Nouveau
coup de théâtre dans la lutte au sein du camp pro-occidental en
Ukraine. L’ex-président géorgien, Mikheil Saakashvili, devenu le
principal opposant du président ukrainien Petro Poroshenko, a été
déporté ce lundi en Pologne. Une situation qui semble échapper au
contrôle des dirigeants occidentaux.
Des officiers de la police des frontières, cagoulés, ont fait
irruption lundi dans un restaurant de la capitale ukrainienne, Kiev, où
ils ont plaqué contre le sol et arrêté l’opposant Mikheil Saakashvili.
Dans la foulée on apprenait que celui-ci avait été déporté en Pologne,
avec l’accord de Varsovie.
En effet, Saakashvili, qui a été président géorgien pendant neuf ans
(2004-2013), après avoir obtenu la nationalité ukrainienne (où il avait
fait ses études à l’époque de l’Union Soviétique) avait été nommé en
2015 gouverneur de la région d’Odessa par son (ex) ami le président
Petro Poroshenko. A la suite du mouvement de Maïdan, l’objectif de la
nomination de Saakashvili était qu’il mène des réformes et une campagne
anti-corruption à Odessa. Cependant, fin 2016 Saakashvili démissionnait
accusant son désormais ancien allié Poroshenko de faire obstruction à la
lutte contre la corruption. Il passait ainsi du côté de l’opposition,
dans le camp « pro-occidental » dans un pays en pleine guerre contre des
forces pro-russes à l’Est.
Poroshenko, profitant que Saakashvili se trouvait à l’étranger l’été
dernier, révoquait la nationalité ukrainienne de celui-ci. Ainsi,
Saakashvili, qui avait aussi perdu sa nationalité géorgienne
entre-temps, devenait apatride. Cependant, début septembre avec l’aide
de ses supporters et des politiciens alliés comme l’ex-première ministre
Yulia Timoshenko, Saakashvili retournait en Ukraine depuis la Pologne
en forçant un poste frontière. Depuis, il est devenu la principale
figure d’opposition au président ukrainien qui a à plusieurs reprises
essayé de l’arrêter, mais à été désavoué d’abord par les supporters de Saakashvili puis par la justice.
Finalement, après que la demande d’asile politique de Saakashvili ait
été révoquée, le pouvoir a décidé de l’expulser du pays. Comme
d’habitude dans ce feuilleton, cela a été fait de façon spectaculaire.
Cependant, malgré le fait qu’il soit très probable que Poroshenko ait
consulté ses patrons impérialistes avant de procéder à une telle
manœuvre, il n’est pas sûr que celle-ci leur plaise. En effet,
l’objectif de Poroshenko est évident pour tout le monde : se débarrasser
de son principal opposant pour dégager le terrain vers sa réélection en
2019.
Au-delà du fait qu’une candidature de Saakashvili semblait déjà très
compliquée, avec un discours démagogique anti-corruption et
pro-réformes, celui-ci restait un danger pour un Poroshenko qui est en
train de ralentir le rythme des contre-réformes et des attaques contre
les classes populaires pour préparer sa réélection.
Cette « déviation » s’ajoute à l’image renvoyée au niveau national et
international : la déportation d’un opposant n’est pas la meilleure
carte de présentation pour un « ami » des « démocrates occidentaux ».
Comme l’explique Peter Dickinson de Business Ukraine :
« la manœuvre brutale et incompétente des autorités ukrainienne contre
Saakashvili a été un coup auto-infligé du début à la fin. Le moment de
le déporter était au lendemain de son entrée illégale dans le pays, à
l’automne. […] Maintenant, on est confronté à ce nouvel épisode de la
comédie des erreurs, avec ses désastreuses optiques autoritaires.
L’influence internationale relativement élevée de Saakashvili garantira
une publicité négative considérable pour l’Ukraine ».
Quant aux alliés de Saakashvili comme Yulia Timoshenko, il est
probable que ceux-ci essayent de tirer un double profit de la
situation : dénoncer la « brutalité » et les « manques à la démocratie »
de la part du président Poroshenko, et profiter de la déportation de
Saakashvili pour que Timoshenko regagne un peu du terrain politique et
médiatique que ce dernier lui a « volé » depuis l’été dernier.
Quoi qu’il en soit, cette manœuvre grossière du gouvernement pose la
question suivante : si un politicien véreux, ouvertement
pro-impérialiste, avec des connexions internationales et parmi les
milieux d’affaire locaux est « éliminé » de cette façon, qu’est-ce qui
attend les travailleurs qui feraient grève pour défendre leurs
conditions de travail et de vie ?
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