Philippe Alcoy
C’est un enjeu politique délicat pour le gouvernement PS à
quelques mois de la présidentielle. Faire disparaître la « Jungle »
devient un grand coup de « com’ » pour ce gouvernement complètement
anti-populaire qui tente de se rattraper par la droite. Encore plus à
droite. Le premier jour de cette farce « humanitaire » s’est passé dans
un calme relatif. Un calme cynique. Un calme qui cache la violence
profonde de l’opération. Un calme qui attend le moment propice pour
s’effacer afin de laisser la place à la répression directe.
Le monde entier, presque littéralement, avait les yeux
rivés vers le début de l’opération de démantèlement de l’ignoble
« Jungle de Calais ». C’était dans tous les journaux nationaux et
internationaux. Plus de 700 journalistes ont pu assister la veille à ce
qui est devenu une habitude à la Jungle : la répression policière.
En effet, face à l’évacuation imminente de la Jungle, beaucoup de
migrants ont essayé de gagner la Grande-Bretagne la veille. Sans succès,
pour l’écrasante majorité. Le lendemain, ils se sont réveillés avec les
énormes queues de candidats qui vont être disséminés dans 11 régions
françaises, dans des centres dits d’accueil.
Mais c’est surtout la fatigue, l’affaiblissement à cause des
conditions inhumaines de survie dans la « Jungle », le froid, les
humiliations constantes et la répression qui poussent beaucoup de
migrants à se dire qu’accepter la proposition incertaine du gouvernement
français peut relever d’un moindre mal. Cependant, il n’y a pas
d’enthousiasme non plus. Juste une envie de partir de cet enfer. Une
résignation face à l’échec d’atteindre l’objectif d’arriver en
Grande-Bretagne. Pour d’autres, il s’agit juste d’une étape avant de
continuer la route.
Mais la méfiance reste grande. Même si le calme a surpris plus d’un,
la quantité de personnes parties n’est pas à la hauteur des expectatives
du gouvernement. Alors qu’il s’attendait à remplir 60 cars lors de
cette première journée, c’est en réalité un peu moins de 50 qui sont
partis.
La phase appelée hypocritement « humanitaire » de cette opération de
démantèlement et d’évacuation doit durer quelques jours seulement. On
estime qu’à la fin de cette semaine, les personnes qui auraient décidé
de rester dans la « Jungle » vont être délogées par la force. Et les
3 000 effectifs des forces de répression déployés pour l’occasion en
disent long sur la brutalité à laquelle on pourra s’attendre.
C’est précisément cela que le gouvernement voudrait éviter. D’un côté
disperser les migrants et faire disparaître la « Jungle » (au moins
momentanément et sans résoudre le problème de fond) et d’autre part, ne
pas apparaître comme ayant dû utiliser une force « disproportionnée ».
A Calais, toutes les options qui s’offrent aux migrants sont
inacceptables. Soit partir vers des destinations incertaines, dans des
centres dits d’accueils mais sans savoir exactement pour combien de
temps ni dans quelles conditions, ni s’il leur sera possible de rester
en France ou demander l’asile en Grande-Bretagne, ni si leur sécurité
est assurée face aux manifestations xénophobes qui sont apparues dans
plusieurs localités. Soit rester dans cette « Jungle de la honte » et
tenter de passer en Grande-Bretagne, risquant parfois leur vie (14 décès
par accidents de la route cette année).
Face aux politiques répressives et racistes du gouvernement, aux
discours incendiaires et xénophobes du FN et de la droite, il faut
réaffirmer le soutien aux migrants et migrantes qui fuient la guerre ou
la misère. Exiger la liberté de circulation, la régularisation de tous
les sans-papiers, l’accueil dans des conditions décentes de tous les
migrants, la fin des politiques répressives à l’égard de nos frères et
sœurs venus d’ailleurs. L’évacuation de la « Jungle de Calais »
continuera dans les prochains jours et nous devrons rester vigilants.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire