Le
président bolivien, soi-disant représentant du progressisme
latino-américain, a salué chaleureusement l’investiture de
l’ultraréactionnaire et raciste Jair Bolsonaro en tant que président du
Brésil.
Pendant des années, Evo Morales, arrivé à la présidence de la
Bolivie fin 2005, est apparu comme l’une des principales figures de la
vague de « gouvernements progressistes » qui a surgi en Amérique latine
au début des années 2000 à la suite d’une décennie ultra néolibérale
dans les années 1990.
Or, depuis quelques années, le sous-continent fait face à un retour
de la droite néolibérale au pouvoir, résultat de la faillite de ces
gouvernements qui, malgré quelques concessions partielles et fragiles
faites aux masses, ont été incapables de changer structurellement la
nature dépendante et soumise aux intérêts économiques des puissances
internationales de leurs économies nationales. Dépendance et soumission
économique à l’origine de la misère de millions de travailleurs et de
paysans dans la région.
Le Brésil est le pays où ce tournant s’est exprimé de la façon la
plus profonde : après un coup d’Etat institutionnel qui a renversé le
gouvernement de Dilma Rousseff, l’emprisonnement arbitraire du principal
candidat, l’ex président Lula da Silva, et le processus électoral le
plus manipulé de l’histoire récente du pays, c’est l’ultra-réactionnaire
Jair Bolsonaro qui a été élu président.
C’est pour cette raison que le message du président bolivien surprend
d’abord, exaspère ensuite et enfin, se révèle pour ce qu’il est :
pathétique. En effet, Evo Morales a publié sur son compte officiel
Twitter un message à l’adresse de Jair Bolsonaro qui était investi président du Brésil ce 1er janvier. On y lit : « Nous
accompagnons dans son investiture notre frère le président Jair
Bolsonaro, avec la conviction que les relations entre la Bolivie et le
Brésil ont des racines profondes de fraternité et de complémentarité
entre nos deux peuples. Nous sommes des partenaires stratégiques qui
regardent le même horizon de la Grande Patrie ».
Acompañamos en su posesión al Hno. Presidente, @jairbolsonaro, con la convicción de que las relaciones Bolivia-Brasil tienen raíces profundas de lazos de hermandad y complementariedad de nuestros pueblos. Somos socios estratégicos que miran el mismo horizonte de la #PatriaGrande.— Evo Morales Ayma (@evoespueblo) 1 janvier 2019
Cette salutation est un scandale. Non seulement parce que Bolsonaro
défend un programme réactionnaire et ultralibéral d’attaque contre les
droits des travailleurs et les classes populaires au Brésil mais aussi
car il participe à la légitimation du coup d’Etat institutionnel et des
manipulations honteuses des élections brésiliennes.
Mais ce n’est pas tout. En effet, Evo Morales s’est construit l’image
d’un président défendant les « droits des peuples indigènes » de son
pays et de tout le continent. Or, au moment où il envoyait sa salutation
à Bolsonaro, le nouveau président brésilien (qui n’a pas arrêté de
faire des déclarations racistes contre les populations indigènes)
signait un décret éliminant dans les faits toute limite à la
déforestation, à la persécution des populations indigènes et
descendantes d’esclaves et aux paysans sans-terre.
Les peuples brésiliens et boliviens, en tout cas les travailleurs,
les paysans pauvres, les classes populaires des villes et des favelas,
sont effectivement des peuples frères ; ce sont des peuples qui
partagent une histoire d’exploitation et d’oppression commune. Or,
Bolsonaro représente ces classes dominantes locales racistes,
esclavagistes, destructrices des traditions des populations indigènes et
ramenées d’Afrique pour être réduites en esclavage dans la région.
Bolsonaro représente ces classes dominantes brésiliennes qui ont
participé à des guerres fratricides et réactionnaires comme celle contre
le Paraguay (1864-1870), aux côtés des gouvernements argentins et
uruguayens soumis aux intérêts de l’impérialisme britannique. Bolsonaro
représente aussi ces classes dominantes et parasitaires brésiliennes qui
ont arraché une grande partie du territoire bolivien (la région d’Acre -
1899-1903).
La salutation chaleureuse d’Evo Morales à Bolsonaro, au nom de la
« fraternité » entre les deux pays, sonne plus comme la confirmation de
la banqueroute politique de ces projets prétendument « progressistes »
en Amérique latine qui ont permis à des réactionnaires comme Bolsonaro
de surgir et de se renforcer. Rien de plus éloigné de la vraie
fraternité entre les peuples exploités et opprimés de la région.
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