10.1.17

Mexique. Des milliers dans les rues contre le « gasolinazo » de Peña Nieto



Philippe Alcoy
 
« Qu’est-ce que vous auriez fait à ma place ? ». C’est surtout cette petite phrase que l’on a retenue du discours de près de huit minutes du président mexicain Enrique Peña Nieto, adressé à tout le pays vendredi dernier pour convaincre que sa mesure antipopulaire relevait du « bon sens ». Rien n’y a fait. Entre moqueries et profond mécontentement, les travailleurs et les classes populaires du Mexique ont intensifié les manifestations ce week-end contre l’augmentation de 20 % du prix de l’essence.


Depuis près de dix jours, des barrages de routes, des manifestations massives, des affrontements avec la police et même des pillages ont eu lieu dans le pays entier (puisque 29 des 32 États mexicains sont touchés par l’agitation sociale). Selon la police, il y a eu plus de 1500 blessés et au moins six morts déjà. La raison : l’augmentation du jour au lendemain du prix de l’essence.

Cette mesure prise par le gouvernement de Peña Nieto viserait soi-disant à réduire les dépenses de l’État qui perdrait des milliards de pesos mexicains en subventionnant l’essence alors que le prix du brut ne cesserait de croitre. La réalité est que cette mesure va affecter la vie de millions de travailleurs à travers le pays. Le président a affirmé dans son discours de vendredi dernier que celle-ci cherchait à faire payer les secteurs « privilégiés » de la société, qui tireraient profit d’un prix de l’essence subventionné. Or les masses comprennent très bien que le patronat déchargera l’augmentation des coûts de production sur les secteurs populaires en faisant augmenter les prix.

Cependant, le rejet profond de cette mesure impopulaire et antisociale de la part de travailleurs et des masses s’explique par un large mécontentement vis-à-vis de la corruption et de la politique que le gouvernement mène depuis quatre ans. D’ailleurs, l’une des causes principales des difficultés économiques liées au prix de l’essence est la privatisation progressive de la compagnie nationale de pétrole, Pemex. Malgré le fait de produire autour de deux millions de barils de pétrole par jour, le pays est aujourd’hui devenu dépendant des importations de pétrole.

Face à la mobilisation, que certains analystes qualifient déjà d’historique, le gouvernement se trouve paralysé. Il a très peu de marge de manœuvre et persiste dans sa politique pro-impérialiste et pro-patronale. En effet, il exclut (pour le moment) toute possibilité de trouver des fonds, notamment à travers une augmentation des impôts des entreprises et des grandes fortunes. Selon Peña Nieto, cela ferait fuir les capitaux et les investisseurs étrangers. Il n’a même pas essayé de faire des promesses démagogiques sur telle ou telle mesure en faveur des familles pauvres pour compenser la hausse de l’essence.

Et pour cause. Sa politique consiste à annuler les subventions de l’État sur le prix de l’essence pour l’aligner avec le prix du marché. Autrement dit, garantir de juteux profits aux oligopoles multinationaux du secteur au détriment des souffrances de la population travailleuse.

À tout cela il faudrait ajouter les conséquences d’une situation économique très difficile dans le pays où la croissance reste très molle (2% en 2016) et risque de baisser encore en 2017, et où le peso mexicain se dévalue jour après jour depuis que Donald Trump a été élu sur la base, entre autres, d’un discours protectionniste particulièrement agressif contre le Mexique. Ces derniers jours d’ailleurs, et sans même avoir encore pris ses fonctions, un simple tweet de Trump a suffi pour suspendre un plan d’investissement de Ford de 1,6 milliards de dollars au Mexique. D’autres multinationales comme Toyota, GM ou encore Carrier, ont également été menacés par le prochain président nord-américain au cas où elles décideraient d’investir au Mexique plutôt qu’aux États-Unis.

Face à cette attitude agressive de l’impérialisme envers le Mexique, le président Peña Nieto a affirmé tout simplement dans son discours de vendredi vouloir travailler étroitement avec le nouveau gouvernement de Trump, affirmant encore une fois son caractère de soumission au capital étranger.

Tous ces éléments s’ajoutent au discrédit de Peña Nieto, notamment après la disparition forcée des 43 étudiants d’Ayotzinapa. Et c’est précisément cela qui alimente la révolte en cours. Les travailleurs et les classes populaires mexicaines ont raison de se mobiliser contre cette mesure antisociale. Une victoire face au gouvernement pro-impérialiste de Peña Nieto serait ainsi un très bon « message de bienvenue » pour le gouvernement de Trump, de l’autre côté de la frontière.

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