Philippe Alcoy et Juan Chingo
La Révolution des Conseils de 1956 en Hongrie est pour ainsi dire une « révolution oubliée ». Une révolution dont la mémoire a été « effacée », bannie. Et d’un certain point de vue c’est compréhensible. Elle n’arrangeait aucun des pouvoirs en place à l’époque (les puissances impérialistes et les bureaucraties staliniennes) ; et elle n’arrange pas les capitalistes aujourd’hui non plus. Car le contenu de la Révolution des Conseils était profondément subversif, révolutionnaire : une révolution ouvrière dans un pays soi-disant « socialiste » contre le pouvoir de la bureaucratie stalinienne locale et « soviétique » mais qui en même temps ne cherchait pas à s’allier aux puissances impérialistes et aux anciennes classes dominantes locales pour restaurer le capitalisme. Au contraire, les insurgés de la révolution hongroise se battaient pour construire un vrai socialisme, dégagé de la bureaucratie et de l’oppression nationale, où les ouvriers, les paysans et les masses opprimées soient les vrais maitres de leur destin et pouvoir.
En effet, la Révolution des Conseils de 1956 n’est pas
seulement un « révolution oubliée », elle est également l’une des plus
grandes révolutions ouvrières du XXe siècle. En quelques jours des
conseils de travailleurs, d’étudiants, dans les quartiers sont apparus.
La vague révolutionnaire a provoqué l’effondrement de l’édifice
totalitaire. Les organisations spontanées créées dans les usines, les
villages et les quartiers réorganisaient la vie sociale, politique et
économique. Les conseils ouvriers instaurent la liberté de presse et
donnent la liberté pour tout type de propagande, sauf celle des
partisans de l’ancien dictateur fasciste Horthy. On arme la population
et une grande partie de la police et de l’armée passe du côté de la
révolution.
Ces nouvelles institutions démocratiques, les conseils ouvriers,
démontraient qu’il existait un régime politique alternatif à la terreur
bureaucratique. Et cela non seulement en conservant les bases de
l’économie nationalisée mais en approfondissant ces bases économiques et
les réformant.
La révolution des conseils montrait qu’il existait une alternative à
gauche, révolutionnaire, à la falsification stalinienne du socialisme ;
que la restauration du capitalisme et de la propriété privée et
foncière, qui a eu lieu plusieurs décennies plus tard, n’était pas la
seule alternative face au pouvoir de la bureaucratie. Au contraire,
c’est l’écrasement à feu et sang de la révolution hongroise en 1956 par
le stalinisme, et plus tard des révolutions en Tchécoslovaque en 1968 et
en Pologne en 1980, qui créeront les conditions pour que s’opère, suite
à l’implosion du stalinisme et de l’Union Soviétique entre 1989 et
1991, la restauration du capitalisme. Ce processus qui a eu lieu de
façon relativement « pacifique » a impliqué une contre-révolution
économique et sociale d’une ampleur historique dont les conséquences
sont encore payées par les masses de la région.
Mais la révolution hongroise est importante car elle contredit les
discours des intellectuels « antitotalitaires », ces « gauchistes
renégats » de Mai 68 qui ont affirmé qu’il existait une continuité entre
les conceptions marxistes et révolutionnaires et le totalitarisme
stalinien. La Révolution des Conseils montrait en effet que socialisme
et liberté pouvaient marcher ensemble. Les masses hongroises ont démenti
ces charlatans et le soi-disant « totalitarisme de gauche » qui a fait
tant de mal au marxisme en le marginalisant et en minant les traditions
révolutionnaires des années 1970. Tout ce discours se faisait pour
imposer des solutions politiques modérées, libérales et postmodernes qui
ont dominé la vie politique en France ces dernières décennies.
C’est pour cela qu’à l’occasion du soixantième anniversaire de la Révolution des Conseils de 1956 en Hongrie, Révolution Permanente publiera dans les semaines à venir une série d’articles sur différents aspects de cette lutte héroïque de notre classe.
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