Philippe Alcoy
Samedi soir à Istanbul, un double attentat a fait 44 morts, dont
36 policiers, et plusieurs dizaines de blessés. Très rapidement, le
gouvernement en a profité pour arrêter 198 militants, dirigeants et
députés du Parti démocratique des peuples (HDP), réputé pro-kurde. Et
cela alors que l’attentat a été revendiqué par un autre groupe kurde,
les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), responsable d’autres
attentats cette année. Erdogan et son gouvernement essayent déjà de
capitaliser cet attentat pour avancer dans un projet autoritaire, et
redoubler sa répression contre le peuple kurde en Turquie et dans les
pays de la région.
Samedi soir, vers 22h30, après la fin d’un match de
football dans le quartier de Besiktas, une première attaque a eu lieu
quand une voiture piégée a explosé, à proximité d’un bus amenant des
policiers venus surveiller le match. Quelques secondes plus tard, dans
un parc, un jeune faisait exploser son sac à dos au milieu d’un groupe
de policiers. Dans un communiqué,
le TAK explique qu’il visait la police et non « le peuple turc », mais
qu’« aucune vie confortable n’est attendue en Turquie tant que le leader
[Ocalan] continue emprisonné, que le fascisme turc AKP torture les
mères, qu’il expose les corps de jeunes filles et massacre des enfants
au Kurdistan quotidiennement… ».
Même si la presse internationale, en se faisant l’écho de ce
qu’affirme le gouvernement turc, déclare que le TAK serait lié au PKK,
la réalité est que l’on en sait très peu sur ce groupe, mis à part qu’il
est issu d’une dissidence du PKK en 2004 et qu’il a depuis mené
plusieurs attentats, notamment à partir de 2015.
Mais cela est suffisant pour qu’Erdogan lance une offensive contre
les représentants politiques du peuple kurde, ainsi que contre les
positions du PKK en Turquie et en Irak. Ainsi, malgré le fait que le HDP
ait condamné rapidement les attentats, près de 200 de ses membres ont
été arrêtés par la police turque.
Si ces attentats sont le reflet de la violence de la répression
contre le peuple kurde, ils sont également l’expression d’une stratégie
incapable de faire avancer la lutte pour la libération du peuple kurde
contre l’oppression de l’État turc et le gouvernement d’Erdogan. Au
contraire, alors que la situation économique se dégrade dans le pays,
minant la base de soutien du gouvernement, ce double attentat permet à
Erdogan de créer une ambiance d’unité nationale pour resserrer les rangs
et essayer de faire adopter par référendum une réforme
constitutionnelle concentrant le pouvoir dans l’exécutif, donc dans les
mains d’Erdogan.
Le jour même où a eu lieu l’attentat, le parlement turc débattait en
effet de cette réforme constitutionnelle préparée entre l’AKP d’Erdogan
et les ultranationalistes. Celle-ci vise à donner des pouvoirs au
président comme celui de décréter l’état d’urgence, même pour des
raisons économiques, de nommer directement les hauts fonctionnaires de
l’État, y compris des juges, ou d’appliquer des mesures par décret. Le
plus probable est que pour adopter cette réforme, le gouvernement soit
obligé d’appeler à un référendum risqué.
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