Ce
dimanche 19 mars, Martin Schulz a été élu, à l’unanimité, Président du
Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) et il se profile comme un rival
sérieux face à Merkel.
Manon Véret et Philippe Alcoy
Il a dépassé le record historique : Martin Schulz a été élu
avec 100% des suffrages. Il devient alors le principal adversaire
d’Angela Merkel, candidate de la CDU (Parti démocrate-chrétien) en vue
d’un quatrième mandat, pour les élections législatives de septembre
2017. Et cela malgré le fait que les sociaux-démocrates et la CDU de
Merkel aient formé un gouvernement de « grande coalition » depuis 2013.
En effet, depuis qu’il se profilait comme le seul prétendant à la
candidature social-démocrate, Schulz a été très bien positionné dans les
sondages. Au coude-à-coude avec Angela Merkel, ces sondages lui
attribuent un peu plus de 30% des intentions de vote au niveau national.
Une popularité qui lui sûrement vient de son parcours « extérieur » à
la politique domestique (il a fait toute sa carrière dans les instances
européennes), du profil « modeste » qu’il affiche : venant en effet
d’une famille modeste, n’ayant pas de diplôme de fin d’études, il se
revendique « du peuple ». Tout cela lui donne un profil proche des
politiciens dits « populistes ».
Pourtant, avant d’être candidat à la chancellerie, Schulz a été
président du Parlement européen. Cela ne fait aucun doute, il est bien
politicien professionnel, autant que Merkel et ses confrères de la caste
politicienne. Paradoxalement, c’est son profil « citoyen du peuple »
qui le fait gagner en popularité, profil qui arrive même à effacer ce
passé bruxellois au grand public. Long passé, on doit dire : 20 ans de
carrière dans les institutions européennes !
A maints égards l’élan de la candidature de Schulz se ressemble au
« phénomèneMacron » en France : homme clairement de l’establishment, de
« l’extrême centre », mais avec un semblant de « nouveauté ». C’est
d’ailleurs un parallèle que l’ancien chef du SPD et vice-chancelier,
Sigmar Gabriel, a lui-même fait ce weekend laissant parler son
imagination et prédisant un « Emmanuel Macron président et Martin Schulz chancelier ».
La presse demande si « l’effet Schulz » est passager ou si cet élan
va se poursuivre et être capable de dépasser Merkel aux élections de
septembre. Face à une chancelière mise à mal par sa droite, à cause de
sa politique soi-disant trop « généreuse » avec les réfugiés mais aussi
par sa gauche après des années de politiques néolibérales, Schulz
apparait comme une option d’alternance.
Cependant, sans compter que rien ne garantit une victoire du SPD en
septembre, arriver devant Merkel ne résoudrait pas tous les problèmes.
Comme on explique dans une colonne d’opinion parue dans le Financial Times : « le
SPD nécessite une victoire décisive dans les élections parlementaires
de septembre pour éviter de devoir former une coalition avec la CDU ou
avec la gauche dure de Die Linke. Ces derniers seraient des partenaires
difficiles pour le SPD étant donné qu’ils sont pro-russes, pacifistes et
hostiles envers l’UE. Un autre « grande coalition » avec la CDU, en
même temps, pourrait se révéler désastreuse pour la démocratie allemande
car cela signifierait que plutôt que de faire face à un choix entre la
droite et la gauche, les électeurs seraient forcés de choisir entre
l’establishment et les populistes ».
L’auteur de l’article conseille par la suite au SPD d’adopter une
posture de type « populiste ». Mais une sorte de « populisme d’extrême
centre » : « Schulz devrait un nouveau type de nationalisme européen –
nationaliste dans la forme, pro-européen sur le fond. Quand Donald
Trump (…) attaquera l’Allemagne à nouveau et menace son économie basée
sur l’exportation, Schulz pourra susciter le patriotisme économique,
tout en soulignant que l’intégration européenne est également la seule
voie plausible pour le développement et la sécurité des autres pays
européens ».
Autrement
dit, des secteurs de la bourgeoisie néolibérale ne verraient pas d’un
mauvais œil que Schulz use de la position économique et politique
dominante de l’Allemagne au sein de l’UE pour épouser un discours ayant
l’air « populiste », jouant même à « l’anti-impérialisme » face aux
Etats Unis, tout en défendant le projet ultra néolibéral de l’UE et les
intérêts l’impérialisme « exportateur » allemand. Ce serait une façon
d’essayer de relégitimer les régimes politiques néolibéraux forgés ces
30 ou 40 dernières années sur le continent à travers une éventuelle
« alternance ». Cependant, rien ne peut assurer que le régime politique
de la « stable » Allemagne ne soit pas déjà rentrée dans une dynamique
d’usure.
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