Lundi
le dictateur égyptien Abdel al-Sissi entamait sa troisième visite
officielle en France depuis 2014. L’Élysée, comme à son habitude, l’a
accueilli à bras ouverts. Un régime ami certes mais avant tout un grand
client de la France.
Il est de notoriété publique que la France sait recevoir ses
amis, notamment les dictateurs qu’elle fait passer pour des démocrates.
C’est un « savoir faire reconnu au monde entier » comme dirait une
ancienne ministre de Sarkozy. Car avant al-Sissi l’Élysée a reçu bien
des dictateurs amis. Hosni Moubarak lui-même. Les vassaux des pays
africains. Même Kadhafi ; même le (maintenant) détesté Bachar al-Assad.
Et ainsi de suite.
Mais on ferait erreur de penser qu’il s’agit d’amitié. Non. Dans la
langue de l’Élysée ami se dit « business » ; les voyages sont des
affaires ; « rencontre » rime avec « contrats ». Et le tout se résume en
des milliards d’euros ou dollars s’il n’y a pas le choix.
Des ONG avaient protesté contre la visite du dictateur égyptien et
les violations répétées des Droits de l’Homme en Égypte. Elles
souhaitaient attirer l’attention en France sur ce qui se passe là-bas.
Le gouvernement avait promis, pour calmer le jeu, que le président
évoquerait ces questions avec son homologue. Résultat : pas de leçons à
donner en matière de Droits de l’Homme selon Emmanuel Macron.
En effet, le président français s’en est sorti avec quelques
pirouettes assez grossières et sans aucune sophistication. Il a déclaré,
dans la conférence de presse conjointe, d’une part que « le sujet
des Droits de l’Homme […] je l’ai considéré dans le contexte égyptien.
[…] je suis conscient du contexte sécuritaire et des conditions dans
lesquelles le président Sissi opère […] il a un défi : la stabilité de
son pays, la lutte contre les mouvements terroristes, la lutte contre un
fondamentalisme religieux violent […] nous n’en pouvons pas faire
abstraction ».
Un argument étrangement très proche de celui donné par Sissi lui-même dans un entretien au Figaro, la veille, à ce propos : « L’Égypte
souhaite atteindre l’équilibre nécessaire entre les droits et les
devoirs des citoyens d’une part, et les défis sécuritaires de la lutte
contre le terrorisme d’autre part. C’est une équation parfois
difficile ». En quelque sorte, il s’agit des mêmes arguments pour
justifier en France la violation des droits démocratiques au nom de la
« lutte contre le terrorisme ».
L’autre pirouette de Macron consistait à affirmer la soi-disant non ingérence de la France : « je
crois à la souveraineté des États. Donc, de la même façon que je
n’accepte qu’aucun autre dirigeant ne me donne des leçons de la manière
de gouverner mon pays, je n’en donne pas aux autres ».
Mais cette défense du régime égyptien, chargée d’hypocrisie et de
cynisme de la part de l’Élysée, masque mal les intérêts réels qui se
cachent derrière cette visite. En effet, la dictature égyptienne est une
alliée de longue date de la France. Et cela même sous Moubarak, avant
qu’il ne soit renversé par un soulèvement populaire en 2011. Mais c’est
après le coup d’État du général al-Sissi à l’été 2013 que les relations
bilatérales entre la France et l’Égypte se sont largement approfondies.
Ainsi, l’Egypte est devenue le second client de l’industrie française
de l’armement, avec des contrats se comptant en milliards, notamment
sous la présidence de François Hollande. D’ailleurs, le dictateur
égyptien devra rencontrer mercredi des patrons français. Et Macron a
annoncé la couleur : « Je souhaite voir les échanges économiques se
développer dans tous les secteurs. Je pense notamment au transport
ferroviaire ou aux énergies renouvelables ». Par ailleurs, plus de
160 entreprises françaises sont implantées en Égypte et emploient près
de 30 000 personnes dans des secteurs très variés : industrie,
agro-industrie, équipements électriques, pharmacie, distribution,
hydrocarbures, tourisme, etc.
Mais l’Égypte est aussi un allié stratégique pour la France en termes
géopolitiques. Ce pays est stratégique pour les puissances
impérialistes, car il possède en quelque sorte un pied au Moyen-Orient
et un autre au Nord de l’Afrique. Région où les inégalités sociales et
les tensions politiques sont une menace en permanence pour les intérêts
économiques et géopolitiques des impérialistes, dont la France.
Tout cela sert à expliquer le très bon et chaleureux accueil que le
gouvernement français a réservé au principal représentant d’une
dictature sanglante, responsable de milliers d’emprisonnements
arbitraires, d’assassinats et de répression contre les masses et les
travailleurs. Abdel al-Sissi est certes un laquais de l’impérialisme
dans la région, mais avec ces « amitiés » le gouvernement de Macron ne
fait que dévoiler le caractère réactionnaire sur toute la ligne de
l’impérialisme français.
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