Philippe Alcoy
Face au projet du gouvernement roumain de décriminaliser les actes
de corruption « légers » (moins de 44 000 euros) la gronde avait
commencé forte avec des mobilisations massives dans tout le pays. Mais
c’est à partir de la semaine dernière, quand le gouvernement de
coalition dirigé par les sociaux-démocrates a décidé de passer en force,
que nous avons assisté aux manifestations les plus importantes depuis
la chute de Nicolae Ceausescu. Ce dimanche le gouvernement, sous la
pression de la rue, a finalement abrogé son décret. Une première
victoire de la rue sans aucun doute.
Cependant, malgré cette annonce, la manifestation la plus
massive depuis le début de la contestation a eu lieu ce dimanche soir.
Dans tout le pays on estime qu’entre 500000 et 600000 personnes sont
descendues dans la rue. Rien qu’à Bucarest, la capitale roumaine,
quelques 300000 personnes ont envahi le quartier du parlement.
Pour beaucoup de manifestants il s’agissait de rester mobilisé tant
que les plans du gouvernement soient clairs et qu’il n’essayera de faire
passer cette mesure honteuse par d’autres voies. En effet, le Parti
Social-Démocrate et ses alliés gouvernementaux possèdent une confortable
majorité au parlement et pourraient essayer de faire passer les « lois
de l’impunité » par des voies plus « conventionnelles ».
En effet, comme nous affirmions dans un article de 2015 sur le retour des mobilisations sociales en Europe centrale et de l’Est : « ce
que l’on appelle habituellement « l’Etat de droit » est complètement
faible dans ces pays. Non seulement les travailleurs, mais les masses en
général, ne peuvent pas faire confiance aux institutions (Justice,
parlement) qui sont complètement inféodées à des gouvernements ou
oligarques(…) La complicité qui existe entre (…) la Justice et les
grandes fortunes locales et les entreprises multinationales se présente
complètement ouvertement, sans aucun scrupule (…) Cette situation
représente un problème même pour les capitalistes, étant donné que la
corruption et l’absence de toute indépendance, ne serait-ce que de
forme, entre les institutions de l’Etat, les gouvernements et les
classes dominantes locales crée les bases pour des possibles crises de
légitimité de l’Etat. Et cela pourrait se développer non seulement parmi
les travailleurs, mais aussi parmi les classes moyennes, y compris ses
couches les plus privilégiées. Ce n’est pas par hasard que des ONGs, des
fondations et des dirigeants impérialistes insistent autant sur
l’importance de renforcer « l’Etat de droit » et la lutte contre la
corruption dans ces pays ».
En ce sens, le recul du gouvernement roumain face à la mobilisation
des masses est un message très encourageant pour les travailleurs et les
classes populaires en Roumanie, même si pas encore suffisant pour
mettre fin au parasitisme de la caste politicienne professionnelle.
Cependant, cet exemple pourrait avoir des conséquences ailleurs aussi,
étant donné que la corruption est un phénomène étendu et inhérent au
capitalisme par les liens existants entre le personnel politique et les
classes dominantes. Le « Penelope Gate » en France n’est qu’un exemple
parmi tant d’autres à travers le continent.
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