Philippe Alcoy
Ces derniers jours, les Unes des journaux internationaux ont été
largement occupées par la prochaine arrivée de Donald Trump à la
Maison-Blanche et par le discours de Theresa May sur son plan
stratégique pour mettre en place le Brexit. Cependant, soudainement,
l’élection présidentielle française s’y est invitée également, notamment
à travers des articles et interviews de la « nouvelle star politique »
hexagonale : Emmanuel Macron. Que dit la presse internationale sur le
jeune candidat néolibéral de En Marche ?
En effet, ces dernières semaines les sondages ont montré
une forte progression du candidat Macron. Avec un discours démagogique
affirmant n’être « ni de gauche ni de droite », portant un programme
clairement néolibéral – dans la continuité de son action en tant que
ministre de l’Économie – il apparaît aujourd’hui comme la « star » de la
course à la présidence en France. Un candidat qui, tout en se
présentant comme un « outsider », porte profondément les valeurs de
l’establishment politique et économique. Un vrai « populiste de
l’extrême centre ».
Ainsi, Foreign Policy donne le ton dès le début de son article très élogieux sur le candidat d’En Marche : « Il
est le dernier grand espoir français pour un futur européen basé sur un
marché commun et une morale commune, une monnaie unique et un
engagement particulier avec les valeurs centrales du continent ». Pas moins enthousiaste se montre le Financial Times, considérant que « Macron était
inconnu du public jusqu’à il y a trois ans (…) Mais en décembre plus de
12 000 personnes ont assisté à son meeting à Paris, une participation
saluée comme une démonstration de force pour un novice en politique. Et
l’enthousiasme semble avoir gagné la province où des milliers de
personnes font la queue pour l’écouter ».
Même le journal social-libéral britannique The Guardian,
qui ces derniers temps montrait des signes d’inquiétude face à la
montée du populisme et du sentiment anti-Union européenne, notamment
après le Brexit, voit en Macron une alternative. On s’y félicite du fait
que Macron s’oppose au discours nationaliste du FN et que dans ses
meetings les gens viennent avec des drapeaux européens. Voulant croire à
l’homme providentiel des valeurs du libéralisme, on y affirme : « Macron
est libéral sur le plan économique et un réformiste pro-marché, mais il
est fermement à gauche sur les questions sociales, dont la liberté de
pratiquer sa religion dans un État neutre, l’égalité et l’immigration ».
Pour Foreign Policy, cela est clair aussi. Ce serait même
l’atout de Macron face à Marine Le Pen et Fillon qui tombent dans le
nationalisme, même dans le cas du candidat des Républicains. Et cela
s’applique aussi pour le PS : « les anciens collègues de Macron du
Parti socialiste ont fait très peu pour se maintenir à la marge de ces
déclarations. Particulièrement leur principal candidat, l’ancien Premier
ministre Manuel Valls (…) a appelé à interdire le « burkini » (…)
lançant des avertissements aux musulmans français pour qu’ils soient
plus « discrets » (…) Valls a été également inflexible sur la politique
de l’immigration (…) Faisant écho à son ennemie Le Pen, il a déclaré :
l’Europe ne peut plus accueillir des réfugiés (…) Alors que pour Le Pen
et Valls les réfugiés sont vus comme un fardeau, Macron a insisté sur le
fait qu’ils représentent une « opportunité économique » pour la France
et pour l’Europe ».
Le New York Timesprésente
également Macron sous un angle positif, mais de façon plus modérée. En
effet, on y met l’accent sur sa capacité à attirer des vieux dirigeants
du PS et du centre, ainsi qu’une partie de leur électorat et
sympathisants/militants. Aussi, on remarque que Macron réussi à
installer l’idée d’un soi-disant « dépassement » du clivage
droite-gauche et à apparaître comme une nouveauté politique et à plaire
largement, malgré son parcours très élitiste.
Sur ce point, le journal italien La Repubblica,
dans une longue interview publiée cette semaine, pose la question à
Macron sur la contradiction de vouloir être le « candidat du peuple » et
d’avoir travaillé dans une banque d’affaires. Et celui-ci répond : « Venez
voir mes meetings. Ces derniers jours, j’étais en Bourgogne, à
Clermont-Ferrand, j’ai rassemblé plus de soutiens que les candidats
socialistes ou Le Pen. Et je vous assure qu’ils n’étaient pas tous des
entrepreneurs ou des professionnels libéraux ».
Pour le Financial Times, le succès de Macron réside dans le fait que, face aux discours de la droite populiste, il offre un « petit
espoir d’un remède rapide et sans désigner des boucs émissaires (…)
Dans un pays visé par des extrémistes islamistes et où l’on prédit que
Marine Le Pen sera au second tour des élections présidentielles basée
sur un programme identitaire et sécuritaire, Macron a désorienté les
analystes politiques en se focalisant sur l’économie et la promesse de
faire revivre la mobilité sociale en France ».
Évidemment, le journal de la ville de Londres n’oublie pas de le
féliciter pour s’attaquer à certains « tabous » en France et pour
désigner les coupables des « malaises économiques » : les
« privilégiés » qui jouissent de la protection et la régulation de leurs
conditions de travail (fonctionnaires, CDI, etc.) et qui s’opposent aux
jeunes en CDD et les habitants des banlieues délaissées. Au moins la
stratégie de division des exploités est claire.
Cependant, malgré leur enthousiasme, tous les journaux préfèrent
émettre quelques précautions sur la candidature du jeune néolibéral. Le Financial Times
par exemple, considère que le point faible de Macron est
potentiellement son programme sur les sujets phares des autres
candidats : « face à Le Pen et Fillon, Macron devra se battre pour
apparaître crédible sur les questions de sécurité, d’identité et
d’immigration ». Le New York Times prévient que « plus le
programme de réformes de Macron deviendra clair, notamment sur comment
il entend réduire les dépenses publiques, plus dur sera que cela fasse
consensus dans l’ensemble de la société ». Les seuls qui paraissent les
plus optimistes sont les rédacteurs de Foreign Policy pour qui « à
la différence de la Grande-Bretagne [Brexit] et des États-Unis [Trump],
la chose étrange en France pourrait en être une incomparablement plus
optimiste, peut-être pour toute l’Europe ».
Effectivement, la candidature de Macron commence à apparaître pour
beaucoup comme celle qui pourrait freiner l’avancée de l’extrême droite
populiste de Marine Le Pen. Il apparaît comme une « nouveauté » certes,
mais ce n’est pas uniquement cela qui lui permet potentiellement de
concurrencer le FN. Une autre clé est le fait d’axer sa campagne sur des
réponses néolibérales (et réactionnaires) aux principales inquiétudes
des classes populaires : chômage et pouvoir d’achat. Macron serait la
version française d’une stratégie « anti-populiste », inspirée notamment
de l’establishment néolibéral allemand : concurrencer le populisme
d’extrême droite moins sur le terrain identitaire et sécuritaire et plus
sur le terrain économique. Mais pour cela, comme il l’affirme dans un
entretien avec El País de cette semaine, « il faut que la France assume ses responsabilités sur le plan économique et budgétaire et accomplisse les réformes ». Et on sait très bien ce que cela veut dire venant de la bouche d’un libéral comme Macron.
Il est encore très tôt pour affirmer que la dynamique Macron se
maintiendra. Pour le moment il ne s’agit que de spéculations. Cependant
une chose est sure : ce n’est pas parce que Macron fait de la démagogie
pseudo-progressiste sur quelques sujets dits « de société » qu’il est
moins un ennemi juré des travailleurs. À plusieurs reprises, en tant que
ministre de l’Économie, il a démontré son mépris de classe et son
aversion envers le syndicalisme. Macron pourrait devenir une option pour
les capitalistes mais pour les travailleurs il s’agit de préparer la
résistance face au prochain président, quel qu’il soit.
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