Avec
à peine 36% de participation, malgré la large victoire du « Oui » à
l’accord avec la Grèce, le résultat concret du référendum en Macédoine
est un échec complet pour le gouvernement social-démocrate, pour
Tsipras, mais aussi pour les occidentaux. Cependant, malgré ce désaveu,
ils vont essayer de passer en force.
La presse internationale relaye le discours du premier ministre
macédonien, le social-démocrate Zoran Zaev, selon lequel « les urnes
ont envoyé un message clair », que le résultat de dimanche est « un
succès pour la démocratie et pour une Macédoine européenne ». En effet,
le « Oui » à l’accord entre les gouvernements macédonien et grec qui
stipule, entre autres, le changement de nom du pays balkanique, a obtenu
plus de 90% des voix.
Cependant, ce discours tend à relativiser le plus grand échec du
référendum : à peine un peu plus de 36% d’électeurs ont pris part à la
votation. Autrement dit, près de 64% d’abstentionnisme. Un résultat
désastreux pour une campagne pour laquelle des millions d’euros ont été
dépensés, une campagne qui a vu des hauts dirigeants des puissances
mondiales se déplacer jusqu’à ce petit pays : Angela Merkel, Jim Mattis
(secrétaire de la Défense nord-américaine), Jens Stoltenberg secrétaire
général de l’OTAN. Tous ces efforts n’ont rien pu faire.
Le taux de participation de 36% est très loin des 50% requis pour
qu’un référendum soit valide dans le pays. En sachant que ce seuil
allait être difficile à atteindre le gouvernement macédonien avait
déclaré que le référendum serait seulement consultatif. C’est sur cette
base qu’il peut aujourd’hui déclarer qu’il y a eu un « message clair »
de la part des électeurs et qu’il s’agissait maintenant de ratifier
l’accord au parlement.
L’opposition conservatrice et « nationaliste », VMRO, n’avait pas
donné de consigne de vote, même si ses principales figures avaient
déclaré qu’elles boycotteraient « à titre individuel » le référendum.
Elle s’était aussi engagée à voter l’accord si le seuil de 50% de
participation était franchi et le « Oui » l’emportait. Elle va
(normalement) donc voter contre l’accord dans le parlement.
En effet, pour modifier la constitution dans le sens de l’accord le
premier ministre a besoin d’une majorité de 2/3. Pour cela il lui manque
dix voix. D’ici le vote il est clair qu’il y aura des pressions sur
tous les députés de l’opposition et on ne peut évidemment pas exclure
des tentatives de corruption.
Le coup de force que le parti social-démocrate, avec le soutien et la
participation active des puissances impérialistes, tentera de faire au
parlement a des chances de marcher aussi car l’opposition
« nationaliste » est elle-même totalement pro-impérialiste. Elle n’est
pas seulement pour l’intégration de la Macédoine au sein de l’OTAN et de
l’UE, redoublant ainsi les chaines de la domination impérialiste sur le
pays, ils ont déjà démontré leur servilité en barrant la route aux
réfugiés qui traversaient le pays en direction du nord de l’Europe.
Si malgré tout l’accord échoue également au parlement, le premier
ministre a annoncé qu’il appellerait à des élections anticipées pour fin
novembre. S’il passe, cela ne voudrait pas dire qu’il serait déjà
adopté car il faudrait qu’il soit également ratifié dans le parlement
grec où il rencontre une opposition aussi importante.
Paradoxalement, l’échec du référendum sauve momentanément de
l’embarras la droite grecque. Celle-ci est totalement pro UE et pro
OTAN. Cependant, pour des intérêts électoraux elle a dû brandir le
chiffon rouge du « danger pour les intérêts nationaux » pour discréditer
le gouvernement Syriza et prétendre retourner au pouvoir lors des
élections générales l’année prochaine.
Un autre élément intéressant de l’échec du référendum en Macédoine
c’est que celui-ci est une expression de la crise de légitimité
internationale du projet néolibéral. Il y a seulement quelques années ce
serait impensable que des dirigeants impérialistes de premier ordre se
déplacent dans un petit pays pour faire campagne pour un référendum, et
pire encore qu’ils échouent aussi misérablement. Même s’ils vont essayer
de passer en force, c’est une « humiliation ».
D’autant plus que ce référendum a des implications dans la stratégie
d’encerclement de la Russie ; il s’inscrit dans une dispute d’influence
entre les occidentaux et Moscou dans certaines parties du monde
sensibles comme les Balkans. La Russie elle-même est une puissance
régionale avec une influence limitée par rapport aux puissances
occidentales comme les Etats Unis ou l’UE.
Cependant, il ne faudrait pas se tromper. La Russie ne représente
aucunement une alternative à la domination impérialiste dans la région.
Les objectifs de la politique étrangère de Poutine sont complètement
réactionnaires, comme sa politique en Syrie le démontre. Poutine et son
régime sont des ennemis de l’auto-détermination nationale des peuples,
ennemis jurés également de tout mouvement un tant soit peu progressiste.
Ce qui guide leur politique extérieure ce sont les intérêts des
oligarques et des capitalistes russes. Et en Macédoine ce n’est pas
différent.
Pour le moment ce sont les secteurs nationalistes réactionnaires qui
se renforcent avec l’échec du référendum. Ces mêmes secteurs qui
propagent la haine contre la population albanaise de Macédoine (25% de
la population) et alimente la division des classes populaires sur des
lignes nationalistes réactionnaires.
Mais la Macédoine est également le pays des Balkans où on a vu le
plus de mobilisations populaires ces dernières années contre la
corruption et l’arbitraire des gouvernements, contre les attaques contre
leurs conditions de vie à travers des contre-réformes néolibérales
menées par la droite conservatrice. La social-démocratie a réussi à
capitaliser électoralement cette colère sociale. Cela a été évidemment
facilité par l’absence d’une alternative politique des travailleurs et
des classes populaires, indépendante des différentes variantes des
classes dominantes et de l’impérialisme.
Pourtant, c’est précisément à travers la lutte dans les entreprises,
les lycées et universités que le peuple macédonien pourra imposer son
auto-détermination nationale, décider librement non seulement comment
appeler leur propre pays mais aussi sa relation avec les peuples
voisins. Cela passera forcément par une lutte contre les capitalistes
nationaux et le capital impérialiste. Autrement, la Macédoine continuera
à être l’objet de marchandages impérialistes, avec tous les risques que
cela implique pour sa population.
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