Emmanuel
Macron est le président le plus jeune de la Ve République. Son profil
rappelle un autre jeune néolibéral arrivé au pouvoir au début des années
1990 au Brésil, Fernando Collor de Melo. Un précédent qui n’est pas
flatteur.
C’était en 1989 et c’était la première campagne électorale pour
une élection directe du président brésilien depuis 1964, après que les
militaires avaient mené un coup d’Etat dans le pays. En 1985, le pouvoir
avait été transféré à un « gouvernement civil », qui avait été élu
indirectement par un collège électoral restreint. Il y avait beaucoup
d’expectatives.
Le premier tour avait révélé une scène politique éclatée avec 22
candidats. Celui qui est arrivé en tête avec un peu plus de 30% des voix
était Fernando Collor de Melo, un jeune néolibéral de 40 ans, méconnu
du grand public, même s’il avait déjà été élu député, maire d’une grande
ville du nord-est brésilien et gouverneur d’Alagoas.
Derrière lui arrivait Lula Da Silva du Parti des travailleurs (qui
sera élu président en 2002) avec 17% des voix. Lula avait gagné une
grande popularité parmi les classes populaires au Brésil car il avait
été le principal leader de la vague de grèves ouvrières de la fin des
années 1970 sous la dictature au Brésil.
Collor, comme Emmanuel Macron, se voulait l’incarnation du
« nouveau » en politique. Il se présentait comme n’étant « ni de droite
ni de gauche »… toujours comme Macron. Ainsi, dans un clip de campagne
de 1989, il affirmait : « Vous savez que la différence que
l’autre candidat essaye d’établir entre nous deux n’est pas réelle. Il
ne s’agit de droite ou de gauche. Cette discussion est en train d’être
enterrée sous les décombres du Mur de Berlin. La vraie division qui nous
sépare est une seule : une idée vieille contre une idée nouvelle ; une
vision moderne contre une vision arriérée ; celle d’un futur possible
contre un passé déjà testé par exemple en Pologne, en Hongrie, en
Allemagne de l’Est et en Tchécoslovaquie ; un passé qui, comme nous le
voyons, a échoué ».
Ce jeune, beau et moderne politicien néolibéral voulait, tout comme
Macron, « réduire la taille de la machine étatique » pour la rendre
« plus forte et efficace ». Il avait aussi un discours envers les
fonctionnaires recevant des salaires trop faibles comparés à ceux des
hauts fonctionnaires, qui gagneraient « jusqu’à 50 fois le salaire
minimum sans rien faire », mais aussi contre des fonctionnaires
soi-disant « corrompus » et « fainéants », des « touristes de la
fonction publique », selon sa formule. Collor promettait de licencier
tous ces « profiteurs » pour pouvoir augmenter le salaire des « vrais »
fonctionnaires. Cela ne rappelle en rien la « nouveauté » que Macron
propose quand il promet la suppression de 120000 postes de
fonctionnaires.
Finalement, avec 53% des voix contre 47%, Collor s’imposait face à
Lula le 17 décembre 1989. Et il ne perdait pas de temps. Littéralement,
dès le lendemain de son arrivée au pouvoir (le 15 mars 1990), il
commençait à appliquer son programme néolibéral à travers le « plan
Collor ».
L’objectif de celui-ci était soi-disant de lutter contre l’inflation,
mal endémique du capitalisme semi-colonial brésilien. Parmi les
principales mesures, on retrouvait la privatisation des entreprises
étatiques « non rentables », l’indexation des impôts à l’inflation
(1620% en 1990, 472% en 1991, 1000% en 1992), l’augmentation des tarifs
des services publics, l’ouverture du marché interne aux importations, le
licenciement de fonctionnaires, etc.
Mais la mesure qui a marqué ce plan d’austérité brutal a été celle du
blocage pendant 18 mois des comptes d’épargne supérieurs à 50000
cruzeiros (nouvelle monnaie introduite par Collor), autour de 1200
dollars à l’époque. Et cela alors que dans le même clip de campagne déjà
cité, Fernando Collor déclarait : « Être moderne n’est pas
vouloir prendre l’argent que vous avez, avec grands sacrifices, mis sur
votre compte d’épargne ; être moderne n’est pas prendre l’argent qui est
le fruit d’un travail dur et sacrifiécomme veut le faire l’autre
candidat ; être moderne c’est respecter l’épargne, l’épargne est sacrée… ».
Le résultat du Plan Collor a été catastrophique, même pour des
secteurs importants du patronat. Le Brésil est rentré dans une période
de « stagflation » (stagnation et inflation), le chômage a explosé, des
entreprises étatiques ont été privatisées, l’activité industrielle du
pays a diminué face à la concurrence des produits importés… Le
mécontentement contre le gouvernement s’approfondissait. Et la misère
dans le pays aussi.
Finalement, en 1992, Fernando Collor sera destitué par un impeachment
pour cause de corruption : le frère du président dénonce un système de
pots-de-vin de la part d’entreprises à des membres du gouvernement pour
que l’Etat les favorise dans certains contrats, le président lui-même
était impliqué également. Fernando Collor est tombé car corrompu, mais
le fond était les conséquences de sa politique économique désastreuse.
Aujourd’hui en France, 27 ans plus tard, des journalistes et des
commentateurs politiques, suppôts du régime, vantent la jeunesse du
nouveau président français comme un gage de « modernité », de
« renouveau de la vie politique », pour en réalité mieux légitimer sa
politique néolibérale. Comme l’exemple de Fernando Collor au Brésil le
montre, cette « jeunesse », pour les classes dominantes, n’est rien
d’autre qu’un argument de vente d’une vieille et rétrograde politique
néolibérale et pro-patronale.
Pour les travailleurs et les classes populaires c’est un exemple,
lointain géographiquement, mais à avoir en tête. Il s’agit de préparer
la résistance et les luttes face aux attaques qui s’annoncent de la part
du nouveau gouvernement Macron. Mais aussi pour commencer à préparer
une alternative des travailleurs, de la jeunesse précarisée et des
opprimés pour éviter que, face à un éventuel échec du macronisme, ce
soient les capitalistes qui gèrent son remplacement, comme cela a été le
cas de Collor au Brésil en 1992.
Vidéo de campagne de Fernando Collor en 1989 :
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