Les
tags et dégradations sur l’Arc-de-Triomphe lors de la manifestation des
Gilets Jaunes samedi ont soulevé la condamnation du gouvernement et de
la presse. Mais quel type de symbole est l’Arc-de-Triomphe ?
Il est de plus en plus évident que le gouvernement ne trouve
pas comment répondre au mouvement des Gilets Jaunes. Il cherche
désespérément un moyen de faire cesser les mobilisations, de diviser les
manifestants. On a essayé avec l’amalgame « Gilets Jaunes =
extrême-droite », et cela n’a pas marché. Maintenant, il s’agit
d’utiliser une autre méthode bien connue : les « bons manifestants »
contre les « casseurs ».
Au lendemain de la journée de mobilisations du 1er décembre et à
peine débarqué d’Argentine, où il participait au G20, Emmanuel Macron
s’est rendu sous l’Arc-de-Triomphe, soi-disant pour constater les dégâts
que les « casseurs » avaient causés sur le monument. La Place de
l’Etoile a en effet été l’un des points où l’on a assisté ce samedi à la
répression la plus forte contre les manifestants, mais aussi à de
nombreux affrontements.
Macron, exagérant le ton « dramatique » et passant sous silence les
nombreuses violences policières, a dénoncé les attaques contre des
policiers et a déclaré qu’ « aucune cause ne justifie que l’Arc de Triomphe soit souillé ».
L’objectif était de mettre en exergue les tags et les dégradations dans
l’Arc pour pointer le tournant « violent » du mouvement. Pour ajouter
au ton dramatique, un reportage de France 2 nous parle d’un « symbole de la République vandalisé ».
En effet, plusieurs messages ont été inscrits à la bombe sur la
façade du monument et des statues ont été endommagées. Si l’on peut
regretter que des statues avec une certaine valeur historique et
artistique soient endommagées, ces dégradations révèlent surtout
l’énorme colère sociale et l’exaspération liée à un sentiment de ne pas
se faire entendre par le gouvernement.
Le mouvement des Gilets Jaunes est une explosion sociale dont les
sources sont bien profondes ; certains n’hésitent même pas à parler
d’éléments de « jacquerie », « insurrectionnels ». Et dans ces cas les
expressions de mécontentement peuvent brutales. Cependant, le
gouvernement est clairement en train de manipuler les évènements pour
discréditer le mouvement.
De quoi l’’Arc-de-Triomphe est-il le symbole ?
Cependant, cette condamnation « unanime » des dégâts sur certaines
œuvres d’art ou statues, les déclarations larmoyantes sur une « attaque
contre des symboles de la République », nous conduisent à nous poser la
question sur le type de monument qu’est l’Arc-de-Triomphe et de ce qu’il
symbolise.
D’abord, il faut se rappeler que c’est Napoléon Bonaparte qui, en
1806, a commandé la construction de l’Arc pour célébrer les victoires de
l’armée impériale. Sa construction a été achevée sous Louis-Philippe en
1836. Ainsi, on y trouve des références à différentes batailles et à
toutes les guerres coloniales en Algérie ou en Indochine.
L’Arc-de-Triomphe n’a ainsi rien d’un monument républicain contre,
par exemple, le monarchisme ; il n’a rien d’un monument de cette
bourgeoisie révolutionnaire qui se battait contre le pouvoir des
aristocrates et l’obscurantisme du clergé. C’est en réalité un symbole
arrogant de l’impérialisme français, une célébration du bellicisme de
celui-ci.
Par ailleurs, on retrouve aussi sous l’Arc la tombe du Soldat
Inconnu, qui symbolise les morts français dans les guerres mondiales. On
a fait de ce monument un symbole du « patriotisme ». Evidemment,
désespéré comme il est, le gouvernement fait feu de tout bois. Et c’est
cette fois la mémoire des centaines de milliers d’hommes tombés dans les
guerres mondiales qui est instrumentalisée pour accuser les
« casseurs » de ne pas les respecter et ainsi tenter de diviser le
mouvement.
Cependant, rappelons que le Soldat Inconnu est surtout l’ouvrier ou
le paysan envoyé au front se battre dans une guerre qui n’était pas la
sienne ; des guerres de rapine que les différentes puissances
impérialistes se sont livrées au prix de la vie de millions
« d’inconnus » ; des guerres où les exploités et opprimés d’une nation
allaient tuer leurs frères de classe au nom de leurs ennemis communs.
En cherchant à diviser les Gilets jaunes au nom de l’amour de la
patrie et de ses symboles, ce sont en réalité Macron et les capitalistes
qui ne respectent ni la mémoire de ces hommes et femmes tombés dans
leurs carnages du passé, ni la vie et la dignité de millions de
salariés, de petits commerçants, d’agriculteurs, de jeunes précaires qui
relèvent aujourd’hui la tête.
L’Arc-de-Triomphe est un monument profondément rétrograde, guerrier,
symbole d’une république colonialiste et impérialiste. Rien à voir avec
les intérêts des travailleurs et des classes populaires. Ecrire sur ses
murs « les Gilets Jaunes vaincront » a en revanche un agréable petit
goût d’insolence, une des marques de fabrique du mouvement.
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