esprit » face aux réactionnaires.
Cette option, ultra libérale, présentait avec un sourire et des
paillettes un projet réactionnaire de coordination des grandes fortunes
européennes pour surexploiter les travailleurs à travers le continent,
pour soumettre aux intérêts impérialistes des nations entières, rendant
le continent européen encore plus une forteresse pour des millions de
personnes qui fuient la misère ou les guerres. Là aussi, on a trouvé des
forces de « gauche » pour soutenir le vote « pro-UE » soi-disant pour
lutter contre l’avancée des idées d’extrême-droite.
La critique et la lutte contre les institutions de l’Europe
impérialiste et capitaliste pour les travailleurs ne peut pas se faire
de la main des courants souverainistes et réactionnaires. Et la lutte
contre ces courants ne peut pas se mener de la main des libéraux. Les
travailleurs, la jeunesse et les classes populaires, notamment dans les
pays impérialistes tels que la Grande-Bretagne ou la France, ne pourront
détruire l’UE des riches qu’en luttant contre leur propres capitalistes
nationaux, dans une perspective profondément internationaliste. Ce
n’est ni l’Europe des pays impérialistes ni le retour réactionnaire aux
frontières nationales qui répondront aux intérêts sociaux, politiques et
économiques des travailleurs mais la remise en cause à la racine de
tout l’édifice social et économique capitaliste.
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