Lundi
3 avril une explosion dans le métro de St. Petersburg a provoqué la
mort d’au moins 14 personnes et blessé plus de 50. Nous avons interviewé
Kirill Medvedev, militant anticapitaliste du Mouvement Socialiste de
Russie (RSD).
Philippe Alcoy
Les photos de la voiture du métro pétersbourgeois complètement
détruite ont rapidement fait le tour du net. La confusion est encore
importante car personne, ni un groupe ni individuellement, n’a
revendiqué l’attentat. Cependant, la piste terroriste est largement
privilégiée. Et les amalgames commencent déjà à se faire vis-à-vis de la
population musulmane du pays ou venue des pays frontaliers en Asie
centrale.
Comme affirme Kirill Medvedev : « un homme habillé avec des habits
musulmans traditionnels a été aperçu sur les vidéos de sécurité et par
la suite les médias ont largement diffusé sa photo en le présentant
comme un suspect. Il s’est ensuite présenté à la police pour affirmer
qu’il était innocent. Une autre personne retrouvée morte parmi les
victimes a été suspectée d’être un « kamikaze » également à cause de son
apparence « sudiste » [des régions du sud de la Russie où il y a une
grande population musulmane]. Mais, selon les dernières informations, il
s’agit d’une victime comme les autres ».
D’autres informations évoquent un « groupe lié à Daesh qui était
surveillé par les services secrets mais qui aurait réussi à perpétrer
l’une des deux attaques planifiées (un sac avec une bombe non activée a
aussi été retrouvé dans l’une des stations centrales du métro) », toujours selon Medvedev.
Effectivement, le lien entre l’attentat et l’intervention russe en
Syrie est très rapidement établit dans la tête de presque tout le
monde : « le fait est qu’on s’attendait à une réaction de Daesh plus
tôt, quand l’implication russe dans la guerre civile en Syrie et sa
couverture médiatique battaient le plein. Bien sûr, la campagne
militaire n’est pas encore finie et une réponse est toujours possible ».
Medvedev nous fait part également de la méfiance parmi certains membres de l’opposition pour qui « il
semble une étrange coïncidence que l’attentat ait lieu juste après
l’énorme mobilisation anti-corruption du 26 mars dans plus de 100 ville
en Russie. Etant donné que les versions sur l’implication des services
secrets dans l’explosion de maisons à Moscou et dans d’autres villes en
1999 (avant que Poutine arrive au pouvoir comme un « normalisateur »)
sont assez populaires, des analogies peuvent être faites ».
Quant à la réaction du pouvoir et de comment l’attentat sera utilisé Kirill Medvedev estime que « qui
que ce soit qui ait organisé l’attentat, il est clair qu’il va être
utilisé comme un prétexte pour augmenter le contrôle sur Internet, sur
les groupes d’opposition en général, notamment sur la jeunesse qui a
pris part activement dans les dernières mobilisations. Des versions sur
une implication ukrainienne semblent fausses mais on peut les entendre à
la télé – et probablement cela va à nouveau aider à criminaliser les
mobilisations anticorruption du 29 avril prochain sous le prétexte de
‘l’unité nationale contre le fascisme’ ».
Cette situation montre qu’aussi bien en France comme en Russie les
sommes faramineuses dépensées et les mesures répressives pour la lutte
contre le terrorisme ne servent absolument à rien d’autre qu’à limiter
les droits de tous ceux et celles qui se battent. Ainsi, « en tant
que Mouvement Socialiste de Russie nous demandons où sont passés les
millions et milliards de roubles destinés soi-disant à la protection des
personnes du terrorisme mais qui ont été dépensés dans la lutte contre
la jeunesse scolarisée, contre les blogueurs oppositionnels et contre
les transporteurs en grève (il y a quelques jours un camp de 1500
transporteurs du Daghestan ont été encerclés par la Garde Nationale –
des unités spéciales de l’armée créées l’année dernière pour protéger le
régime de tout opposant). Nous affirmons que l’interdiction de
manifestations pacifiques ne signifie pas lutter contre le terrorisme
mais contre le droit du peuple à manifester pacifiquement. L’atomisation
de notre société c’est le principal objectif des terroristes, qui
qu’ils soient. Du coup, nous appelons à l’unité du peuple sur la base de
nos droits en tant que citoyens et en tant que travailleurs », conclut Kirill Medvedev.
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