Philippe Alcoy
Lundi, les déclarations de Donald Trump sur l’Union européenne
faisaient la Une des principaux journaux internationaux. C’était la
première fois qu’il s’adressait aussi directement à l’Union européenne
et notamment à l’Allemagne, depuis qu’il a été élu président des
États-Unis. Ses propos ont été particulièrement agressifs à l’égard de
l’Allemagne. Mais Trump pourra-t-il aller au-delà de ses déclarations ?
Vulgaire xénophobe
C’est à deux journaux conservateurs que Trump a répondu sur l’Europe : le britannique The Times, dont le représentant était l’ancien ministre conservateur Michael Gove, et à l’allemand Bild,
dont les prises de position xénophobes et nationalistes sont devenues
célèbres. Il y développe d’abord toute une série d’affirmations racistes
contre les réfugiés.
Pour Trump, la politique soi-disant « accueillante » d’Angela Merkel vis-à-vis des réfugiés serait en effet une « erreur catastrophique » : « Je
pense qu’elle [Merkel] a commis une erreur catastrophique en prenant
tous ces illégaux, vous savez, prendre toutes les personnes d’où
qu’elles viennent. Et personne ne sait d’où elles viennent ». Puis, cyniquement, il lance : « les gens ne veulent pas que d’autres gens viennent dans leur pays et les dérangent ».
Comme si les guerres et la misère que les migrants fuient n’étaient pas
largement de la responsabilité des interventions des armées
impérialistes au Moyen-Orient, en Afrique et partout dans le monde.
Mais Trump ne s’arrête pas là. Pour lui, le Brexit serait également le résultat de la politique migratoire de l’UE : « Les
individus et les pays veulent leur identité. Les Britanniques voulaient
leur propre identité. Je pense sincèrement que s’ils n’avaient pas été
contraints de prendre tous ces réfugiés – avec tous les problèmes qui
vont avec –, alors il n’y aurait pas eu de Brexit ». Comme si
« l’identité » d’une puissance impérialiste comme la Grande-Bretagne
était menacée par quelques milliers de migrants.
La réalité, c’est qu’aussi bien en Europe qu’aux États-Unis, Trump
essaie de dévier les vraies inquiétudes de classes populaires (chômage,
dégradation des conditions de vie et de travail, etc.) vers la haine
contre les étrangers, accusés de « voler » le travail et d’être
responsables des souffrances des travailleurs et des masses. Une vieille
et vulgaire technique des capitalistes pour diviser les exploités. Et
quand cela ne sera plus suffisant pour contenir le mécontentement
populaire, ils ne tarderont pas en trouver « l’ennemi intérieur » dans
le « camp national » (fonctionnaires, travailleurs en CDI, etc.).
Protectionnisme anti-allemand
Mais alors que pour s’acharner contre les migrants, Trump n’hésite pas à présenter le Brexit comme une « mauvaise nouvelle »
apportée par les réfugiés, il ne se gêne aucunement ensuite de
féliciter la Grande-Bretagne pour avoir voté le Brexit… afin de
s’attaquer à l’Allemagne. En effet, pour Trump l’UE n’est qu’un « véhicule pour l’Allemagne ». Et c’est précisément pour cela que le Brexit a été une « décision intelligente » de la part des Britanniques. Et de prédire que d’autres pays suivront.
Mais pour Trump, ces déclarations ne cherchaient pas vraiment à
proposer un autre « modèle » pour l’UE, mais bien à s’attaquer à
l’Allemagne et notamment aux exportations allemandes vers les
États-Unis. Alors que la semaine dernière, le président élu des
États-Unis s’était attaqué à Ford, General Motors et Toyota vis-à-vis de
leur production au Mexique destinée au marché nord-américain, cette
fois il a décidé de menacer les constructeurs allemands. Il déclare : « je
voudrais dire à BMW que s’ils construisent une usine au Mexique et
veulent vendre des voitures aux États-Unis sans payer 35% de taxes par
voiture, ils peuvent oublier. S’ils veulent fabriquer des voitures pour
le reste de la planète, je leur souhaite le meilleur. Ils peuvent
construire des voitures pour les États-Unis. Mais ils vont payer 35% de
taxes par voiture exportée aux États-Unis. Ce que je suis en train de
dire, c’est qu’ils doivent construire leur usine aux États-Unis ».
Évidemment, ces déclarations ont provoqué des réponses côté allemand.
Ainsi, le vice-chancelier allemand et ministre de l’économie, le
social-démocrate Sigmar Gabriel, a déclaré : « au lieu de pénaliser les constructeurs allemands, les États-Unis feraient mieux de produire de meilleures voitures ».
En effet, si ces déclarations deviennent une politique concrète, le
risque de guerre commerciale est grand. Et contrairement aux menaces
touchant directement le Mexique, pays semi-colonial, Trump a maintenant
décidé de passer à l’offensive directement contre l’une des puissances
impérialistes les plus importantes du monde. Mais, dans une éventuelle
guerre commerciale avec des mesures protectionnistes, les travailleurs
n’auraient rien d’autre à gagner, d’un côté comme de l’autre, si ce
n’est l’inflation de produits de la vie courante, des fermetures
d’usines suite à la « perte de marchés », et surtout un nationalisme
chauvin rampant pouvant mener à des conflits armés majeurs entre
puissances mondiales.
La Grande-Bretagne, futur « agent » de Trump contre l’Allemagne ?
Lors de cette interview, Trump s’est montré très élogieux et
intéressé afin de rapidement arriver à un accord commercial avec la
Grande-Bretagne. Dans ce tournant plus conflictuel avec l’UE, et
notamment avec l’Allemagne, Trump semble voir dans la Grande-Bretagne un
allié privilégié en Europe.
En effet, alors que le Brexit posait clairement un risque d’isolement
international et de perte d’influence internationale de l’impérialisme
britannique, ce tournant politique aux États-Unis pourrait offrir une
nouvelle voie à la classe dominante en Grande-Bretagne après sa sortie
de l’UE. Mais cette option impliquerait une relation plus conflictuelle
avec ses « partenaires-concurrents » de l’UE, et peut-être une
dépendance plus forte du soutien d’un gouvernement nord-américain
« hostile » à l’Europe.
Cependant, tout cela reste des hypothèses. Pour le moment, tout le
monde attend de voir quelles seront les politiques effectives de Trump
une fois celui-ci installé à la Maison-Blanche. C’est à ce moment-là que
l’on verra le passage concret des tweets et des déclarations aux actes.
Et c’est là que les vrais problèmes commenceront.
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