Philippe Alcoy
Mercredi dernier, l’assemblée générale des Nation Unies a adopté
une résolution permettant la mise en place d’un groupe de travail pour
enquêter sur les crimes de guerre en Syrie. Alors que la Russie est en
train d’organiser des discussions pour trouver une soi-disant « solution
politique » à la crise en Syrie, excluant les puissances occidentales,
notamment les Etats Unis, on peut se demander si cette résolution relève
d’une vraie volonté de rendre justice aux victimes de la guerre ou
d’une simple manœuvre en réponse à Poutine.
La guerre en Syrie a fait au moins 400 000 morts, plus de
11 millions de déplacés, dont 4 millions en dehors du pays. Des villes
entières ont été rasées. Des centaines de milliers de personnes ont été
volontairement affamées comme stratégie de guerre. Des civils bombardés,
des populations entières ont été attaquées aux armes chimiques. Les
images de cette catastrophe nous arrivent quotidiennement. Seulement des
cyniques peuvent nier qu’en Syrie il y a eu et qu’il y a encore des
crimes de guerre. Et ceux-ci sont loin d’être le patrimoine exclusif des
forces du régime et de ses alliés.
Cependant, la résolution proposée par le Liechtenstein, pays tout à
fait insignifiant d’un point de vue géopolitique, et approuvée par
l’assemblée générale de l’ONU pose question. En effet, elle arrive au
moment même où le régime syrien et ses alliés font des gains militaires
importants sur le terrain et où, par conséquent, la Russie de Poutine
essaye d’avancer vers une « solution politique » favorable à ses
intérêts en Syrie, associant des alliés occidentaux historiques comme la
Turquie et en excluant les Etats Unis.
Il était clair que cette tentative « d’humilier » Obama de la part de Poutine
allait provoquer une réponse. Au-delà des soupçons sur une possible
implication des services secrets nord-américains dans l’assassinat de
l’ambassadeur russe à Ankara lundi dernier pour refroidir le
rapprochement turco-russe, il semblerait que les puissances
impérialistes aient décidé d’utiliser la carte de la « dénonciation des
crimes contre l’humanité » en Syrie pour améliorer leur rapport de force
face aux victoires militaires du régime et ses alliés.
Bien que ces crimes soient bien réels et exigent une vraie justice et
la condamnation de l’ensemble des responsables, l’hypocrisie des
puissances impérialistes et de l’ONU ne peuvent pas laisser indifférent.
En effet, il est clair que cette résolution vise à enquêter sur les
crimes du régime mais, comme d’habitude, les crimes de guerre commis par
les occidentaux (notamment les Etats Unis et la France) et leurs alliés
ne seront que rarement investigués.
On ne peut pas non plus oublier qu’au moment où toute l’attention est
portée délibérément sur la situation en Syrie, on parle à peine du
massacre perpétré par l’Arabie Saoudite, alliée armée par l’impérialisme
américain et français, au Yémen. Et bien évidemment on n’oubliera pas
non plus l’offensive en cours à Mossoul en Irak.
Ces manœuvres diplomatiques des puissances occidentales montrent,
encore une fois, qu’elles n’ont que faire de la protection de la vie des
civils, comme de la recherche d’une véritable justice pour les victimes
de la guerre et encore moins de la punition de tous les responsables.
Cette contre-attaque des états impérialistes à travers cette
organisation réactionnaire qu’est l’ONU ne vise qu’à régler leurs
différends avec la Russie et ses alliés dans le cadre d’un conflit
barbare.
Une vraie enquête sur les crimes de tous les responsables (le régime
et ses alliés et les puissances occidentales) ne pourrait être menée
jusqu’au bout que par des organismes de défense des Droits de l’Homme,
indépendants de tout gouvernement et pouvoirs économiques, et par les
organisations du mouvement ouvrier et les principaux intéressés, les
victimes des atrocités en Syrie et dans la région.
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