Philippe Alcoy
C’est un tremblement de terre politique mondial. Tout le monde le
dit. C’est le résultat du mécontentement contre « l’establishment ». Les
« perdants de la globalisation » ont voté pour le candidat se
présentant hypocritement comme « anti système ». Les raisons pour les
classes populaires de rejeter « l’élite » et ses politiques néfastes
étaient (et sont) très nombreuses effectivement. Cependant, l’élection
de Trump, ainsi que le vote pour le « Brexit » et la montée des courants
populistes à travers l’Europe, ne sont que des expressions
réactionnaires de ce mécontentement populaire profond. Face à
l’establishment et aux alternatives réactionnaires, il est donc urgent
de commencer à construire une alternative qui réponde réellement aux
problèmes des travailleurs et des masses opprimées, qui s’attaque à la
racine du problème : le système capitaliste.
Les principaux journaux internationaux, dont l’écrasante
majorité avait soutenu et parié sur une victoire de Clinton, annonçaient
la « tragédie » ce mercredi matin. La victoire de Trump ne va pas
seulement avoir des répercussions internes mais aussi internationales.
Mais surtout cette victoire est l’expression (réactionnaire) la plus
importante des crises profondes des régimes politiques instaurés après
la crise économique des années 1970 et l’offensive néolibérale dans le
monde. La plus importante car elle a lieu au cœur de la plus grande
puissance impérialiste mondiale.
En effet, la victoire de Trump ne peut pas être expliquée à travers
des analyses simplistes conjoncturelles sur les rebondissements de
« l’affaire des emails » de Clinton ou sur la « manipulation » d’un
secteur de la population. On ne peut pas comprendre la victoire de Trump
sans le bilan désastreux pour les masses des huit ans de gouvernement
de Barack Obama. On ne peut pas comprendre ce résultat réactionnaire
sans prendre en compte la politique cynique des démocrates au cours de
la dure crise économique mondiale qui a touché principalement les
secteurs ouvriers et les classes populaires.
Hillary Clinton est une représentante directe de l’establishment.
Elle a été « première dame » dans les années 1990, a été élue pendant
des années et a même été ministre des affaires étrangères d’Obama.
Clinton est aussi milliardaire que Trump. Et surtout elle et sa famille
sont parmi les plus puissants représentants de la caste politicienne de
l’impérialisme nord-américain. Elle n’avait rien pour attirer
l’enthousiasme de ces secteurs populaires profondément mécontents de la
société étatsunienne. Bien au contraire, elle avait tout pour gagner
leur mépris.
Trump de son côté n’est pas moins membre de ce détesté « 1% ». C’est
un milliardaire populiste, raciste, sexiste et vulgaire. Le pire produit
du capitalisme néolibéral et arrogant. Il n’est pas moins un ami de la
famille Clinton d’ailleurs. Avec ses discours virulents et
réactionnaires il a séduit les secteurs moins conscients de la classe
ouvrière blanche, qui a vu son niveau de vie et ses emplois disparaître.
Des secteurs profondément touchés par la crise et les politiques
antipopulaires des démocrates au pouvoir aussi.
Dans cette élection, pas plus que dans les antérieures, il était
clair qu’il n’existait aucune alternative indépendante et progressiste
qui défende les intérêts des travailleurs, de la jeunesse, des Noirs et
des Latinos opprimés par le racisme d’Etat, des femmes victimes de
violences machistes, des LGBT dont la discrimination est énorme et
violente dans le pays qui s’arroge le titre de « principale démocratie
mondiale ». Dans cette caricature de démocratie pour les riches et par
les riches, il n’y avait rien à tirer pour les victimes de la crise
économique capitaliste. Rien.
C’est entre ce mécontentement populaire profond et la décomposition
des régimes politiques en crise qu’apparaissent et se développent des
phénomènes monstrueux comme Trump, mais aussi tous les courants
populistes réactionnaires comme le Front National en France et tant
d’autres à travers le monde. Et la victoire de Trump est une très
mauvaise nouvelle. Une catastrophe pour les travailleurs et les classes
populaires. Non pas parce que Clinton était mieux. Mais parce que Trump
arrive à canaliser la colère d’une grande partie des couches populaires,
des travailleurs, des jeunes, et même le pourcentage de Noirs et
Latinos qui votent pour lui progresse par rapport au dernier candidat
républicain. Sa victoire va renforcer sans aucun doute les tendances
réactionnaires en Europe et dans le monde.
Mais les travailleurs, la jeunesse, les minorités raciales, les LGBT
et les couches populaires durement frappées par la crise n’avaient pas à
choisir entre la peste et le choléra, entre le mauvais et le pire. Au
contraire, la victoire de Trump vient pointer encore une fois l’urgence
qu’il y a à construire une alternative qui défende réellement et de
façon intransigeante les intérêts des travailleurs et de tous les
secteurs opprimés de la société. Une alternative radicale dans le sens
qu’elle s’attaque à la racine du problème, le système capitaliste. Une
alternative qui mette au cœur du débat public et à une échelle de masses
la nécessité de s’organiser pour la révolution socialiste. Une
perspective où les exploités et opprimés prennent dans leurs mains les
clés de leur propre destin. Non seulement pour faire payer la crise
capitaliste mondiale aux riches, aux banquiers, aux actionnaires, aux
exploiteurs et oppresseurs. Mais pour un objectif bien plus ambitieux.
Pour construire une société débarrassée de l’exploitation et de
l’oppression. Pour le communisme.
Autrement, ce sont les forces réactionnaires du capitalisme, générées
dans la décomposition des régimes politiques néolibéraux, qui prendront
le dessus et amèneront le monde tout entier vers plus de barbarie
encore.
Le germe pour lutter pour une perspective progressiste,
révolutionnaire, existe. Il se trouve dans les millions de jeunes et de
travailleurs qui se sont mobilisés toutes ces dernières années à travers
la planète contre les mesures d’austérité, contre les gouvernements
corrompus, contre les violences racistes et les violences policières
comme le Mouvement Black Lives Matter, la jeunesse noire « insolente »
et les mineurs héroïques en Afrique du Sud, les millions de personnes
mobilisées pendant le « printemps arabe », entre tant d’autres. Voilà le
germe de l’avenir de l’humanité. Voilà nos alliés. Voilà où se trouve
la force des exploités et des opprimés de ce monde face à l’impérialisme
et ses aberrations comme Donald Trump.
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