Philippe Alcoy
« Make America great again », « America first ». Il y a
longtemps que le discours d’un président de la principale puissance
mondiale n’avait pas été aussi ouvertement nationaliste. Et la
traduction économique de cette soi-disant opposition aux politiques du
« libre marché internationalisé » s’appelle protectionnisme. Et
celui-ci, appliqué par une puissance impérialiste, provoque
inévitablement des frictions, aussi bien avec ses
partenaires-concurrents qu’avec les pays soumis à sa domination.
Donald Trump n’assumera son poste de président des
Etats-Unis que le 20 janvier prochain mais il commence déjà à essayer
d’appliquer certaines de ses promesses de campagne. A défaut de pouvoir
le faire depuis la Maison Blanche il le fait au travers de tweets
ciblés.
Ainsi, à la suite d’un de ces tweets, le constructeur nord-américain
Ford a fait marche-arrière sur un plan d’investissements d’1,6 milliards
de dollars au Mexique. D’autres multinationales ont pris des décisions
allant en ce sens également. Cependant, contrairement aux apparences,
tout cela pourrait se révéler une illusion. En effet, au-delà des gages
que Trump pourrait être en train de leur donner, il est très probable
que les multinationales soient en train d’attendre pour voir comment se
mettront en place concrètement les politiques de la nouvelle
administration.
Pour Trump, il s’agit également d’essayer d’avoir quelques résultats
rapides pour pouvoir faire pression sur les dirigeants du Parti
Républicain encore méfiants vis-à-vis de lui. On ne doit pas oublier que
Trump n’a pas gagné le vote populaire (Hillary Clinton a obtenu près de
3 millions de voix de plus que lui) et qu’il est faible au Congres,
même parmi les députés de son parti. Obtenir des promesses de créations
d’emplois et/ou réussir à stopper des fermetures d’entreprises aux
Etats-Unis ou des investissements dans des pays qui produisent pour le
marché américain est fondamental pour lui. Cela lui permettrait de se
renforcer parmi son électorat populaire, de gagner éventuellement
d’autres secteurs de la population pour le moment neutres ou hostiles à
lui, et de renforcer sa position face au Congres.
Même si, dans l’état actuel des choses, l’efficacité de cette
politique de « relocalisation » est contestée par plusieurs analystes,
le plus dangereux ce sont les conséquences politiques et géopolitiques
que celle-ci pourrait avoir. Imposer des taxes sur des produits importés
est une politique dont la légalité pourrait être contestée au niveau
international, mais surtout qui pourrait créer des frictions avec des
pays partenaires-concurrents.
En effet, pour le moment cela a été relativement facile pour Trump de
« montrer ses muscles » face au Mexique, un pays semi-colonial avec un
gouvernement complètement soumis à l’impérialisme comme celui d’Enrique
Peña Nieto. Ce sera autre chose avec la Chine ou encore avec les
puissances exportatrices de l’Union Européenne comme l’Allemagne. Le
risque de frictions géopolitiques et de « guerres commerciales » sont
bien réels et terrifient les capitalistes, aussi bien aux Etats-Unis
qu’à l’étranger.
Un autre résultat de cette politique nationaliste et arrogante,
« l’Amérique d’abord », est le réveil d’un sentiment « antiaméricain »
répandu à travers le monde. C’est d’ailleurs une conséquence inévitable
d’une politique de défense agressive des intérêts d’une nation
impérialiste comme les Etats-Unis, mais ce serait pareil pour
l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou évidemment la France.
En ce sens, face au protectionnisme de Trump il pourrait y avoir,
d’une part, une réponse réactionnaire parmi les masses, notamment dans
les pays impérialistes ou dans les puissances mondiales comme la Chine
ou la Russie : une montée du nationalisme chauvin. D’ailleurs, le Financial Times
écrivait cette semaine sur les inquiétudes du gouvernement de Pékin
pour contrôler les tendances nationalistes qui se développent dans le
pays face aux frictions grandissantes avec les Etats-Unis.
Cependant, d’autre part, il pourrait également se réveiller un fort
sentiment anti-impérialiste, notamment dans les pays semi-coloniaux et
dominés par l’impérialisme comme le Mexique. En effet, alors que le pays
se trouve bouleversé par les mobilisations populaires contre le « gasolinazo »
imposé par le gouvernement, parmi les manifestants il y a également un
grand rejet de Trump et un certain sentiment anti-impérialiste alimenté
notamment par les dernières décisions des multinationales de ne pas
investir au Mexique sous la menace du président élu nord-américain.
Les politiques nationalistes agressives de Trump n’annoncent rien de
bon pour les opprimés et les exploités, ni au sein des Etats-Unis ni à
travers le monde. Le protectionnisme et le nationalisme chauvin et
raciste sont une réponse profondément réactionnaire de la part d’un
secteur de la bourgeoisie face aux inquiétudes légitimes des
travailleurs et des secteurs des classes moyennes les plus touchés par
la crise économique internationale. Le problème c’est que pour le
moment, il n’y a aucune alternative qui réponde réellement à ces
inquiétudes c’est-à-dire d’un point de vue de classe, internationaliste
et surtout profondément anti-impérialiste.
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