6.4.18

SNCF, universités, des luttes éminemment politiques


Changement de la communication gouvernementale. Face au danger du « tous ensemble », il s’agit maintenant de dénoncer la « politisation » des conflits.
Philippe Alcoy

Depuis les grèves du 22 mars et des 3 et 4 avril, la radicalisation du mouvement dans les universités et l’agitation dans d’autres secteurs, le gouvernement se sent moins rassuré. La dénonciation des « privilégiés » pour gagner une base sociale favorable à la suppression du statut des cheminots et la privatisation de la SNCF n’a pas marché. Elle a eu même un effet contraire.

Dans les universités il s’agissait de faire passer vite les réformes et d’ignorer les quelques mobilisations qui commençaient. Face au début d’élargissement du mouvement, la répression a été forte, avec l’intervention de la police dans plusieurs facs et manifestations, la mise sous tutelle et la menace d’une intervention policière pour vider le campus ou bien encore le recourt à des milices fascistes, comme à Lille, Paris et, cas emblématique, Montpellier. L’objectif était clairement, et avec n’importe quels moyens, de faire rentrer la jeunesse dans les rangs. Mais cela n’a pas marché et depuis le mouvement ne fait que se radicaliser.

La batterie de contre-réformes dures, mises en place les unes après les autres, sans même laisser le temps de les assimiler, commence à montrer ses limites également. Alors que cette stratégie visait à paralyser la résistance par la violence et la vitesse des attaques, aujourd’hui on voit plutôt l’éclatement de conflits sur plusieurs fronts à la fois, posant les bases concrètes d’un véritable « tous ensemble ».

La clé est là précisément. Pour le gouvernement comme pour le mouvement ouvrier et comme pour la jeunesse. Pour les premiers il s’agit d’éviter à tout prix la convergence des luttes ; pour les seconds il s’agit de trouver les voies les plus rapides pour construire l’unité de tous les secteurs attaqués pour renforcer le rapport de force face au gouvernement et le faire reculer sur toutes les attaques qu’il mène.

C’est en ce sens que le gouvernement, le patronat et la presse multiplient les déclarations dénonçant « l’influence de l’extrême gauche », les « va-t’en guerre », les « radicalisés », « les violences ». L’axe choisi semble être celui de la dénonciation de la « politisation » des conflits.

Or, les premiers à politiser les conflits actuels, notamment celui autour de la réforme de la SNCF, ce sont les membres du gouvernement et le président Macron lui-même. Tout le monde est conscient qu’en grande partie l’image de « réformateur » de Macron est en jeu dans cette bataille. Briser la résistance des cheminots semble avoir été le symbole choisi par Macron pour marquer son début de mandat.

Et cet enjeu politique dépasse largement les frontières hexagonales. Tous les dirigeants et cercles patronaux européens suivent avec attention ce qui pourrait se passer en France. Dans un contexte international marqué par la crise des régimes et du « paradigme néolibéral », la victoire de Macron apparaissait comme un espoir pour l’establishment européen. Ainsi, les cheminots, la jeunesse et tous les secteurs attaqués en France n’affrontent pas seulement le gouvernement Macron et le patronat français, ils doivent aussi faire face à l’hostilité du patronat européen.

C’est pour cette raison que la lutte contre les réformes de Macron, notamment celle à la SNCF, doit être pensée politiquement par les travailleurs et la jeunesse. Il ne s’agit pas seulement d’une bataille contre telle ou telle réforme, contre tel ou tel aspect de la politique du gouvernement. Il s’agit d’une lutte politique dont le résultat aura des conséquences pour la période qui s’ouvrira ensuite. En cas de victoire du gouvernement, la situation sera très difficile pour les classes populaires en France ; si les cheminots et la jeunesse arrivent à faire reculer le gouvernement, ce sont de toutes autres perspectives qui s’ouvrent, non seulement en France mais partout en Europe.

Alors oui, la résistance contre la réforme de la SNCF est politique. La lutte dans les universités, dans les EPADH, celle des retraités, dans la fonction publique, entre tant d’autres, sont aussi politiques. En ce sens, la convergence des luttes est surtout une arme politique pour faire reculer Macron non seulement dans le dossier de la SNCF mais sur l’ensemble de sa politique.

En ce sens, le rôle des directions syndicales dans les différents secteurs ne devrait pas être celui de circonscrire les mobilisations autour des revendications de chaque secteur particulier, d’organiser des mobilisations séparées quand les grèves se déroulent les mêmes journées ou d’appeler à la mobilisation les uns après les autres. Cela ne fait que retarder, voire éviter le « tous ensemble » ; cela ne fait que permettre au gouvernement de gagner du temps et se renforcer.

Le gouvernement et Macron se trouvent à la défensive pour la première fois depuis qu’ils sont arrivés au pouvoir. Ils craignent la convergence des mécontentements et des luttes. C’est la construction de cette unité de classe, à travers l’organisation dans des assemblées de grévistes, mettant en place des stratégies et des tactiques politiques pour donner un coup politique au gouvernement et au patronat. La victoire est possible. Mais elle est seulement possible si la lutte est pensée politiquement.

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