19.1.17

La presse libérale internationale est aux anges avec Macron


Philippe Alcoy

Ces derniers jours, les Unes des journaux internationaux ont été largement occupées par la prochaine arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche et par le discours de Theresa May sur son plan stratégique pour mettre en place le Brexit. Cependant, soudainement, l’élection présidentielle française s’y est invitée également, notamment à travers des articles et interviews de la « nouvelle star politique » hexagonale : Emmanuel Macron. Que dit la presse internationale sur le jeune candidat néolibéral de En Marche ?

En effet, ces dernières semaines les sondages ont montré une forte progression du candidat Macron. Avec un discours démagogique affirmant n’être « ni de gauche ni de droite », portant un programme clairement néolibéral – dans la continuité de son action en tant que ministre de l’Économie – il apparaît aujourd’hui comme la « star » de la course à la présidence en France. Un candidat qui, tout en se présentant comme un « outsider », porte profondément les valeurs de l’establishment politique et économique. Un vrai « populiste de l’extrême centre ».

Ainsi, Foreign Policy donne le ton dès le début de son article très élogieux sur le candidat d’En Marche : « Il est le dernier grand espoir français pour un futur européen basé sur un marché commun et une morale commune, une monnaie unique et un engagement particulier avec les valeurs centrales du continent ». Pas moins enthousiaste se montre le Financial Times, considérant que « Macron était inconnu du public jusqu’à il y a trois ans (…) Mais en décembre plus de 12 000 personnes ont assisté à son meeting à Paris, une participation saluée comme une démonstration de force pour un novice en politique. Et l’enthousiasme semble avoir gagné la province où des milliers de personnes font la queue pour l’écouter  ».

Même le journal social-libéral britannique The Guardian, qui ces derniers temps montrait des signes d’inquiétude face à la montée du populisme et du sentiment anti-Union européenne, notamment après le Brexit, voit en Macron une alternative. On s’y félicite du fait que Macron s’oppose au discours nationaliste du FN et que dans ses meetings les gens viennent avec des drapeaux européens. Voulant croire à l’homme providentiel des valeurs du libéralisme, on y affirme : « Macron est libéral sur le plan économique et un réformiste pro-marché, mais il est fermement à gauche sur les questions sociales, dont la liberté de pratiquer sa religion dans un État neutre, l’égalité et l’immigration  ».

Pour Foreign Policy, cela est clair aussi. Ce serait même l’atout de Macron face à Marine Le Pen et Fillon qui tombent dans le nationalisme, même dans le cas du candidat des Républicains. Et cela s’applique aussi pour le PS : « les anciens collègues de Macron du Parti socialiste ont fait très peu pour se maintenir à la marge de ces déclarations. Particulièrement leur principal candidat, l’ancien Premier ministre Manuel Valls (…) a appelé à interdire le « burkini » (…) lançant des avertissements aux musulmans français pour qu’ils soient plus « discrets » (…) Valls a été également inflexible sur la politique de l’immigration (…) Faisant écho à son ennemie Le Pen, il a déclaré : l’Europe ne peut plus accueillir des réfugiés (…) Alors que pour Le Pen et Valls les réfugiés sont vus comme un fardeau, Macron a insisté sur le fait qu’ils représentent une « opportunité économique » pour la France et pour l’Europe ».

Le New York Timesprésente également Macron sous un angle positif, mais de façon plus modérée. En effet, on y met l’accent sur sa capacité à attirer des vieux dirigeants du PS et du centre, ainsi qu’une partie de leur électorat et sympathisants/militants. Aussi, on remarque que Macron réussi à installer l’idée d’un soi-disant « dépassement » du clivage droite-gauche et à apparaître comme une nouveauté politique et à plaire largement, malgré son parcours très élitiste.

Sur ce point, le journal italien La Repubblica, dans une longue interview publiée cette semaine, pose la question à Macron sur la contradiction de vouloir être le « candidat du peuple » et d’avoir travaillé dans une banque d’affaires. Et celui-ci répond : « Venez voir mes meetings. Ces derniers jours, j’étais en Bourgogne, à Clermont-Ferrand, j’ai rassemblé plus de soutiens que les candidats socialistes ou Le Pen. Et je vous assure qu’ils n’étaient pas tous des entrepreneurs ou des professionnels libéraux ».

Pour le Financial Times, le succès de Macron réside dans le fait que, face aux discours de la droite populiste, il offre un «  petit espoir d’un remède rapide et sans désigner des boucs émissaires (…) Dans un pays visé par des extrémistes islamistes et où l’on prédit que Marine Le Pen sera au second tour des élections présidentielles basée sur un programme identitaire et sécuritaire, Macron a désorienté les analystes politiques en se focalisant sur l’économie et la promesse de faire revivre la mobilité sociale en France  ».

Évidemment, le journal de la ville de Londres n’oublie pas de le féliciter pour s’attaquer à certains « tabous » en France et pour désigner les coupables des « malaises économiques » : les « privilégiés » qui jouissent de la protection et la régulation de leurs conditions de travail (fonctionnaires, CDI, etc.) et qui s’opposent aux jeunes en CDD et les habitants des banlieues délaissées. Au moins la stratégie de division des exploités est claire.

Cependant, malgré leur enthousiasme, tous les journaux préfèrent émettre quelques précautions sur la candidature du jeune néolibéral. Le Financial Times par exemple, considère que le point faible de Macron est potentiellement son programme sur les sujets phares des autres candidats : « face à Le Pen et Fillon, Macron devra se battre pour apparaître crédible sur les questions de sécurité, d’identité et d’immigration  ». Le New York Times prévient que « plus le programme de réformes de Macron deviendra clair, notamment sur comment il entend réduire les dépenses publiques, plus dur sera que cela fasse consensus dans l’ensemble de la société ». Les seuls qui paraissent les plus optimistes sont les rédacteurs de Foreign Policy  pour qui « à la différence de la Grande-Bretagne [Brexit] et des États-Unis [Trump], la chose étrange en France pourrait en être une incomparablement plus optimiste, peut-être pour toute l’Europe  ».

Effectivement, la candidature de Macron commence à apparaître pour beaucoup comme celle qui pourrait freiner l’avancée de l’extrême droite populiste de Marine Le Pen. Il apparaît comme une « nouveauté » certes, mais ce n’est pas uniquement cela qui lui permet potentiellement de concurrencer le FN. Une autre clé est le fait d’axer sa campagne sur des réponses néolibérales (et réactionnaires) aux principales inquiétudes des classes populaires : chômage et pouvoir d’achat. Macron serait la version française d’une stratégie « anti-populiste », inspirée notamment de l’establishment néolibéral allemand : concurrencer le populisme d’extrême droite moins sur le terrain identitaire et sécuritaire et plus sur le terrain économique. Mais pour cela, comme il l’affirme dans un entretien avec El País de cette semaine, «  il faut que la France assume ses responsabilités sur le plan économique et budgétaire et accomplisse les réformes  ». Et on sait très bien ce que cela veut dire venant de la bouche d’un libéral comme Macron.

Il est encore très tôt pour affirmer que la dynamique Macron se maintiendra. Pour le moment il ne s’agit que de spéculations. Cependant une chose est sure : ce n’est pas parce que Macron fait de la démagogie pseudo-progressiste sur quelques sujets dits « de société » qu’il est moins un ennemi juré des travailleurs. À plusieurs reprises, en tant que ministre de l’Économie, il a démontré son mépris de classe et son aversion envers le syndicalisme. Macron pourrait devenir une option pour les capitalistes mais pour les travailleurs il s’agit de préparer la résistance face au prochain président, quel qu’il soit.

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