1.10.18

Macédoine. Echec du référendum sur le nom : le gouvernement veut passer en force


Avec à peine 36% de participation, malgré la large victoire du « Oui » à l’accord avec la Grèce, le résultat concret du référendum en Macédoine est un échec complet pour le gouvernement social-démocrate, pour Tsipras, mais aussi pour les occidentaux. Cependant, malgré ce désaveu, ils vont essayer de passer en force.

Philippe Alcoy

La presse internationale relaye le discours du premier ministre macédonien, le social-démocrate Zoran Zaev, selon lequel « les urnes ont envoyé un message clair », que le résultat de dimanche est « un succès pour la démocratie et pour une Macédoine européenne ». En effet, le « Oui » à l’accord entre les gouvernements macédonien et grec qui stipule, entre autres, le changement de nom du pays balkanique, a obtenu plus de 90% des voix.

Cependant, ce discours tend à relativiser le plus grand échec du référendum : à peine un peu plus de 36% d’électeurs ont pris part à la votation. Autrement dit, près de 64% d’abstentionnisme. Un résultat désastreux pour une campagne pour laquelle des millions d’euros ont été dépensés, une campagne qui a vu des hauts dirigeants des puissances mondiales se déplacer jusqu’à ce petit pays : Angela Merkel, Jim Mattis (secrétaire de la Défense nord-américaine), Jens Stoltenberg secrétaire général de l’OTAN. Tous ces efforts n’ont rien pu faire.

Le taux de participation de 36% est très loin des 50% requis pour qu’un référendum soit valide dans le pays. En sachant que ce seuil allait être difficile à atteindre le gouvernement macédonien avait déclaré que le référendum serait seulement consultatif. C’est sur cette base qu’il peut aujourd’hui déclarer qu’il y a eu un « message clair » de la part des électeurs et qu’il s’agissait maintenant de ratifier l’accord au parlement.

L’opposition conservatrice et « nationaliste », VMRO, n’avait pas donné de consigne de vote, même si ses principales figures avaient déclaré qu’elles boycotteraient « à titre individuel » le référendum. Elle s’était aussi engagée à voter l’accord si le seuil de 50% de participation était franchi et le « Oui » l’emportait. Elle va (normalement) donc voter contre l’accord dans le parlement.

En effet, pour modifier la constitution dans le sens de l’accord le premier ministre a besoin d’une majorité de 2/3. Pour cela il lui manque dix voix. D’ici le vote il est clair qu’il y aura des pressions sur tous les députés de l’opposition et on ne peut évidemment pas exclure des tentatives de corruption.

Le coup de force que le parti social-démocrate, avec le soutien et la participation active des puissances impérialistes, tentera de faire au parlement a des chances de marcher aussi car l’opposition « nationaliste » est elle-même totalement pro-impérialiste. Elle n’est pas seulement pour l’intégration de la Macédoine au sein de l’OTAN et de l’UE, redoublant ainsi les chaines de la domination impérialiste sur le pays, ils ont déjà démontré leur servilité en barrant la route aux réfugiés qui traversaient le pays en direction du nord de l’Europe.

Si malgré tout l’accord échoue également au parlement, le premier ministre a annoncé qu’il appellerait à des élections anticipées pour fin novembre. S’il passe, cela ne voudrait pas dire qu’il serait déjà adopté car il faudrait qu’il soit également ratifié dans le parlement grec où il rencontre une opposition aussi importante.

Paradoxalement, l’échec du référendum sauve momentanément de l’embarras la droite grecque. Celle-ci est totalement pro UE et pro OTAN. Cependant, pour des intérêts électoraux elle a dû brandir le chiffon rouge du « danger pour les intérêts nationaux » pour discréditer le gouvernement Syriza et prétendre retourner au pouvoir lors des élections générales l’année prochaine.

Un autre élément intéressant de l’échec du référendum en Macédoine c’est que celui-ci est une expression de la crise de légitimité internationale du projet néolibéral. Il y a seulement quelques années ce serait impensable que des dirigeants impérialistes de premier ordre se déplacent dans un petit pays pour faire campagne pour un référendum, et pire encore qu’ils échouent aussi misérablement. Même s’ils vont essayer de passer en force, c’est une « humiliation ».

D’autant plus que ce référendum a des implications dans la stratégie d’encerclement de la Russie ; il s’inscrit dans une dispute d’influence entre les occidentaux et Moscou dans certaines parties du monde sensibles comme les Balkans. La Russie elle-même est une puissance régionale avec une influence limitée par rapport aux puissances occidentales comme les Etats Unis ou l’UE.

Cependant, il ne faudrait pas se tromper. La Russie ne représente aucunement une alternative à la domination impérialiste dans la région. Les objectifs de la politique étrangère de Poutine sont complètement réactionnaires, comme sa politique en Syrie le démontre. Poutine et son régime sont des ennemis de l’auto-détermination nationale des peuples, ennemis jurés également de tout mouvement un tant soit peu progressiste. Ce qui guide leur politique extérieure ce sont les intérêts des oligarques et des capitalistes russes. Et en Macédoine ce n’est pas différent.

Pour le moment ce sont les secteurs nationalistes réactionnaires qui se renforcent avec l’échec du référendum. Ces mêmes secteurs qui propagent la haine contre la population albanaise de Macédoine (25% de la population) et alimente la division des classes populaires sur des lignes nationalistes réactionnaires.

Mais la Macédoine est également le pays des Balkans où on a vu le plus de mobilisations populaires ces dernières années contre la corruption et l’arbitraire des gouvernements, contre les attaques contre leurs conditions de vie à travers des contre-réformes néolibérales menées par la droite conservatrice. La social-démocratie a réussi à capitaliser électoralement cette colère sociale. Cela a été évidemment facilité par l’absence d’une alternative politique des travailleurs et des classes populaires, indépendante des différentes variantes des classes dominantes et de l’impérialisme.

Pourtant, c’est précisément à travers la lutte dans les entreprises, les lycées et universités que le peuple macédonien pourra imposer son auto-détermination nationale, décider librement non seulement comment appeler leur propre pays mais aussi sa relation avec les peuples voisins. Cela passera forcément par une lutte contre les capitalistes nationaux et le capital impérialiste. Autrement, la Macédoine continuera à être l’objet de marchandages impérialistes, avec tous les risques que cela implique pour sa population.

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