19.6.17

Escalade. La Russie prête à attaquer les avions américains en Syrie


C’est la première fois depuis 2011 que les États-Unis abattent un avion de l’armée syrienne. Les incidents entre les forces du régime et celles de la coalition internationale se multiplient dans un contexte régional marqué par une escalade de plus en plus dangereuse. La Russie promet de répondre.
Philippe Alcoy

Dimanche dernier, l’armée syrienne a dénoncé les États-Unis pour avoir abattu l’un de ses avions de combats près de la ville de Raqqa, où les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance militaire kurdo-arabe soutenue par les États-Unis, mènent une offensive contre ce bastion de Daesh.

Les responsables militaires américains ont confirmé l’information tout en expliquant qu’il s’agissait d’une réponse face à l’attaque contre ses alliés par l’avion. « Un avion syrien de type SU-22 a largué des bombes près de combattants soutenus par la coalition au sud de Tabqa, et en vertu de nos règles d’engagement et de la légitime défense qui prévaut au sein de la coalition, il a été immédiatement abattu par un avion américain F/A-18E Super Hornet », ont déclaré les responsables militaires nord-américains.

La Russie a dénoncé un « acte d’agression » de la part des États-Unis. « Tout avion, y compris les avions et les drones de la coalition internationale, découverts à l’Ouest de l’Euphrate, sera visé par les défenses anti-aériennes terrestres et aériennes », a déclaré le ministre de la Défense russe. Dans un communiqué, l’armée syrienne a dénoncé que « cette fragrante violation montre qu’il n’y a pas de doute que la position nord-américaine favorise le terrorisme ».
Même si des responsables des deux côtés ont essayé de contenir l’escalade, les tensions sont palpables et de plus en plus fortes.

En effet, ce n’est pas la première fois depuis quelques mois que l’on assiste à une multiplication d’accrochages entre les forces soutenues par les États-Unis et les Occidentaux et les forces du régime. Début avril, Trump avait ordonné l’attaque d’une base aérienne du régime en réponse à l’usage d’armes chimiques, supposément par le régime, contre la population civile. Ces dernières semaines, l’aviation nord-américaine avait abattu également un drone de fabrication iranienne qui volait près des positions de la coalition internationale.

Les forces du régime et les FDS se sont affrontées dernièrement aussi dans l’est et sud-est du pays, vers la zone frontalière avec l’Irak et la Jordanie. En effet, face au recul de Daesh et sa probable perte de Raqqa en Syrie et de Mossoul en Irak, la lutte pour le contrôle des territoires repris à l’organisation islamiste s’intensifie, sous fond de haut risque d’affrontements majeurs entre puissances régionales, voire internationales.



Pour sa part, le régime de Bachar al-Assad cherche à assurer le contrôle de la province de Deir al-Zour, riche en pétrole et gaz. Pour l’Iran, le contrôle de cette zone est stratégique pour créer un axe de ravitaillement liant le Liban, la Syrie, l’Irak et l’Iran. Pour les États-Unis et leurs alliés, il s’agirait de mettre la main sur le pétrole de cette région pour renforcer la position des forces sunnites en Syrie et en Irak.

Il faut ajouter à ces tensions de plus en plus fortes le lancement de plusieurs missiles depuis l’Iran, contre des positions de Daesh en Syrie, le même jour de l’attaque nord-américaine contre l’avion de combat syrien. Le gouvernement iranien affirme que ce lancement de missiles, une première depuis trente ans, est une réponse aux attentats de Daesh contre le parlement et le mausolée de Khomeiny.

Cependant, dans un contexte de tensions de plus en plus fortes, le lancement de missiles depuis l’Iran contre des cibles à l’étranger est aussi un message pour les rivaux régionaux de Téhéran : l’Arabie saoudite, Israël mais aussi les forces nord-américaines stationnées dans la région.

La débâcle lente mais sûre de Daesh est en train de préfigurer les dangers de conflits bien plus dangereux pour les travailleurs et les masses du Moyen-Orient. Alors que les frictions entre les blocs « traditionnels » en lutte s’accentuent, de nouvelles failles apparaissent au sein des blocs, comme la crise autour du Qatar est en train de le montrer. En ce sens, les exercices militaires turco-qataris en sont un autre symptôme inquiétant.

Bien que l’affrontement direct entre les différentes puissances régionales et internationales n’est, pour le moment, ni envisagé ni souhaité par personne, les dynamiques créées par les impérialistes et les classes dominantes régionales pourraient échapper à leur contrôle.

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