23.5.17

Que signifie le tournant « anti-iranien » de Trump ?


Le président Donald Trump essaie d’exploiter la rivalité réactionnaire entre l’Arabie saoudite et l’Iran pour atteindre les objectifs de l’impérialisme nord-américain dans la région, notamment en Syrie.
Philippe Alcoy

Pour son premier déplacement à l’étranger en tant que président des États-Unis, Trump a décidé de faire une tournée à l’image de son gouvernement : profondément réactionnaire. Elle a commencé en Arabie saoudite, puis en Israël et s’achèvera en Cisjordanie, où il rencontrera Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne.

Mais malgré la multiplicité de destinations, le discours était clair : lutter contre le terrorisme et contre l’Iran. Ainsi, devant les représentants de cinquante pays musulmans, alliés du royaume saoudien, Trump a pris des accents de l’ancien président George W. Bush et a déclaré que l’on se trouvait dans une « lutte contre le Mal ». Ensuite, il s’est attaqué directement à l’Iran, l’accusant d’être « responsable de l’instabilité dans les pays arabes », et invitant ces derniers à « isoler l’Iran ».

En Israël, Trump a rappelé les liens « indissolubles » qui lieraient l’État sioniste et les États-Unis et s’est attaqué encore une fois à l’Iran, déclarant que Téhéran ne devrait pas se munir de l’arme nucléaire et répétant que le pays perse était à la base de beaucoup d’instabilités dans la région.

Pour le moment, il n’y a pas eu de réponse officielle du gouvernement iranien face à cette offensive verbale de la part de Trump, en rupture avec la politique de « rapprochement » défendue par Barack Obama. D’ailleurs, ces déclarations de Trump ont lieu au moment où Hassan Rouhani, président iranien « modéré », a été réélu à la tête du pays.

Qu’est-ce que Trump et son gouvernement recherchent avec ces attaques contre l’Iran ? Depuis plusieurs mois, l’administration Trump a démontré qu’elle entend se débarrasser de Daesh en Syrie. Évidemment, ce n’est pas une victoire contre Daesh qui va mettre fin aux groupes et organisations islamistes radicales, ni aux attaques terroristes, et encore moins mettre fin aux conflits armés qui ravagent la région. Mais cela pourrait permettre à Trump de renforcer sa position aux États-Unis, où il fait face à de multiples oppositions.

Au contraire de ce que ses discours laissent entendre, Trump n’a pas intérêt à mettre fin à l’accord sur le nucléaire iranien. Cependant, il doit restreindre le pouvoir de négociation avec les puissances occidentales et l’influence iranienne dans la région. Et cela pour des questions stratégiques : pour vaincre Daesh, Trump a besoin du soutien actif d’acteurs régionaux ; l’Iran n’est pas un partenaire fiable et donc il doit s’appuyer sur les alliés historiques des États-Unis dans la région, notamment l’Arabie saoudite.

Comme affirmé dans un article récent de Stratfor : « l’actuelle position dure du président [Trump] face à l’Iran crée une situation plus propice à faire appel à l’aide de ses alliés sunnites – les adversaires de Téhéran. Ces derniers mois, la Maison-Blanche a poussé ses partenaires du Moyen-Orient, dont l’Arabie saoudite, la Turquie, l’Égypte et la Jordanie, à renforcer leur rôle dans la lutte en cours contre l’État islamique. Bien sûr, Obama s’est efforcé de faire de même, mais il lui manquait une cause commune, que l’hostilité de Trump envers l’Iran a créée, entre ses rivaux sunnites et l’administration états-unienne. Alors que les liens de Washington avec ces États se sont réchauffés, ils se sont montrés plus disposés à se coordonner avec les États-Unis ».

Ainsi, l’administration Trump est en train de revenir à une politique de soutien ouvert à l’Arabie saoudite face à l’Iran, dans leur dispute réactionnaire pour le leadership de la région, et continue d’attiser les frictions entre les deux pays. Certains analystes vont même jusqu’à pointer le risque d’affrontement armé direct entre les deux puissances régionales. En ce sens, il n’est pas étonnant que pendant sa visite, Trump ait promu la signature d’accords de vente d’armements nord-américains au royaume saoudien pour une valeur de 110 milliards de dollars.

Ce sont ces mêmes armes qui servent aujourd’hui l’Arabie saoudite à martyriser le peuple yéménite dans une guerre brutale pour réinstaller son allié au pouvoir contre la rébellion Houti soutenue par l’Iran. Une guerre sauvage qui plonge des millions de personnes au bord de la famine, qui en tue de centaines d’autres par des maladies comme le choléra, mais que Trump a validée, affirmant qu’elle s’inscrit dans la lutte « contre le terrorisme ».

Cependant, ce tournant pro-saoudien et anti-iranien pourrait aussi avoir des conséquences pour les États-Unis dans la région, notamment en Irak. En effet, en Irak, où l’Iran a gagné une grande influence depuis l’échec catastrophique de l’intervention américaine, les États-Unis et ses alliés cherchent à reprendre Mossoul des mains de Daesh. Il est encore trop tôt pour dire quelles seront les conséquences de ces tensions renouvelées quant à la coopération des alliés de Téhéran avec les occidentaux. En Syrie, la même question se pose à propos de l’offensive sur Raqqa.

La politique de Trump, comme celle de ses prédécesseurs, se révèle de plus en plus dangereuse pour les populations du Moyen-Orient. Non seulement elle consiste à soutenir des régimes profondément réactionnaires, mais elle continue d’attiser des rivalités qui ne représentent en rien les intérêts des travailleurs et des couches populaires.

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