Phillipe Alcoy
Conservateur, austère, mesuré dans ses gestes et ses actes. C’est
la réputation de François Fillon. Représentant de la bourgeoisie
traditionnelle, conservatrice, catholique. Pas d’attitudes « nouveau
riche » chez M. Fillon. Notable de province. Irréprochable, diront
certains. Vraiment ?
François Fillon a remporté la primaire à droite en promettant d’appliquer un « programme radical », un « thatchérisme à la française ».
Son orientation conservatrice sur les questions sociétales est couplée
avec une vision clairement ultra-néolibérale sur l’économie. De la sueur
et des larmes, promet le candidat. Il promet la fin des 35 heures, la
suppression de 500 000 postes de fonctionnaires, la réduction des
dépenses sociales, notamment dans la sécurité sociale, réduction des
impôts pour les plus riches et l’augmentation des impôts antipopulaires
comme la TVA.
Fillon promet un « quinquennat de rupture », comme le faisait
Sarkozy en 2007 d’ailleurs. Mais cette fois, fini le « bling-bling »,
les attitudes de « nouveau riche » se vantant de sa richesse, comme
avait tendance à faire l’ancien président Sarkozy. Or, derrière cette
apparence et ce personnage austère, créé de toutes pièces par des
campagnes de com’, se cache un politicien professionnel, riche et
privilégié, qui possède un grand patrimoine, expose ses objets de luxe,
se fait inviter passer des vacances chez ses amis (très) grands patrons.
Car, Fillon est avant tout un membre de cette vieille bourgeoisie
française, qui vit très éloignée des réalités des classes populaires,
qui déteste les classes populaires. En effet, ce père de famille, avec
une carrière de politicien longue de près de 40 ans, possède ni plus ni
moins un château qu’il n’a pas hésité à exhiber dans les pages de Paris Match
lors d’une longue interview en 2013. Sur la photo, on le voit –à la
manière des vieilles familles aristocratiques – avec ses enfants et son
épouse devant « l’humble demeure ». C’est le prototype de la famille
bourgeoise de la Manif pour tous, certes, mais qui cette fois s’expose
et se vante de sa richesse, de son patrimoine.
On se rappelle encore de l’affaire des Rolex et des « vies ratés »
sous le quinquennat de Sarkozy. Il faut dire à ce propos que le nouveau
candidat de la droite pour les élections de 2017 ne semble pas avoir
« raté sa vie ». Certes, il n’a pas une Rolex mais, en 2013 également,
on apprenait que François Fillon se vantait de porter une montre suisse à
16 000 euros, soit un an et demi de SMIC.
Mais peut-être s’agissait-il simplement d’un cadeau d’amis. Un cadeau
comme l’invitation en 2012 à passer des vacances dans le yacht (48 000
euros la semaine) du patron de Ferrari, Luca di Montezemolo. Il faut
simplement savoir choisir ses amis. Et Fillon sait très bien les
choisir, les sélectionner même. Surtout parmi les patrons. Ainsi, dans
son équipe de campagne, on trouve l’ex-PDG de la compagnie d’assurance
Axa Henri de Castries, Patrick Pouyanné (Total), Alain Afflelou, Denis
Ranque (Airbus), Pierre Danon (ex-PDG de Numéricable et British
Telecom), Arnaud de Montlaur, banquier chez Quilvest, Stanislas de
Betzmann, président de Devoteam et ex-dirigeant de Coissance Plus, entre
autres.
On a beaucoup tourné en dérision François Copé et ses pains au chocolat « à 10 ou 15 centimes »,
expression parfaite de l’éloignement de ces politiciens professionnels
avec la vie réelle de la majorité de la population et surtout des
classes populaires. Mais même si François Fillon n’a peut-être pas parlé
du prix du pain au chocolat, son château, sa montre à 16000 euros, ses
vacances de luxe dans le yacht de son ami grand patron et tant d’autres
privilèges expriment également un éloignement, non moins colossal, par
rapport au quotidien de millions de travailleurs, de chômeurs, de jeunes
précaires et de retraités. Autrement dit de cette « France périphérique »,
méprisée et détestée par la bourgeoisie française, que ce conservateur
ultralibéral devra essayer de coopter pour son projet réactionnaire
d’attaques antipopulaires, non seulement pour gagner les élections, mais
pour pouvoir gouverner.
Certains ont voulu présenter l’élection de Fillon à la primaire de la droite comme une expression de la tendance mondiale « anti-establishment », « anti-élite ».
Mais François Fillon transpire l’élite, il incarne l’establishment. Il
est le symbole du bourgeois réactionnaire violemment anti-ouvrier,
antisyndical. Fillon a beau vouloir ne pas être un politicien
« bling-bling ». Il reste un politicien riche, qui a toujours gouverné
et qui envisage de gouverner pour les riches, entouré de riches. La
farce ne durera pas longtemps.
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