Le
dossier sur le changement de nom de la Macédoine renferme beaucoup
d’intérêts au niveau local et régional. Intérêts qui font passer au
second plan la nécessité de garder les apparences en jouant le jeu
démocratique. Aussi le gouvernement macédonien et ses alliés sont-ils en
train de faire passer en force le changement de nom du pays, contre le
résultat du référendum.
Échec du référendum sur le nom de la Macédoine du fait du taux d’abstention monstre
Le 29 septembre dernier, le référendum qui devait donner le feu vert
au Parlement macédonien pour changer le nom du pays en « Macédoine du
Nord » avait été un échec total.
Même si le « Oui » l’emportait largement, à la suite d’une campagne de
boycott moins de 37% des électeurs s’étaient déplacés aux urnes. Or pour
qu’un référendum modifiant la Constitution, comme c’est le cas pour
celui-ci, soit valide, une participation d’au moins 50 % est nécessaire.
Pour éviter cet inconvénient le gouvernement avait décidé de donner à
ce référendum un caractère purement « consultatif ».
C’était un désaveu sanglant pour le gouvernement social-démocrate,
pour le gouvernement de Tsipras en Grèce (avec qui le gouvernement
macédonien avait signé l’accord) et pour les puissances occidentales qui
avaient beaucoup investi en termes d’énergie politique (des dirigeants
de premier ordre s’étaient déplacés en Macédoine pour faire campagne
dont Merkel).
Mais passage en force du gouvernement macédonien et de ses soutiens occidentaux
Cependant, le gouvernement macédonien, soutenu par ses « sponsors »
occidentaux, déclarait dès le soir même du référendum qu’il essaierait
quand même de faire adopter l’accord passé avec la Grèce au Parlement,
où il lui manquait encore 10 voix. En effet, pour que l’accord soit
valide le gouvernement social-démocrate avait besoin de 2/3 des voix,
donc du soutien d’une partie de l’opposition de droite.
Finalement, vendredi dernier le coup de force parlementaire a été
consommé. Avec 80 voix sur 120 sièges le premier ministre Zoran Zaev a
réussi à faire adopter l’accord au Parlement. Huit députés de
l’opposition de la droite conservatrice, VMRO, ont finalement voté avec
le gouvernement.
Comme on pouvait s’y attendre tout semble indiquer qu’il y a eu des
pressions de tous types sur des députés de droite. Ce n’est pas un
hasard si parmi les 8 « dissidents » du VMRO on en retrouve plusieurs
ayant des problèmes importants avec la justice, dont l’ancienne ministre
de la culture, Elizabeta Kancevska Milevska inculpée dans le procès sur
le financement du projet Skopje 2014 et Krsto Mukoski et Sasho
Vasilevski qui se trouvaient en détention provisoire jusqu’à la veille
du vote. Le secrétaire général du VMRO a également dénoncé le fait qu’on aurait offert à trois de leurs députés 250 000 euros pour voter pour l’accord.
Les implications géopolitiques du changement de nom
L’accord sur le changement de nom de la Macédoine permettra au pays
balkanique de rejoindre l’OTAN (et à celle-ci d’élargir son influence
dans la région) et de postuler pour l’UE. En effet, depuis
l’indépendance de la Macédoine, la Grèce refuse de reconnaître le nom du
pays sous prétexte que la cela impliquerait des « revendications
territoriales » de ce petit pays sur la région grecque du même nom. Une
attitude réactionnaire incroyable de la part du nationalisme hellénique.
Même si ce coup de force antidémocratique est une petite victoire
pour les puissances impérialistes et leurs clients régionaux, l’accord
rencontre beaucoup d’opposants aussi bien en Macédoine qu’en Grèce.
Cette opposition vient principalement de la droite nationaliste et
réactionnaire d’un côté comme de l’autre du pays. En Macédoine on
dénonce une « capitulation inacceptable » (ce qui est vrai) mais pour
renforcer le nationalisme « slave-macédonien » contre les différentes
minorités ethniques du pays, notamment les albanais macédoniens. En
Grèce, les nationalistes réactionnaires dénoncent une « capitulation »
mais aussi un prétendu « danger pour la nation ».
L’accord sur le nom devra encore être ratifié par le Parlement grec
après que les amendements constitutionnels soient votés au Parlement
macédonien, ce qui pourrait prendre plusieurs mois.
Tensions et dissensions au sein de la coalition gouvernementale grecque
Au sein de la coalition au pouvoir en Grèce, les tensions entre
Syriza et son partenaire de droite souverainiste ANEL sont de plus en
plus fortes. Le ministre des affaires étrangères, Nikos Kotzias, a
démissionné 48h avant la votation du parlement macédonien à cause des
tensions avec le leader d’ANEL, Panos Kammenos. Celui-ci a menacé de
quitter la coalition gouvernementale si l’accord était ratifié au
parlement grec au printemps prochain, ce qui provoquerait probablement
des élections anticipées.
Au-delà de toutes ces péripéties et manœuvres, ce que cette affaire
est en train de démontrer c’est le caractère profondément
antidémocratique de la soi-disant « démocratie parlementaire »,
notamment dans un moment où le « consensus néolibéral » est totalement
en crise. Le coup de force du gouvernement macédonien non seulement est
« toléré » par les puissances impérialistes, mais elles sont de plus une
force motrice pour faire adopter coûte que coûte cet accord qui leur
permettra d’avancer leurs intérêts économiques et géopolitiques dans la
région.
Cependant, ni l’opposition de droite (tout aussi servile aux intérêts
impérialistes) ni des puissances comme la Russie ne sont une
alternative pour les travailleurs et les classes populaires
macédoniennes et leurs droits démocratiques et nationaux fondamentaux.
Ce sera avec une lutte implacable contre les capitalistes nationaux et
contre l’impérialisme, de façon indépendante des différentes options
pro-capitalistes, que les travailleurs pourront conquérir leurs droits
sociaux et démocratiques et tisser des liens de fraternité avec les
différents peuples de la région.
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