L’ex
président brésilien Lula, qui voulait se rendre à la police, en était
empêché par ses sympathisants. Il a fini par s’enfuir par un portail, et
s’est rendu à la police au milieu de l’incompréhension des militants et
sympathisants.
Une situation surréaliste, incroyable. L’ex président brésilien
Lula Da Silva, condamné à 12 ans de prison pour corruption dans le
cadre d’une opération politique antidémocratique, avait négocié la veille de se rendre volontairement à la police samedi après-midi.
Depuis jeudi soir, des milliers de ses soutiens s’étaient aggloméré
autour du bâtiment du syndicat des métallos dans une région ouvrière de
l’Etat de São Paulo. Ils dénonçaient l’arbitraire et le caractère
politique de la condamnation de la justice brésilienne, principale
institution à la manœuvre dans le coup d’Etat institutionnel en cours
depuis 2016.
Samedi matin Lula, lors d’une messe en hommage à son ex compagne
décédée en 2017 devenue meeting politique, avait fait un discours
enflammé sur la forme mais sur le fond promettant d’affronter le juge
Sergio Moro (à la tête de l’opération soi-disant anticorruption « Lava
Jato ») dans le cadre légal de la justice brésilienne ; qu’il n’était en
aucun cas en train de défier un ordre judiciaire. Lula a confirmé la
politique que le Parti des Travailleurs (PT) mène depuis le début :
légaliste et conciliatrice et opposée à la lutte des masses.
Cependant, sa base militante et de sympathisants ne l’entendait pas
comme cela. Elle comptait bien défier cette condamnation arbitraire
ayant pour but d’empêcher Lula de se présenter aux élections d’octobre.
Ainsi, au moment où Lula allait se rendre à la police, autour de 5 000
manifestants ont bloqué la sortie du bâtiment du syndicat des métallos à
São Bernardo do Campo, dans l’Etat de São Paulo, empêchant l’ex
président de partir. Les manifestants déclaraient qu’il s’agissait d’une
« injustice », que « Lula était le peuple », que c’étaient les autres
politiciens qui devaient être en prison.
Face à l’impossibilité de faire céder les manifestants, des hauts
dirigeants du PT ainsi que d’autres partis et mouvements sociaux alliés
de Lula sont montés sur un camion avec une sono puissante. Pendant une
heure les orateurs se sont succédés mettant en avant des arguments pour
convaincre les manifestants de laisser partir Lula.
« Ca va porter préjudice sur le plan judiciaire à Lula »,
disaient-ils. Les manifestants répondaient qu’il n’y avait plus rien à
attendre de la justice, que « ça ne sert plus à rien ». « La police est
en train d’arriver et il risque d’y avoir de la violence »,
renchérissaient les dirigeants du PT. « Qu’ils viennent ! », « il faut
aller à la castagne ! », pouvait-on entendre parmi la foule à mode de
réponse.
Face à l’intransigeance de la foule qui ne voulait pas laisser partir
Lula et se disait prête à se battre, des dirigeants ont commencé à
« rougir » le discours pour tenter une autre tactique pour les amadouer.
« On va bloquer ce pays pour libérer Lula ! On doit prendre les rues…
mais aussi se battre sur le plan juridique ! », a lancé depuis le camion
l’un des dirigeants proches de Lula. La foule répondait méfiante que
c’était « tout de suite qu’il faut bloquer le pays ! Il faut commencer
aujourd’hui ! ».
Ces scènes passeront sans aucun doute à l’histoire comme l’un des
moments où la base populaire qui reste encore attachée au PT était
empêchée de se battre par ses propres dirigeants. Des techniques
traditionnelles de politiciens professionnels et des bureaucrates ont
été employées mais rien n’y faisait.
Mais le plus surréaliste, incroyable et pathétique à la fois allait
encore se produire. Au moment où l’on donne la parole à l’une des
manifestantes qui faisait un discours radical appelant à la résistance
et à ne faire aucune confiance à la justice, un cafouillage se produit
près de l’une des sorties du bâtiment. La militante le dit au micro.
Tous les regards se retournent vers l’arrière : Lula s’était enfui, à
pied, pendant que ses camarades détournaient l’attention de la foule.
Incroyable. Lula, ciblé par l’une des offensives antidémocratiques
les plus importantes depuis la fin de la dictature au Brésil, avait fui
ses propres militants voulant résister pour le défendre, pour se rendre
volontairement à la police. Le désarroi, la déception et
l’incompréhension gagnaient la foule.
Plus tard, dans sa route vers Coritiba dans le sud du Brésil, où il
devra purger sa peine, des manifestations pour la libération de Lula ont
eu lieu et la police les a réprimées, faisant autour d’une dizaine de
blessés, dont deux enfants.
Encore une fois Lula, le PT et les bureaucrates syndicaux et des
mouvements sociaux liés à celui-ci ont démontré leur caractère
conciliateur avec les capitalistes et légaliste. Le PT et Lula
démontrent qu’ils ont plus peur de l’action des masses, qu’ils ne
pourraient éventuellement pas contrôler, que de la justice putschiste
qui est en train de condamner arbitrairement à 12 ans de prison. C’est
d’ailleurs la stratégie que le PT et les centrales syndicales liées à
celui-ci ont mis en place depuis le coup d’Etat institutionnel de 2016 :
surtout pas mobiliser les travailleurs et la jeunesse dans les rues,
les lieux de travail et d’étude et parier tout sur le cadre légal et
judiciaire.
Les travailleurs, la jeunesse précarisée et toutes les couches
opprimées de la société brésiliennes ne peuvent pas faire confiance au
PT ni à Lula. Même pour garantir le droit démocratique élémentaire pour
que Lula puisse se présenter aux élections, il faudra construire un
mouvement indépendant, basé sur les méthodes de la lutte de classes et
de l’action directe des travailleurs et des masses, qui puisse tordre le
bars à l’offensive réactionnaire en cours au Brésil non seulement sur
le plan des libertés démocratiques mais aussi sur les conditions de vie
et de travail durement affectées depuis plusieurs années, y compris sous
le gouvernement du PT.
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