21.3.17

Le protectionnisme n’est plus un gros mot au G20

 
Après le G20 de ce week-end, les sirènes d’alarmes s’allument en Europe et à Pékin. Le protectionnisme n’est plus « à combattre ». Se dirige-t-on vers une fragmentation du marché mondial ?

Philippe Alcoy

Malgré de longues discussions, des tractations, l’accueil chaleureux du ministre des finances allemand Wolfgang Schäuble, les ministres des finances et présidents des banques centrales du G20 n’ont pas réussi à faire plier leur collègue nord-américain, Steven Mnuchin. Il a été impossible de convaincre les représentants de l’administration Trump d’inclure dans la déclaration finale la mention à la lutte contre tout type de protectionnisme. Une expression présente dans les déclarations du G20 depuis 2005.

Finalement, les États-Unis ont réussi à imposer leur volonté : il n’y a pas eu de mention à la lutte contre « les différentes formes de protectionnisme », juste un engagement à développer les économies nationales à travers le commerce. De quoi alimenter les inquiétudes de certains pays exportateurs comme l’Allemagne et la Chine mais aussi des pays « émergents » comme le Brésil, ainsi la France elle-même. Indigné Michel Sapin a déclaré : « les discussions ont fait apparaître sur deux points un désaccord ; non pas un désaccord du G20, mais un désaccord entre un pays et tous les autres ».

On comprend très bien cette attitude du gouvernement Trump lors du G20 : le protectionnisme est l’un des axes principaux de sa politique économique. Plus précisément il ne s’agit pas de revenir à une sorte d’enfermement pour les États-Unis, mais de renégocier certains accords commerciaux avec des « partenaires », notamment la Chine et l’UE, pour les rendre plus favorables aux intérêts nord-américains.

Parallèlement, Trump espère que sa politique économique protectionniste permettra de créer des emplois et empêcher que des entreprises produisant pour le marché national ne délocalisent leur production. C’est une façon d’essayer d’acheter la « paix sociale » aux États-Unis dans un contexte de profonde polarisation sociale face à la crise économique qui a touché durement des secteurs larges de la classe ouvrière et même des classes moyennes.

En ce sens, les États-Unis ne pouvaient qu’adopter une attitude visant à empêcher de mentionner une quelconque restriction à des mesures protectionnistes. Les dirigeants des autres pays du G20 espèrent pouvoir « assouplir » la position de Trump lors du sommet des chefs d’Etat du G20 en juillet prochain.

Des oppositions de l’UE

En effet, si Trump et son gouvernement voient certaines mesures protectionnistes comme un outil pour faire face à la détérioration de la situation de l’emploi et de l’industrie aux États-Unis, au moins à court terme, pour l’UE le protectionnisme est vu comme un danger très important. Et cela non seulement pour ses exportations vers d’autres régions du monde et notamment vers les États-Unis mais aussi pour l’unité du marché européen lui-même.

En effet, l’UE, la monnaie et le marché communs sont l’achèvement d’un projet lancé après la Seconde Guerre Mondiale. Une victoire pour les grands capitalistes des pays impérialistes du continent. Le discours et les politiques de Trump ont l’effet d’alimenter et renforcer les courants populistes qui se sont développés au cours de la crise économique internationale dans différents pays européens, comme le FN en France.

Ces courants réactionnaires ont trouvé leur salut en combinant un discours xénophobe et une orientation économique protectionniste, anti euro et anti-UE. Comme l’exemple du Brexit l’a montré, l’arrivée au pouvoir de ces partis met en danger le marché commun européen ; le protectionnisme représente un vrai risque de fragmentation du marché européen. Un vrai cauchemar pour les capitalistes européens sans pour autant représenter une bonne nouvelle pour les travailleurs et les classes populaires du continent.

Des oppositions de la Chine

On dirait un scénario d’une pièce de théâtre surréaliste. La Chine, dirigée par un parti soi-disant « communiste » fait figure aujourd’hui de l’un des principaux défenseurs du libre-marché, de l’ouverture des frontières aux exportations. Mais cette posture de la Chine n’a rien de « surréaliste », au contraire. Elle découle de la structure économique du pays complètement dépendante des exportations vers les marchés des pays capitalistes développés, l’UE et les Etats Unis. Les mesures protectionnistes dans ces marchés seraient une catastrophe pour une économie chinoise tournant de plus en plus au ralenti.

Cependant, cette orientation pro ouverture des marchés de la part du gouvernement chinois présente une contradiction importante : bien que la Chine prône le libre-marché pour ses exportations, il en va tout autrement quand il s’agit des importations vers le marché chinois. C’est cela qu’affirme le diplomate du trésor nord-américain Nathan Sheets : « la Chine est en train de se positionner comme un défenseur d’une économie libre et ouverte mais pour que cela soit crédible, la Chine devrait compléter cela avec des pas réels vers l’ouverture et la libéralisation de son économie ».

Deux alternatives contre les travailleurs

Ce que l’on a vu à l’œuvre ce week-end c’est un épisode supplémentaire du débat qui commence à s’installer au sein des classes dominantes entre les « mondialistes » et les défenseurs du « marché national », les protectionnistes. C’est un débat inter-bourgeois qui s’est imposé au milieu du tourbillon de la crise économique internationale à laquelle les gouvernements ne trouvent pas encore une solution durable.

Les partisans du « mondialisme », du néolibéralisme, semblent largement majoritaires pour le moment parmi les classes capitalistes du monde entier. Et ils continuent à prôner les même recettes qui depuis plus de quatre décennies appauvrissent les travailleurs et les classes populaires à travers le monde : privatisations, réduction des dépenses sociales, licenciements, flexibilisation et précarisation du marché de l’emploi.

Mais les solutions proposées en face ne sont en rien favorables aux travailleurs frappés par les politiques néolibérales et la crise capitaliste. Elles proposent de « protéger » le marché intérieur pour préserver les emplois et en créer d’autres. Or, ces mesures ne sont rien d’autre que la protection des grands groupes capitalistes nationaux en échange d’éventuelles créations d’emplois.

Mais ces emplois créés devront être suffisamment précaire et flexibles pour permettre aux capitalistes nationaux d’avoir des prix compétitifs sur le marché mondial. Cela sans compter l’augmentation du coût de la vie avec des produits plus chers. Le tout dans un climat idéologique de « préférence nationale » et donc de mise ne concurrence des travailleurs d’un pays avec ceux d’autres pays, la division de classe ouvrière par des barrières nationales.

Aujourd’hui pas plus qu’hier, les travailleurs et les classes populaires n’ont rien de bon à attendre de ces alternatives capitalistes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire