A
quelques jours du second tour des élections présidentielles
brésiliennes, Jair Bolsonaro s'est fendu d'un discours violent et
fanfaron à l’encontre du PT et des mouvements sociaux. Au milieu d’un
scandale de corruption, ce sursaut de violence verbale du bolsonarisme
s’adresse également au pouvoir judiciaire et à la presse.
Ce dimanche une manifestation en faveur du candidat
réactionnaire de l’extrême-droite brésilienne avait lieu à São Paulo.
Jair Bolsonaro n’aurait pas pu s’y rendre à cause de son état de santé ;
il serait en plein rétablissement de l’attaque qu’il a subi en
septembre. Dans le message en direct retransmis depuis chez lui sur
écran géant, le « souffrant » respirait en réalité la santé, ne
vomissant rien d’autre que son habituelle rengaine réactionnaire une
violence particulière et une énergie surprenante.
Dans son discours il a fustigé avec arrogance l’ex-président Lula
emprisonné arbitrairement. Au milieu des cris de joie, cette joie des
foules réactionnaires attisées et élevées à un état presque jouissif, il
a lancé : « le nettoyage sera beaucoup plus grand. (…) Ces marginaux
rouges seront bannis de notre patrie ! (…) Et M. Lula Da Silva, si tu
attendais qu’Haddad devienne président pour qu’il signe le décret de
pardon, je vais te dire une chose : tu vas pourrir en prison ! ». Il a
ensuite aussi menacé de mettre en prison Haddad à lui-même.
Le convalescent, visiblement requinqué par un mépris de classe bien
chevillé au corps, n’allait pas s’arrêter en si bon rétablissent.
Gueulant -dégueulant ? - contre les mouvements sociaux, a promis de
criminaliser les luttes sociales : « bandits du MST [Mouvement des
Sans-Terre], bandits du MTST [Mouvement des Travailleurs Sans-Toit] :
vos actions seront qualifiés de terroristes ! ».
Avec ce soubresaut de violence verbale « maccartiste » à quelques
jours du second tour Bolsonaro essaye d’enfiler son meilleur costume,
celui du représentant du sentiment anti-PT de droite. Un discours aux
airs de « Guerre Froide » ; profondément « anticommuniste » et au fond
anti-ouvrier et anti-populaire. Il s’agit de s’assurer du soutien de la
petite-bourgeoisie réactionnaire et radicalisée des grands centres
urbains, ainsi que des secteurs patronaux de l’agro-business et les
spéculateurs de tout type.
Financement illégal et bras de fer avec le pouvoir judiciaire
Mais Bolsonaro et son camp ne se sont pas limités aux attaques contre
le PT. En plein milieu d’un scandale de financement illégal de la
campagne réactionnaire du Parti Social-Libéral, où l’on apprend que des
patrons milliardaires ont investi des millions pour diffuser des « fake
news » contre Haddad, il fallait s’attaquer à la justice et au journal
Folha de São Paulo qui a diffusé l’information. Ainsi, le candidat de
l’extrême-droite a encore une fois éructé : « nous gagnerons cette
guerre ! Nous voulons la liberté de la presse mais avec responsabilité.
Folha de São Paulo c’est le plus « grand fake » news du Brésil ! Presse
vendue, mes condoléances ! ».
Dans ce contexte de menace du pouvoir judiciaire sur Bolsonaro, une
vidéo de son fils, Eduardo Bolsonaro, datant d’avant le premier tour, a
été diffusée sur internet. On le voit dans une sorte de conférence où un
participant lui demande ce qu’il se passerait si le Tribunal Suprême
Fédéral (STF) décidait d’invalider une éventuelle victoire de
l’extrême-droite dès le premier tour. La réponse a été : « dans ce cas le STF n’a qu’à essayer, et si c’est le cas ça va être eux contre nous » et ensuite « si tu veux fermer le STF il n’y a même pas besoin d’une jeep, il suffit d’un soldat et d’un caporal ».
Il ne faut pas se tromper, le pouvoir judiciaire brésilien, principal
acteur du tournant bonapartiste du régime brésilien qui est l’un des
grands responsables de la montée de Bolsonaro, ne s’est pas mis à
« défendre la démocratie ». Au contraire, aussi bien le STF que le
Tribunal Suprême Électoral (STE) sont en train de couvrir le financement
illégal de Bolsonaro. Depuis plusieurs semaines ils considèrent qu’une
victoire de Bolsonaro ne serait pas une si mauvaise option devant
l’échec total de « leur » candidat, le libéral Geraldo Alckmin.
Ce que le pouvoir judiciaire essaye de faire c’est de profiter de
cette affaire pour encadrer dès maintenant un éventuel gouvernement
Bolsonaro ; poser une épée de Damoclès sur la tête du probable nouveau
président et ainsi pouvoir le contrôler. Le pouvoir judiciaire entend
rester l’acteur clé du tournant autoritaire et bonapartiste du régime
politique brésilien. Pour cela il a besoin au pouvoir de politiciens
traînant des casseroles.
Le rôle de Folha de São Paulo, l’un des journaux les plus influents
du pays, est analogue. Alors que le journal a été l’un des principaux
moteurs du coup d’État institutionnel, aujourd’hui il n’effectue
aucunement un « tournant démocratique » mais accepte de jouer le rôle
d’instrument d’accusation contre Bolsonaro et les « magouilles » de ses
amis milliardaires.
En effet, si Bolsonaro reste aujourd’hui la figure la plus médiatisée
et le visage le plus populaire (dans tous les sens du mot) de la
réaction au Brésil, il serait totalement erroné d’oublier le rôle
central, et pour le moment plus déterminant, de « l’oligarchie
judiciaire », réactionnaire et pro-impérialiste.
Des milliers de personnes dans les rues brésiliennes contre Bolsonaro
Tous ces éléments ne doivent pas occulter que samedi, dans les
principales villes du pays, des milliers de personnes sont descendues
dans la rue pour dire NON à l’extrême-droite, non au racisme, à la
misogynie et au mépris de classe de Bolsonaro.
A São Paulo, l’organisation féministe et socialiste avec les
militants du Mouvement Révolutionnaire des Travailleurs (MRT) ont
organisé un
cortège indépendant du PT, mettant en avant le mot d’ordre de « la mise
en place de comités de base contre Bolsonaro, le putschisme et les
contre-réformes ». L’ex-candidat à la présidentielle argentine en
2015 pour le Front de l’Extrême-Gauche et des Travailleurs (FIT) et
dirigeant du Parti des Travailleurs Socialistes, Nicolás del Caño, était
présent dans ce bloc.
Effectivement, quel que soit le résultat du second tour l’influence
et l’emprise des idées de l’extrême-droite ne vont pas disparaître. Il
est nécessaire de s’organiser dans les usines, les lieux d’études et
dans la rue pour faire face aux forces réactionnaires libérées par
Bolsonaro. Comme l’explique Diana Assunção, dirigeante nationale du
MRT : « nous accompagnerons le rejet total de Bolsonaro, et appelons
au vote critique pour Haddad au second tour. Mais nous ne soutenons
aucunement le projet politique conciliateur du PT, ni sa stratégie
électoraliste qui s’est déjà démontée impuissante. C’est pour cela que
j’appelle à mettre sur pied des milliers de comités de base dans les
lieux de travail et d’étude, en nous organisant pour vaincre Bolsonaro,
le putschisme et les réformes dans la rue ».
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