7.4.18

Brésil. Malgré la mobilisation, Lula veut se rendre à la justice putschiste


Lula avait jusqu’à vendredi à 17h pour se rendre volontairement à la justice. Des milliers de militants et sympathisant entendaient l’empêcher. Pour éviter des affrontements et un possible bouleversement de la situation politique, la police a refusé d’envoyer des officiers l’arrêter. Cependant, Lula et ses avocats ont négocié une capitulation face à la justice putschiste, en dépit de la volonté de ses soutiens.
Philippe Alcoy

Le Tribunal Supérieur Fédéral a rejeté la demande d’Habeas Corpus de l’ex président Lula Da Silva et a confirmé qu’il devra purger sa peine de 12 ans de prison dans la cadre de sa condamnation pour corruption. Cette condamnation de l’ex président brésilien du Parti des Travailleurs (PT) s’inscrit dans le cadre du coup d’Etat Institutionnel commencé en 2016 et mené principalement par le pouvoir judiciaire et les secteurs du patronat brésilien ouvertement pro-impérialiste.

La condamnation de Lula est complètement arbitraire et vise à empêcher que celui-ci se présente aux élections présidentielles d’octobre prochain, où il aurait de grandes chances de l’emporter. Lula et les ex membres de ses gouvernements et de son parti sont clairement empêtrés dans des affaires de corruption, plus ou moins importants, depuis des années. Cependant, on se retrouve clairement aujourd’hui dans une manœuvre politique antidémocratique, qui s’exprime par la célérité et la légèreté en termes de preuves avec laquelle le cas de Lula a été traité mais aussi par la « sélectivité » des cibles des enquêtes.

L’opération anticorruption « Lava-jato » sert en effet comme un instrument puissant du pouvoir judiciaire pour refaçonner le régime politique brésilien. Avec des enquêtes et des investigations pour corruption ciblées très précisément, « Lava-jato » a servi pour mettre de côté certaines figures politiques que cette faction du patronat brésilien estimait « indésirables » pour servir leurs objectifs. Ainsi, c’est avant tout des dirigeants du PT qui sont mis en cause dans un régime politique fondé sur la corruption endémique qui touche l’ensemble des partis pro-patronaux.

Dans ce contexte, et malgré la stratégie conciliatrice et légaliste du PT, des centaines de milliers de soutiens de Lula à travers le pays seraient sans doute prêts à se battre pour empêcher qu’il soit emprisonné. Hier soir au siège du syndicat de la métallurgie dans la banlieue ouvrière de São Paulo où depuis jeudi se trouve Lula, des milliers de personnes ont entouré le bâtiment pour empêcher que la police arrête l’ex président.

Lula avait jusqu’à vendredi 17h (heure brésilienne) pour se rendre à la justice et commencer à purger sa peine. Lula a dans un premier temps refusé de se rendre de lui-même à la police et a exigé que l’on vienne le prendre au siège du syndicat. Un geste symbolique certes fort (c’est dans cette région que Lula est devenu une figure nationale lors des grèves ouvrières des années 1970 sous la dictature) mais que l’entourage de Lula n’a pas voulu présenter comme une « résistance » face à la justice.

Lula qui devait s’adresser à la foule ne l’a pas fait et a finalement préféré de négocier avec la police de se rendre volontairement samedi après une messe en hommage à son ex épouse décédée en 2017. Selon la presse Lula voudrait éviter qu’il y ait des affrontements entre la police et ses supporters. Le gouvernement et le pouvoir judiciaire putschiste veulent également éviter ce scénario qui pourrait être catastrophique pour leur image.

Ainsi alors que la mobilisation contre l’arrestation de Lula aurait pu devenir un évènement politique majeur et de lutte contre le Coup d’Etat institutionnel, le PT préfère désamorcer le mouvement pariant sur la voie légale, totalement aux mains des putschistes pro-impérialistes.

Les syndicats liés au PT comme la CUT ont également évité de préparer tout plan de lutte dans les lieux de travail avec des assemblées, grèves et piquets pour faire face à l’avancée réactionnaire.

En effet, la condamnation de Lula au Brésil est une manœuvre politique qui n’implique pas simplement Lula et le PT. En effet, si l’arrestation de Lula se passe sans grand encombre pour le « parti judiciaire », ce serait un coup pour l’ensemble des classes populaires au Brésil car la bourgeoisie et l’impérialisme auront obtenu une victoire politique très importante dans leur objectif de refaçonner le régime politique brésilien. Il s’agit d’une bataille politique de classe, malgré et en dépit du PT et de Lula.

Pour le mouvement ouvrier, pour la jeunesse précarisée, pour les classes populaires et la population Noire opprimée dans les favelas, il est fondamental de s’opposer à l’arrestation de Lula non juste pour défendre Lula en soi mais pour défendre les droits démocratiques fondamentaux que les putschistes remettent en cause aujourd’hui. Le patronat et les impérialistes, à travers le pouvoir judiciaire, veulent imposer qui les travailleurs et les classes populaires doivent élire en octobre prochain.

La condamnation de Lula ne renforce nullement la « lutte contre la corruption » mais l’appareil répressif et le pouvoir putschiste au Brésil. Au contraire, la mobilisation de la classe ouvrière et des classes populaires pourrait commencer à mettre un frein à cette avancée réactionnaire. La lutte pour les droits démocratiques et contre la condamnation arbitraire de Lula pourrait ouvrir un scénario de lutte de classes qui échappe au contrôle de la direction du PT et des bureaucraties syndicales liées à celui-ci. C’est bien pour cela qu’ils essayent de mettre fin à la mobilisation populaire qui s’est développée malgré eux. Réussiront-ils ?

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