De 1964 à 1976 a eu lieu une guerre de libération nationale au
Dhofar, région frontalière avec le Yémen aujourd’hui appartenant au sultanat d’Oman
dans le Golfe arabique. Dans un contexte international de lutte
anti-impérialiste, de montée révolutionnaire dans le Golfe, dans les « Tiers-Monde »
mais aussi dans les pays centraux, la guérilla qui menait la lutte au Dhofar s’était
rapprochée du « marxisme-léninisme ». Toutes les forces
réactionnaires de cette région stratégique se sont alliées à l’époque contre la
révolte, l’impérialisme britannique jouant un rôle particulièrement néfaste.
Philippe
Alcoy
Parmi les
documents de l’époque on retrouve un pamphlet lancé par l'aviation du sultan
d'Oman en 1973 dans la région (voir ci-dessous). À sa lecture on pourrait croire,
à quelques détails près, qu'il s'agit d'un communiqué de Daesh: on y parle de lutte
contre les « athées subversifs » qui « rejettent l’islam et tout
ce qui est sacré ». Puis une menace : « des avions militaires,
des canons et des armes automatiques sont en train de vous chasser. Où que vous
soyez cachés, ils vont vous apprendre une leçon et à la fin vont tous vous tuer »,
entre autres.
Le sultan
d'Oman, Qabous ibn Said (arrivé au pouvoir en 1970 et toujours en place), jouissait
du soutien de tous les gouvernements réactionnaires de la région,
principalement celui du Shah d'Iran et de l’Arabie Saoudite. Mais des puissances impérialistes, à commencer par les britanniques et,
dans une moindre mesure, les États-Unis, le soutenaient également. La Grande-Bretagne,
dont l’Oman était une colonie « officieuse », y a envoyé des forces
spéciales et les principaux généraux et commandants des forces armées omanies étaient
britanniques.
Les
impérialistes ont ainsi aidé leurs alliés locaux à écraser les mouvements de
résistance et de libération populaires pour préserver leurs intérêts dans une
région riche en ressources naturelles et fondamentale d’un point de vue
géostratégique. Comme on le voit dans le pamphlet ci-dessous, le discours de
légitimation de ceux-ci était directement lié à la lutte pour la « défense
de l'islam » et contre « le communisme athée ».
De cette
façon, après l’écrasement du mouvement de guérilla au Dhofar, largement
influencé par la révolution au Yémen du Sud, et après la droitisation et l’échec
du mouvement panarabe (l’Egypte de Sadat a soutenu le sultan Qabous), le champ
de la contestation sociale et contre l’oppression impérialiste a été en grande
partie lassé libre pour l’islam politique, même ses variantes les plus
réactionnaires.
Aujourd'hui,
une partie des travailleurs et des classes populaires dans cette région voit
les courants de l'islam politique comme une réponse à la misère dans laquelle
ils ont été jetés historiquement et aussi comme les « meilleurs »
combattants contre l'oppression impérialiste.
De leur côté,
notamment après les attentats du 11 septembre 2001, les impérialistes utilisent
la lutte contre ces courants islamistes, jadis alliés (comme dans le cas des
Talibans en Afghanistan contre l’invasion soviétique de 1979), pour justifier
des politiques répressives à l'intérieur de leurs frontières et pour alimenter
l'islamophobie qui vie à légitimer leurs interventions militaires au Moyen
Orient et d’autres régions du monde.
Comme on
voit, hier (en utilisant une rhétorique islamiste contre les mouvements
populaires) comme aujourd'hui (en utilisant la lutte contre l'islam politique,
qu’il a lui-même aidé à renforcer, comme prétexte pour réprimer toute
contestation des exploités et opprimés), c’est bien l'impérialisme le principal
ennemi des travailleurs et des classes populaires au Moyen Orient (et ailleurs).
Pamphlet lancé par l'aviation du sultan d'Oman, Qabus ibn Said, en
1973 contre le mouvement de guérilla qui avait lieu dans la région de Dhofar. Extrait
de « Arabia Without Sultans » de Fred Halliday (1974).
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