2.2.17

#PenelopeGate. François Fillon, Michelle Alliot-Marie et la dictature communiste



Philippe Alcoy

« Moi, vous savez, j’ai connu un régime en Europe centrale dans lequel, à partir du moment où on était l’enfant de quelqu’un de diplômé, on n’avait pas le droit d’aller à l’université : c’était le régime de Ceausescu… ». Mais qu’est-ce qui met dans une telle colère Michelle Alliot-Marie pour qu’elle ressorte ainsi l’artillerie lourde « anti-communiste » ? Qu’on enquête sur les affaires douteuses du candidat de la droite, François Fillon, et de sa famille. Ni plus ni moins. Mais avec ce type de défense…

Alors que jour après jour les révélations ne font qu’enfoncer un peu plus dans la crise le candidat des Républicains, ses amis politiques et soutiens ne savent plus quoi faire pour protéger leur « champion ». C’est la dégringolade dans les sondages et pour la première fois il est donné éliminé dès le premier tour à la faveur du populiste néolibéral Emmanuel Macron.

Alors il faut faire marcher l’imagination. Et Michelle Alliot-Marie, « MAM », semble en avoir une débordante et pour le moins tordue. Son artifice consiste à essayer de renverser la situation et présenter les investigations sur le probable emploi fictif de Penelope Fillon et sur les « jobs » à 4000 euros par mois des enfants Fillon comme une « atteinte à la démocratie ». « Un jour ou l’autre, on va finir par dire qu’il est anormal qu’un commerçant travaille avec ses enfants, ou qu’un artisan travaille avec ses enfants, ou qu’un industriel travaille avec ses enfants, ou qu’un acteur travaille avec ses enfants, ou qu’un journaliste travaille avec ses enfants. Je pense qu’à partir du moment où quelqu’un a un travail à effectuer et qu’il l’effectue bien, on n’a pas besoin - et c’est même dangereux - de regarder qui il est exactement », dit MAM dans la même interview.

Donc, selon le raisonnement de MAM, le « PenelopeGate » ne serait pas une preuve de la corruption de la « classe politique » mais du risque dans lequel se trouverait la France de tomber dans une « obscure dictature communiste », à l’image de celle de Nicolae Ceaucescu en Roumanie. « Trop de transparence tue la transparence » semble dire MAM par un classique détour rhétorique.

Définitivement, les dictatures ce n’est pas le point fort de Michelle Alliot-Marie. Alors que celle-ci semble très inquiète du « risque dictatorial » en France, on se rappellera qu’elle a dû quitter son poste de ministre des affaires étrangères quand en 2011 elle a proposé, au beau milieu du processus révolutionnaire en Tunisie, à l’ex-dictateur Ben Ali le « savoir-faire reconnu dans le monde entier » des forces de répression françaises pour « ramener le calme » dans cette ancienne colonie de la France. D’ailleurs, à l’époque, on n’a pas manqué de lui rappeler ses vacances chez son ami Ben Ali, à qui elle souhaitait très probablement épargner le « risque de tomber dans une dictature ».

Mais, si la défense de Fillon par MAM semble en réalité l’enfoncer davantage, en quoi pourrait-on comparer l’affaire Fillon avec les dictatures que l’on a connues dans les pays de l’Est de l’Europe qu’on appelait « communistes » ? En fait, dans ces pays une couche bureaucratique était au pouvoir et jouissait d’un niveau de vie bien au-dessus de la moyenne des couches populaires. Ces privilèges étaient liés aux postes que les membres de cette bureaucratie avaient dans l’appareil d’Etat et dans le parti. Préserver ces postes était une question de survie. A chaque purge, les purgés tombaient en disgrâce politique, sociale et économique car ils ne possédaient pas de titre de propriété.

En effet, l’une des contradictions dans laquelle ils se trouvaient était celle de la « reproduction sociale ». Il s’agissait d’Etats où l’on avait exproprié les capitalistes, aboli la propriété privée et nationalisé les moyens de production. Donc, pour les membres de la bureaucratie, la seule façon de garantir que leurs enfants et parents proches puissent jouir comme eux de privilèges était de les intégrer à l’appareil d’Etat et bien entendu du parti. Le degré de corruption et de népotisme dans ces Etats était immense et une source profonde de mécontentement populaire.

François Fillon est un politicien professionnel, une figure qui partage certains aspects importants avec la figure du bureaucrate de ces Etats prétendument « communistes ». C’est en ce sens que même si le travail de Penelope se révélait, mettons, « non fictif » et que celui de ses enfants était justifié par, comme dirait MAM, leur « compétence », le niveau de népotisme n’en resterait pas moins impressionnant. Comme ces dictateurs « communistes », Fillon, pour assurer la « reproduction sociale » de sa famille, semble très soucieux d’intégrer dans l’appareil d’Etat son épouse et ses enfants.

Cependant, Fillon est un politicien professionnel, un « bureaucrate », dans le cadre d’un Etat capitaliste, impérialiste. Ainsi, si une partie importante de ses revenus et privilèges lui vient des positions politiques qu’il occupe au sein de l’appareil d’Etat, il peut en même temps transformer ces privilèges et salaires (très) élevés en capital, en patrimoine. Il peut accumuler des richesses et même se donner le privilège, à la différence des bureaucrates communistes, de ne pas forcément intégrer sa famille à l’appareil étatique. Même si un petit « job » pour « se faire de l’argent de poche » ne fait de mal à personne.

Les capitalistes ont besoin d’un personnel politique capable de défendre leurs intérêts en propre et exclusivement. C’est pour cela qu’ils ont besoin de politiciens riches et privilégiés. La bourgeoisie en général a besoin de politiciens bourgeois. C’est pour cela que dans cette campagne présidentielle aussi il faudra faire entendre une voix anticapitaliste qui exige que tous les politiciens gagnent le même salaire qu’un ouvrier qualifié et mette fin à tous les privilèges des politiciens professionnels. C’est le seul moyen d’éviter que la politique devienne un « métier » que l’on embrasse pour s’enrichir. Voilà le type de communisme que Michelle Alliot-Marie et sa classe craignent vraiment.

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