Philippe Alcoy
Le Memento Park à Budapest est
sans aucun doute l'un des endroits les plus
cyniques et détestables de la ville. Complètement excentré, coincé entre deux
entreprises de matériaux de BTP, dans une zone isolée, cet endroit est censé
concentrer certains monuments de « l’ère communiste » qui étaient
autrefois éparpillés un peu partout dans Budapest. On reconnait l’esthétique
stalinienne, l’affreux « réalisme socialiste ». Le tout teinté d’un
certain culte de la personnalité. Marx, Engels, Lénine carrés et oxydés.
Mais le Memento Park est plus que
cela. C’est l’une des expressions les plus claires de ce que l’on pourrait appeler
le « triomphalisme capitaliste », roi durant les années 1990
notamment après l’effondrement de l’URSS et des régimes dits communistes d’Europe
Centrale et de l’Est.
En effet, au début des années
1990 s’est posée la question pour les autorités de Budapest sur que faire avec
certains monuments communistes avec une certaine valeur artistique. L’idée
retenue a été celle de les mettre tous ensemble dans un « parc ».
Loin, très loin du centre de la ville. Loin des regards du quotidien des
habitants ; loin du regard curieux des touristes. Il fallait faire disparaitre
littéralement le « communisme » des têtes et avancer rapidement, très
rapidement, vers l’instauration solide du capitalisme. « Irréversible »
qu’on appelait ce processus.
Mais dans cette frénésie
anti-communiste primaire tout y est passé. Même « Les bottes de Staline ».
Or, « Les bottes de Staline » étaient à la base une statue géante de
Staline qui a été mise à bas par les travailleurs et les jeunes
révolutionnaires le 23-24 octobre 1956, jour du début de l’héroïque Révolution des Conseils. Une révolution
ouvrière et populaire socialiste et clairement antistalinienne. Une révolution
dont le nouveau pouvoir capitaliste et pro-impérialiste n’hésite pas à s’approprier
en réécrivant l’histoire et la présentant comme la « prémisse » de ce
qui allait arriver en 1989.
Autrement dit, le pouvoir
restaurationniste a même enlevé du centre de la ville l’un des symboles les
plus importants de la révolution de 1956 qu’il aurait pu revendiquer
hypocritement. Mais la réalité c’est que le véritable souvenir de cette
révolution reste trop dangereux et gênant pour les classes dominantes actuelles
en Hongrie. Et effectivement elles ont raison de le craindre.
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