La
presse instrumentalise des actes homophobes et racistes minoritaires
lors du 17 novembre pour discréditer la révolte légitime. Cependant, il
ne faudrait pas les prendre à la légère et, au contraire, les condamner
fermement.
Des centaines de milliers de manifestants ont participé à la
journée de blocages du mouvement dit des « Gilets Jaunes » samedi
dernier. Une mobilisation socialement hétéroclite qui exprimait à sa
façon une forme de ras-le-bol face aux « injustices sociales » : le prix
de l’essence, les taxes mais aussi bien d’autres sujets comme le manque
de services publics dans certaines régions, les politiques faites
uniquement pour la « France des riches » de la part du gouvernement
Macron-Philippe. Une vraie sonnette d’alarme pour l’arrogant président
des riches.
Du fait de son caractère « spontané », sans direction ni leaders,
« apolitique », beaucoup parlent d’une forme de « jacquerie 2.0 ». Bien
qu’il n’y ait pas eu un raz-de-marée humain, il est indéniable que la
mobilisation a été très réussie étant donné ses conditions
d’organisation et de coordination, essentiellement sur les réseaux
sociaux.
Des milliers de manifestants participaient pour la première fois à
une mobilisation sociale. Ils arrivaient avec leurs préjugés de tout
type, et inévitablement, cela s’est vu sur plusieurs barrages. Des
vidéos et témoignages ont effectivement pointé des incidents et des
altercations à caractères raciste et homophobe.
A Charente par exemple une conductrice noire lors d’un échange tendu
avec des Gilets Jaunes s’est vue traitée de « salope », « pouffiasse »
et conviée à « retourner dans [son] pays » s’est entendue dire que « les
histoires de Noirs, on veut plus en entendre parler ». Dans l’Ain c’est
un couple gay qui a été pris à partie et s’est fait briser le
pare-brise arrière de leur voiture, entre autres insultes homophobes. En
Picardie une femme musulmane a été obligée d’enlever son voile par des
manifestants Gilet Jaunes.
Ces incidents, même s’ils semblent être minoritaires, témoignent
surtout des dégâts dans la conscience que des années de propagande
raciste, homophobe et réactionnaire décomplexée dans les médias mais
aussi à travers l’action des divers gouvernements ont causée parmi des
secteurs importants des classes populaires. C’est d’ailleurs sur ces
préjugés que les courants nationalistes, réactionnaires de tout type et
d’extrême-droite veulent s’appuyer pour en tirer profit et capitaliser
politiquement et électoralement.
L’extrême-droite, cette amie de nos ennemis
Il y a en effet une différence importante à faire entre les préjugés
réactionnaires intégrés consciemment ou inconsciemment par une partie
des classes populaires et l’action de vrais militants d’extrême-droite
qui alimentent et encouragent ces préjugés. Les premiers peuvent être
effacés avec l’expérience de la lutte elle-même, avec des discussions et
la jonction avec d’autres luttes progressistes. Les seconds doivent au
contraire être fermement combattus et isolés pour qu’ils causent le
moins de mal possible à un mouvement qui porte beaucoup de
revendications légitimes et justes.
En effet, constatant le caractère majoritairement rural et périurbain
du mouvement des Gilets Jaunes, des figures d’extrême-droite du type
Eric Zemmour mettent en avant des soi-disant « théories » démagogiques
sur une sorte d’opposition « métropole vs France profonde » ; dans les
premières il faudrait voir une « alliance globaliste » de fait entre les
ultra riches et leurs politiciens et les travailleurs immigrés et dans
les secondes le « vrai peuple », Français évidemment. Autrement dit, une
pseudo « lutte de classes » appuyée sur des bases géographiques. Le
tout pour justifier l’alliance des travailleurs des zones périphériques,
des petites et moyennes villes avec des patrons – petits, moyens et
grands – pour s’unir contre « la classe politique » et ceux qui seraient
leurs alliés de facto, les migrants.
En réalité, ces préjugés racistes, homophobes, islamophobes, entre
autres, sont manipulés de façon démagogique par ces courants politiques
pour diviser les classes populaires dans leur légitime mécontentement et
le dévier des vrais responsables : le grand patronat. Ce ne sont ni les
migrants, ni les LGBT, ni les musulmans qui sont les responsables de la
hausse des prix, des taxes et de la perte du pouvoir d’achat ; les
sans-papiers, comme les « français de souche », sont également soumis à
des impôts aussi injustes que la TVA ; les travailleurs étrangers sont
les principales victimes des fraudes au fisc de la part du patronat
(grand ou petit) qui les embauchent « au black » sans aucun droit et
sans payer aucun impôt.
Comme on le voit, ces préjugés sont totalement fonctionnels aux intérêts du grand patronat, des PDG à la Carlos Ghosn,
des banquiers et d’un système basé sur l’exploitation et l’oppression
de l’écrasante majorité de la population par une minorité oisive et
parasitaire dont le gouvernement Macron-Philippe est la dernière
expression politique.
L’hypocrisie gouvernementale et de la presse
Dans ce contexte on doit néanmoins pointer l’hypocrisie du
gouvernement et de la presse. En effet, pour discréditer et noyer les
revendications légitimes du mouvement Gilets Jaunes, depuis samedi on
assiste à une dénonciation en chaîne, comme on n’en a jamais vue, du
racisme, de l’homophobie et même de l’islamophobie du mouvement.
Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a ainsi déclaré sur Twitter : « Rien.
Absolument rien ne saurait justifier ces actes odieux. Chaque insulte,
chaque agression homophobe est une injure à notre pacte républicain.
Solidarité avec les victimes. Confiance en nos enquêteurs qui feront
toute la lumière sur ces faits ».
Quand on sait comment cette même presse aime d’habitude mettre des
conditionnels et des guillemets un peu partout face aux dénonciations de
racisme, d’homophobie ou d’agressions sexistes, et n’hésite pas à
parler de « clandestins » pour se référer aux sans-papiers ou réfugiés,
on peut se douter qu’ils cherchent autre chose derrière ces
dénonciations. D’ailleurs, on voit les médias bien moins prompts à
dénoncer la violence, quand il s’agit de celle exercée par la police
contre les manifestants.
Au cours du week-end beaucoup de manifestants Gilets Jaunes ont
exprimé leur opposition aux actes racistes et homophobes en les
condamnant et en affirmant que cela n’avait rien à voir avec le
mouvement. Ces déclarations sont des aspects très positifs.
Effectivement, pour éviter que le mouvement ne serve de tremplin aux
mouvements politiques d’extrême-droite il faut combattre ces préjugés,
isoler et séparer du mouvement les militants d’extrême-droite. Au
contraire, il s’agit d’unifier le mécontentement vis-à-vis des taxes
injustes contre les classes populaires avec les revendications du monde
du travail concernant les salaires, les conditions de travail, les
services publics, avec la jeunesse. Pour cela il est urgent que les
travailleurs mettent en avant un plan de bataille et un programme
ouvrier et populaire contre le gouvernement et le patronat pour couper
l’herbe sous le pied aux démagogues d’extrême-droite et d’autres
courants réactionnaires ennemis des intérêts populaires et de la classe
ouvrière.
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