Le
« combat » du gouvernement contre l’extrême-droite n’est qu’un
prétexte. Il évalue en réalité la meilleure façon de s’attaquer à
l’ensemble du mouvement Gilets Jaunes.
Du grotesque, le gouvernement est passé au pathétique. Ses ministres
ont à plusieurs reprises essayé de faire l’amalgame entre le mouvement
des Gilets Jaunes et les organisations d’extrême-droite. Même la presse
la plus « adepte » de Macron s’en rend compte et demande que l’on arrête
avec ce numéro pathétique et désespéré.
Cependant, le pathétique devient de plus en plus dangereux. On a vu
la répression sur les Champs Élysées ce week-end, avec plus de 5 000
grenades lacrymogènes lancées contre les manifestants, des flashballs et
même des grenades léthales.
Mais cela ne s’arrête pas là, le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, a déclaré à CNews à propos des affrontements qui ont eu lieu sur les Champs Élysées samedi et l’infiltration des groupes d’extrême-droite : « Ces
groupes d’ultra-droite font l’objet (...) de toute l’attention des
services centraux et il n’est pas exclu qu’interviennent des décisions
de dissolution de tel ou tel groupe ».
Alors que certains pourraient se féliciter de ces déclarations et de
la volonté de la part des autorités de soi-disant combattre
l’extrême-droite, en réalité cette position représente un grand danger.
Elle s’inscrit en effet dans la continuité de la manœuvre
gouvernementale présentant le mouvement des Gilets Jaunes comme
fortement influencé/manipulé par « l’ultra-droite » pour mieux trouver
des voies pour légitimer l’autoritarisme et pouvoir ensuite s’attaquer à
l’ensemble des Gilets Jaunes, aux organisations d’extrême-gauche (dont
une grande partie soutient et participe au mouvement) ainsi qu’aux
organisations syndicales si nécessaire.
Ils veulent déformer l’expression d’une haine populaire contre les inégalités
Le mouvement des Gilets Jaunes est parti de la question de la hausse
du prix de l’essence mais est très rapidement devenu une expression du
mécontentement populaire contre les inégalités et « l’injustice
fiscale », mais aussi contre la précarité, le chômage et le faible
pouvoir d’achat des classes populaires. Depuis quelques jours une autre
« petite musique » s’installe aussi avec une grande force : « Macron démission ! ».
La composition sociale du mouvement montre aussi qu’il ne réunit pas
que des « classes moyennes », précarisées et dont le mécontentement est
plus que légitime, et ne se réduit pas à la « France rurale » non plus,
même si elle est présente en masse. On note en effet la présence de
travailleurs et travailleuses précaires, de salariés qualifiés avec des
petites paies, de chômeurs, de jeunes et de retraités.
C’est pour cela que le gouvernement et les autorités étatiques
tentent de déformer la réalité en insistant sur un prétendu complot
semi-putschiste d’extrême-droite. « L’objectif premier de ces
manifestants (...) c’est d’atteindre les institutions (…) Certains
nostalgiques auraient aimé revivre un 6 février 1934 », déclarait le préfet de police.
Selon cette logique, les seuls qui auraient envie d’aller crier
quelques vérités à Macron au palais de l’Élysée seraient les « nervis
extrémistes », les seuls qui participeraient aux affrontements avec la
police des « putschistes en puissance ». Rien de plus éloigné de la
réalité. Mais il s’agit d’une tentative désespérée de diviser le
mouvement, tout en le décrédibilisant dans son ensemble.
L’extrême-droite joue-t-elle un rôle au sein du mouvement ?
Y a-t-il des groupes d’extrême-droite agissant parmi les Gilets
Jaunes et essayant de récupérer politiquement et électoralement le
mouvement ? Oui. L’extrême-droite reste d’ailleurs l’un des grands
obstacles à l’intérieur du mouvement. Comme le gouvernement, elle essaye
également de canaliser la haine populaire contre les inégalités
inhérentes au système capitaliste vers d’autres « cibles » qui n’ont
rien à voir comme les réfugiés ; elle essaye de faire que la
mobilisation des travailleurs et des classes populaires serve d’appui à
des revendications patronales comme la baisse du soi-disant « coût du
travail » (cotisations patronales pour les retraites, la sécurité
sociale, etc.).
Une idée fausse circule chez beaucoup de « Gilets Jaunes ». Elle
consiste à penser qu’il importe peu que l’on soit de droite, de gauche,
d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, si nous sommes tous « contre
Macron et les taxes ». Au point que beaucoup scandent « la police avec
nous » au moment même où celle-ci charge contre les manifestants.
Cette sorte « d’illusion » va probablement très rapidement se
confronter à la réalité, notamment si le mouvement prend une tournure
ouvrière et de classe de plus en plus marquée et s’il arrive à toucher
des mouvements sociaux comme celui pour les droits des femmes ou celui
des quartiers populaires, où une importante population étrangère ou
d’origine étrangère vit dans la précarité et peut se lier aux Gilets
Jaunes, comme le montre l’appel très progressiste du Comité Adama à manifester avec les Gilets Jaunes samedi prochain.
Dans un tel contexte les organisations et groupuscules
d’extrême-droite essaieront d’agir pour diviser le mouvement, créer des
incidents au sein des cortèges de manifestants qui « donneraient
raison » aux accusations du gouvernement. En effet, le rôle essentiel de
l’extrême-droite est celui d’être un appendice des intérêts patronaux.
Mais dans ce cas, ce sera aux manifestants Gilets Jaunes qui se
battent contre ces idées réactionnaires, aux côtés des salariés et des
jeunes précaires des quartiers, d’isoler et d’exclure ces agents de nos
ennemis du mouvement.
Macron et l’État pour combattre l’extrême-droite ?
Peut-on faire confiance au gouvernement et à l’État pour combattre
l’influence de l’extrême-droite ? Aucunement. Leur soudaine conversion à
« l’antifascisme » n’est qu’une vieille manœuvre du pouvoir des riches.
Alors qu’ils alimentent la haine raciale, les préjugés les plus
nauséabonds, faisant le lit des idées réactionnaires de l’extrême-droite
toute l’année, ils tentent maintenant de manipuler les sentiments
« antifascistes », légitimes au sein de la société, pour discréditer un
mouvement qui les vise directement.
En faisant semblant de s’attaquer aux réactionnaires le gouvernement
veut alimenter sa fausse image de « rempart contre le fascisme ». Tomber
dans ce piège serait désastreux, car ce gouvernement des riches ne
cherche qu’à gagner du temps pour pouvoir mater toute contestation de sa
politique. S’attaquer aujourd’hui à « l’ultra-droite » n’est qu’une
étape avant de s’attaquer à l’extrême-gauche, aux syndicats et à tout
mouvement progressiste.
On ne peut pas oublier non plus que ces institutions étatiques qui
aujourd’hui feignent de « s’inquiéter » de la violence « extrémiste de
droite » sont les même qui garantissent l’impunité de beaucoup des
crimes de ces mêmes groupuscules. A quoi a servi la dissolution du
groupuscule d’extrême-droite Troisième Voie, dont l’assassin de Clément
Méric en 2013 était membre ou sympathisant, lui qui jouit aujourd’hui de
la liberté conditionnelle en attendant son procès en appel alors qu’il n’a passé que 55 jours en prison ? Cette justice, ces institutions vont lutter contre ces groupes réactionnaires ? Une très mauvaise blague.
Si les références aux années Trente semblent de mise ces temps-ci,
pour tous les manifestants du mouvement Gilets Jaunes il ne s’agit
nullement de s’inspirer de la tentative de coup fasciste de février 1934
mais plutôt de la réponse ouvrière, grandiose, de juin-juillet 1936. Le
mouvement de grève générale de 1936 a été une réponse formidable de la
classe ouvrière face à la montée des forces fascistes. Les ouvriers, les
classes populaires, ont arraché des concessions très importantes au
patronat comme les congés payés, entre autres, même si les dirigeants du
Front Populaire ont tout fait pour freiner la dynamique révolutionnaire
qui s’était mise en place.
Une réponse ouvrière et populaire, massive, de ce type serait la
meilleure façon non seulement d’imposer une défaite à Macron mais aussi
de se débarrasser de l’extrême-droite dans le mouvement en la démasquant
pour ce qu’elle est : un agent des riches, des banquiers, des gros
industriels, des capitalistes.
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